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Seul Dieu a le pouvoir d’ôter les voiles de vos yeux, et vous ne trouverez pas de réponses ici, à moins qu'Il ne le veuille.
30 mai 2019
René Guénon - Les directions de l’espace
A droite, directions de l’espace et Noms divins : al-Hayy (le Vivant) au centre, al-‘Alîm (le Savant), al-Murîd (Celui qui veut), al-Qâdir (le Puissant), al-Mutakallim (Celui qui parle), as-Samî’ (Celui qui entend), al-Baçîr (Celui qui voit).
Certains écrivains occidentaux, à prétentions plus ou moins initiatiques, ont voulu donner à la croix une signification exclusivement astronomique, disant qu’elle est « un symbole de la jonction cruciale que forme l’écliptique avec l’équateur », et aussi « une image des équinoxes, lorsque le soleil, dans sa course annuelle, couvre successivement ces deux points » (1). À vrai dire, si elle est cela, c’est que, comme nous l’indiquions plus haut, les phénomènes astronomiques peuvent eux-mêmes, à un point de vue plus élevé, être considérés comme des symboles, et qu’on peut y retrouver à ce titre, aussi bien que partout ailleurs, cette figuration de l’« Homme Universel » à laquelle nous faisions allusion dans le précédent chapitre ; mais, si ces phénomènes sont des symboles, il est évident qu’ils ne sont pas la chose symbolisée, et que le fait de les prendre pour celle-ci constitue un renversement des rapports normaux entre les différents ordres de réalités (2). Lorsque nous trouvons la figure de la croix dans les phénomènes astronomiques ou autres, elle a exactement la même valeur symbolique que celle que nous pouvons tracer nous-mêmes (3) ; cela prouve seulement que le véritable symbolisme, loin d’être inventé artificiellement par l’homme, se trouve dans la nature même, ou, pour mieux dire, que la nature tout entière n’est qu’un symbole des réalités transcendantes.
Même en rétablissant ainsi l’interprétation correcte de ce dont il s’agit, les deux phrases que nous venons de citer comprennent l’une et l’autre une erreur : en effet, d’une part, l’écliptique et l’équateur ne forment pas la croix, car ces deux plans ne se coupent pas à angle droit ; d’autre part, les deux points équinoxiaux sont évidemment joints par une seule ligne droite, de sorte que, ici, la croix apparaît moins encore. Ce qu’il faut considérer en réalité, c’est, d’une part, le plan de l’équateur et l’axe qui, joignant les pôles, est perpendiculaire à ce plan ; ce sont, d’autre part, les deux lignes joignant respectivement les deux points solsticiaux et les deux points équinoxiaux ; nous avons ainsi ce qu’on peut appeler, dans le premier cas, la croix verticale, et, dans le second, la croix horizontale. L’ensemble de ces deux croix, qui ont le même centre, forme la croix à trois dimensions, dont les branches sont orientées suivant les six directions de l’espace (4) ; celles-ci correspondent aux six points cardinaux, qui, avec le centre lui-même, forment le septénaire.
Nous avons eu l’occasion de signaler ailleurs l’importance attribuée par les doctrines orientales à ces sept régions de l’espace, ainsi que leur correspondance avec certaines périodes cycliques (5) ; nous croyons utile de reproduire ici un texte que nous avons cité alors et qui montre que la même chose se trouve aussi dans les traditions occidentales ; « Clément d’Alexandrie dit que de Dieu, « Cœur de l’Univers », partent les étendues indéfinies qui se dirigent, l’une en haut, l’autre en bas, celle-ci à droite, celle-là à gauche, l’une en avant et l’autre en arrière ; dirigeant son regard vers ces six étendues comme vers un nombre toujours égal, il achève le monde ; il est le commencement et la fin (l’alpha et l’ôméga) ; en lui s’achèvent les six phases du temps, et c’est de lui qu’elles reçoivent leur extension indéfinie ; c’est là le secret du nombre 7 » (6).
Ce symbolisme est aussi celui de la Qabbalah hébraïque, qui parle du « Saint Palais » ou « Palais intérieur » comme situé au centre des six directions de l’espace. Les trois lettres du Nom divin Jehovah (7), par leur sextuple permutation suivant ces six directions, indiquent l’immanence de Dieu au sein du Monde, c’est-à-dire la manifestation du Logos au centre de toutes choses, dans le point primordial dont les étendues indéfinies ne sont que l’expansion ou le développement : « Il forma du Thohu (vide) quelque chose et fit de ce qui n’était pas ce qui est. Il tailla de grandes colonnes de l’éther insaisissable (8). Il réfléchit, et la Parole (Memra) produisit tout objet et toutes choses par son Nom Un » (9). Ce point primordial d’où est proférée la Parole divine ne se développe pas seulement dans l’espace comme nous venons de le dire, mais aussi dans le temps ; il est le « Centre du Monde » sous tous les rapports, c’est-à-dire qu’il est à la fois au centre des espaces et au centre des temps. Ceci, bien entendu, si on le prend au sens littéral, ne concerne que notre monde, le seul dont les conditions d’existence soient directement exprimables en langage humain ; ce n’est que le monde sensible qui est soumis à l’espace et au temps ; mais, comme il s’agit en réalité du Centre de tous les mondes, on peut passer à l’ordre supra-sensible en effectuant une transposition analogique dans laquelle l’espace et le temps ne gardent plus qu’une signification purement symbolique.
Nous avons vu qu’il est question, chez Clément d’Alexandrie, de six phases du temps, correspondant respectivement aux six directions de l’espace : ce sont, comme nous l’avons dit, six périodes cycliques, subdivisions d’une autre période plus générale, et parfois représentées comme six millénaires. Le Zohar, de même que le Talmud, partage en effet la durée du monde en périodes millénaires. « Le monde subsistera pendant six mille ans auxquels font allusion les six premiers mots de la Genèse » (10) ; et ces six millénaires sont analogues aux six « jours » de la création (11). Le septième millénaire, comme le septième « jour », est leSabbath, c’est-à-dire la phase de retour au Principe, qui correspond naturellement au centre, considéré comme septième région de l’espace. Il y a là une sorte de chronologie symbolique, qui ne doit évidemment pas être prise à la lettre, pas plus que celles que l’on rencontre dans d’autres traditions ; Josèphe (12) remarque que six mille ans forment dix « grandes années », la « grande année » étant de six siècles (c’est le Naros des Chaldéens) ; mais, ailleurs, ce qu’on désigne par cette même expression est une période beaucoup plus longue, dix ou douze mille ans chez les Grecs et les Perses. Cela, d’ailleurs, n’importe pas ici, où il ne s’agit nullement de calculer la durée réelle de notre monde, ce qui exigerait une étude approfondie de la théorie hindoue des Manvantaras ; comme ce n’est pas là ce que nous nous proposons présentement, il suffit de prendre ces divisions avec leur valeur symbolique. Nous dirons donc seulement qu’il peut s’agir de six phases indéfinies, donc de durée indéterminée, plus une septième qui correspond à l’achèvement de toutes choses et à leur rétablissement dans l’état premier (13).
Revenons à la doctrine cosmogonique de la Qabbalah, telle qu’elle est exposée dans le Sepher Ietsirah : « Il s’agit, dit M. Vulliaud, du développement à partir de la Pensée jusqu’à la modification du Son (la Voix), de l’impénétrable au compréhensible. On observera que nous sommes en présence d’un exposé symbolique du mystère qui a pour objet la genèse universelle et qui se relie au mystère de l’unité. En d’autres passages, c’est celui du « point » qui se développe par des lignes en tous sens (14), et qui ne devient compréhensible que par le « Palais intérieur ». C’est celui de l’insaisissable éther (Avir), où se produit la concentration, d’où émane la lumière (Aor) » (15). Le point est effectivement symbole de l’unité ; il est le principe de l’étendue, qui n’existe que par son rayonnement (le « vide » antérieur n’étant que pure virtualité), mais il ne devient compréhensible qu’en se situant lui-même dans cette étendue, dont il est alors le centre, ainsi que nous l’expliquerons plus complètement par la suite. L’émanation de la lumière, qui donne sa réalité à l’étendue, « faisant du vide quelque chose et de ce qui n’était pas ce qui est », est une expansion qui succède à la concentration ; ce sont là les deux phases d’aspiration et d’expiration dont il est si souvent question dans la doctrine hindoue, et dont la seconde correspond à la production du monde manifesté ; et il y a lieu de noter l’analogie qui existe aussi, à cet égard, avec le mouvement du cœur et la circulation du sang dans l’être vivant. Mais poursuivons : « La lumière (Aor) vit du mystère de l’éther (Avir). Le point caché fut manifesté, c’est-à-dire la lettre iod » (16). Cette lettre représente hiéroglyphiquement le Principe, et on dit que d’elle sont formées toutes les autres lettres de l’alphabet hébraïque, formation qui, suivant le Sepher Ietsirah, symbolise celle même du monde manifesté (17). On dit aussi que le point primordial incompréhensible, qui est l’Un non-manifesté, en forme trois qui représentent le Commencement, le Milieu et la Fin (18), que ces trois points réunis constituent la lettre iod, qui est ainsi l’Un manifesté (ou plus exactement affirmé en tant que principe de la manifestation universelle), ou, pour parler le langage théologique, Dieu se faisant « Centre du Monde » par son Verbe. « Quand ce iod a été produit, dit le Sepher Ietsirah, ce qui resta de ce mystère ou de l’Avir (l’éther) caché fut Aor (la lumière) » ; et, en effet, si l’on enlève le iod du mot Avir, il reste Aor.
M. Vulliaud cite, sur ce sujet, le commentaire de Moïse de Léon : « Après avoir rappelé que le Saint, béni soit-il, inconnaissable, ne peut-être saisi que d’après ses attributs (middoth) par lesquels Il a créé les mondes (19), commençons par l’exégèse du premier mot de la Thorah : Bereshit (20). D’anciens auteurs nous ont appris relativement à ce mystère qui est caché dans le degré suprême, l’éther pur et impalpable. Ce degré est la somme totale de tous les miroirs postérieurs (c’est-à-dire extérieurs par rapport à ce degré lui-même) (21). Ils en procèdent par le mystère du point qui est lui-même un degré caché et émanant du mystère de l’éther pur et mystérieux (22). Le premier degré, absolument occulte (c’est-à-dire non-manifesté), ne peut être saisi (23). De même, le mystère du point suprême, quoiqu’il soit profondément caché (24), peut être saisi dans le mystère du Palais intérieur. Le mystère de la Couronne suprême (Kether, la première des dix Sephiroth) correspond à celui du pur et insaisissable éther (Avir). Il est la cause de toutes les causes et l’origine de toutes les origines. C’est dans ce mystère, origine invisible de toutes choses, que le « point » caché dont tout procède prend naissance. C’est pourquoi il est dit dans le Sepher Ietsirah : « Avant l’Un, que peux-tu compter ? » C’est-à-dire : avant ce point, que peux-tu compter ou comprendre (25) ? Avant ce point, il n’y avait rien, excepté Ain, c’est-à-dire le mystère de l’éther pur et insaisissable, ainsi nommé (par une simple négation) à cause de son incompréhensibilité (26). Le commencement compréhensible de l’existence se trouve dans le mystère du « point » suprême (27). Et parce que ce point est le « commencement » de toutes choses, il est appelé « Pensée » (Mahasheba) (28). Le mystère de la Pensée créatrice correspond au « point » caché. C’est dans le Palais intérieur que le mystère uni au « point » caché peut être compris, car le pur et insaisissable éther reste toujours mystérieux. Le « point » est l’éther rendu palpable (par la « concentration » qui est le point de départ de toute différenciation) dans le mystère du Palais intérieur ou Saint des Saints (29). Tout, sans exception, a d’abord été conçu dans la Pensée (30). Et si quelqu’un disait : « Voyez ! il y a du nouveau dans le monde », imposez lui silence, car cela fut antérieurement conçu dans la Pensée (31). Du « point » caché émane le Saint Palais intérieur (par les lignes issues de ce point suivant les six directions de l’espace). C’est le Saint des Saints, la cinquantième année (allusion au Jubilé, qui représente le retour à l’état primordial) (32), qu’on appelle également la Voix qui émane de la Pensée (33). Tous les êtres et toutes les causes émanent alors par la force du « point » d’en haut. Voilà ce qui est relatif aux mystères des trois Sephiroth suprêmes » (34). Nous avons voulu donner ce passage en entier, malgré sa longueur, parce que, outre son intérêt propre, il a, avec le sujet de la présente étude, un rapport beaucoup plus direct qu’on ne pourrait le supposer à première vue.
Le symbolisme des directions de l’espace est celui-là même que nous aurons à appliquer dans tous ce qui va suivre, soit au point de vue « macrocosmique » comme dans ce qui vient d’être dit, soit au point de vue « microcosmique ». La croix à trois dimensions constitue, suivant le langage géométrique, un « système de coordonnées » auquel l’espace tout entier peut être rapporté ; et l’espace symbolisera ici l’ensemble de toutes les possibilités, soit d’un être particulier, soit de l’Existence universelle. Ce système est formé de trois axes, l’un vertical et les deux autres horizontaux, qui sont trois diamètres rectangulaires d’une sphère indéfinie, et qui, même indépendamment de toute considération astronomique, peuvent être regardés comme orientés vers les six points cardinaux : dans le texte de Clément d’Alexandrie que nous avons cité, le haut et le bas correspondent respectivement au Zénith et au Nadir, la droite et la gauche au Sud et au Nord, l’avant et l’arrière à l’Est et à l’Ouest ; ceci pourrait être justifié par les indications concordantes qui se retrouvent dans presque toutes les traditions. On peut dire aussi que l’axe vertical est l’axe polaire, c’est-à-dire la ligne fixe qui joint les deux pôles et autour de laquelle toutes choses accomplissent leur rotation ; c’est donc l’axe principal, tandis que les deux axes horizontaux ne sont que secondaires et relatifs. De ces deux axes horizontaux, l’un, l’axe Nord-Sud, peut être appelé aussi l’axe solsticial, et l’autre, l’axe Est-Ouest, peut être appelé l’axe équinoxial, ce qui nous ramène au point de vue astronomique, en vertu d’une certaine correspondance des points cardinaux avec les phases du cycle annuel, correspondance dont l’exposé complet nous entraînerait trop loin et n’importe d’ailleurs pas ici, mais trouvera sans doute mieux sa place dans une autre étude (35).
(1) Ces citations sont empruntées, à titre d’exemple très caractéristique, à un auteur maçonnique bien connu, J.-M. Ragon (Rituel du grade de Rose-Croix, pp. 25-28).
(2) Il est peut-être bon de rappeler encore ici, quoique nous l’ayons déjà fait en d’autres occasions, que c’est cette interprétation astronomique, toujours insuffisante en elle-même, et radicalement fausse quand elle prétend être exclusive, qui a donné naissance à la trop fameuse théorie du « mythe solaire », inventée vers la fin du XVIIIème siècle par Dupuis et Volney, puis reproduite plus tard par Max Müller, et encore de nos jours par les principaux représentants d’une soi-disant « science des religions » qu’il nous est tout à fait impossible de prendre au sérieux.
(3) Remarquons, d’ailleurs, que le symbole garde toujours sa valeur propre, même lorsqu’il est tracé sans intention consciente, comme il arrive notamment quand certains symboles incompris sont conservés simplement à titre d’ornementation.
(4) Il ne faut pas confondre « directions » et « dimensions » de l’espace : il y a six directions, mais seulement trois dimensions, dont chacune comporte deux directions diamétralement opposées. C’est ainsi que la croix dont nous parlons a six branches, mais est formée seulement de trois droites dont chacune est perpendiculaire aux deux autres ; chaque branche est, suivant le langage géométrique, une « demi-droite » dirigée dans un certain sens à partir du centre.
(5) Le Roi du Monde, ch. VII.
(6) P. Vulliaud, La Kabbale juive, t. Ier, pp. 215-216.
(7) Ce Nom est formé de quatre lettres, iod he vau he, mais parmi lesquelles il n’en est que trois distinctes, le he étant répété deux fois.
(8) Il s’agit des « colonnes » de l’arbre séphirothique : colonne du milieu, colonne de droite et colonne de gauche ; nous y reviendrons plus loin. Il est essentiel de noter, d’autre part, que l’« éther » dont il est question ici ne doit pas être entendu seulement comme le premier élément du monde corporel, mais aussi dans un sens supérieur obtenu par transposition analogique, comme il arrive également pour l’Âkâsha de la doctrine hindoue (voir L’Homme et son devenir selon le Vêdânta, ch. III).
(9) Sepher Ietsirah, IV, 5.
(10) Siphra di-Tseniutha : Zohar, II, 176 b.
(11) Rappelons ici la parole biblique : « Mille ans sont comme un jour au regard du Seigneur ».
(12) Antiquités judaïques, I, 4.
(13) Ce dernier millénaire est sans doute assimilable au « règne de mille ans » dont il est parlé dans l’Apocalypse.
(14) Ces lignes sont représentées comme les « cheveux de Shiva » dans la tradition hindoue.
(15) La Kabbale juive, t. Ier, p. 217.
(16) Ibid., t. Ier, p. 217.
(17) La « formation » (Ietsirah) doit être entendue proprement comme la production de la manifestation dans l’état subtil ; la manifestation dans l’état grossier est appelée Asiah, tandis que, d’autre part, Beriah est la manifestation informelle. Nous avons déjà signalé ailleurs cette exacte correspondance des mondes envisagés par la Qabbalah avec le Tribhuvana de la doctrine hindoue (L’Homme et son devenir selon le Vêdânta, ch. V).
(18) Ces trois points peuvent, sous ce rapport, être assimilés aux trois éléments du monosyllabe Aum (Om) dans le symbolisme hindou, et aussi dans l’ancien symbolisme chrétien (voir L’Homme et son devenir selon le Vêdânta, ch. XVI, 3ème éd., et Le Roi du Monde, ch. IV).
(19) On trouve ici l’équivalent de la distinction que fait la doctrine hindoue entreBrahma « non-qualifié » (nirguna) et Brahma « qualifié » (saguna), c’est-à-dire entre le « Suprême » et le « Non Suprême », ce dernier n’étant autre qu’Îshwara(voir L’Homme et son devenir selon le Vêdânta, ch. Ier et X). - Middah signifie littéralement « mesure » (cf. le sanscrit mâtrâ).
(20) On sait que c’est le mot par lequel commence la Genèse : « in Principio ».
(21) On voit que ce degré est la même chose que le « degré universel » de l’ésotérisme islamique, en lequel se totalisent synthétiquement tous les autres degrés, c’est-à-dire tous les états de l’Existence. La même doctrine fait aussi usage de la comparaison du miroir et d’autres similaires : c’est ainsi que, suivant une expression que nous avons déjà citée ailleurs (L’Homme et son devenir selon le Vêdânta, ch. X), l’Unité, considérée en tant qu’elle contient en elle-même tous les aspects de la Divinité (Asrâr rabbâniyah ou « mystères dominicaux »), c’est-à-dire tous les attributs divins, exprimés par les noms çifâtiyah (voir Le Roi du Monde, ch. III), « est de l’Absolu (le « Saint » insaisissable en dehors de Ses attributs) la surface réverbérante à innombrables facettes qui magnifie toute créature qui s’y mire directement » ; et il est à peine besoin de faire remarquer que c’est précisément de ces Asrâr rabbâniyah qu’il est question ici.
(22) Le degré représenté par le point, qui correspond à l’Unité, est celui de l’Être pur (Îshwara dans la doctrine hindoue).
(23) On pourra, à ce propos, se reporter à ce qu’enseigne la doctrine hindoue au sujet de ce qui est au delà de l’Être, c’est-à-dire de l’état inconditionné d’Âtmâ(voir L’Homme et son devenir selon le Vêdânta, ch. XV, 3ème éd., où nous avons indiqué les enseignements concordants des autres traditions).
(24) L’Être est encore non-manifesté, mais il est le principe de toute manifestation.
(25) L’unité est, en effet, le premier de tous les nombres ; avant elle, il n’y a donc rien qui puisse être compté ; et la numération est prise ici comme symbole de la connaissance en mode distinctif.
(26) C’est le Zéro métaphysique, ou le « Non-Être » de la tradition extrême-orientale, symbolisé par le « vide » (cf. Tao-te-king, XI) ; nous avons déjà expliqué ailleurs pourquoi les expressions de forme négative sont les seules qui puissent encore s’appliquer au delà de l’Être (L’Homme et son devenir selon le Vêdânta, ch. XV, 3ème éd.).
(27) C’est-à-dire dans l’Être, qui est le principe de l’Existence, laquelle est la même chose que la manifestation universelle, de même que l’unité est le principe et le commencement de tous les nombres.
(28) Parce que toutes choses doivent être conçues par la pensée avant d’être réalisées extérieurement : ceci doit être entendu analogiquement par un transfert de l’ordre humain à l’ordre cosmique.
(29) Le « Saint des Saints » était représenté par la partie la plus intérieure du Temple de Jérusalem, qui était le Tabernacle (mishkan) où se manifestait laShekinah, c’est-à-dire la « présence divine ».
(30) C’est le Verbe en tant qu’Intellect divin, qui est, suivant une expression employée par la théologie chrétienne, le « lieu des possibles ».
(31) C’est la « permanente actualité » de toutes choses dans l’« éternel présent ».
(32) Voir Le Roi du Monde, ch. III ; on remarquera que 50 = 7² + 1. Le mot kol, « tout », en hébreu et en arabe, a pour valeur numérique 50. Cf. aussi les « cinquante portes de l’Intelligence ».
(33) C’est encore le Verbe, mais en tant que Parole divine ; il est d’abord Pensée à l’intérieur (c’est-à-dire en Soi-même), puis, Parole à l’extérieur (c’est-à-dire par rapport à l’Existence universelle), la Parole étant la manifestation de la Pensée ; et la première parole proférée est le Iehi Aor (Fiat Lux) de la Genèse.
(34) Cité dans La Kabbale juive, t. Ier, pp. 405-406.
(35) On peut noter encore, à titre de concordance, l’allusion que fait saint Paul au symbolisme des directions ou des dimensions de l’espace, lorsqu’il parle de « la largeur, la longueur, la hauteur et la profondeur de l’amour de Jésus-Christ » (Épître aux Éphésiens, III, 18). Ici, il n’y a que quatre termes énoncés distinctement au lieu de six : les deux premiers correspondent respectivement aux deux axes horizontaux, chacun de ceux-ci étant pris dans sa totalité ; les deux derniers correspondent aux deux moitiés supérieure et inférieure de l’axe vertical. La raison de cette distinction, en ce qui concerne les deux moitiés de cet axe vertical, est qu’elles se rapportent à deux gunas différents, et même opposés en un certain sens ; par contre, les deux axes horizontaux tout entiers se rapportent à un seul et même guna, ainsi qu’on va le voir au chapitre suivant.
René Guénon, Le Symbolisme de la Croix, chap. IV - Les directions de l’espace.
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