Ibn ‘Arabî – C'est seulement quand la foi accompagne la science qu'il y a « lumière sur lumière ».
Les voiles qui empêchent de saisir la Vérité (ou Dieu : al-Haqq) sont immenses, et le plus épais d'entre eux est la science ; en effet, tu prétends l'avoir déjà acquise ! Héraclius (1) avait auprès de lui la science de la prophétie (2), mais il n'avait pas la foi (3), et sa science ne lui a servi à rien (4). Les Juifs (Yahûd) savaient que Muhammad était véritablement (haqqan) l'Envoyé d'Allah, mais cela ne leur a pas servi : ils l'ont combattu, alors qu'ils tenaient sa fonction pour certaine. Iblîs savait que l'ordre d'Allah le Très-Haut exigeait qu'on obéisse ; cependant il n'a pas obéi et a été privé de réussite (5). Ne sois pas illusionné par la science : elle dissipe l'ignorance, mais n'apporte pas (par elle même) la béatitude ; c'est seulement quand la foi l'accompagne qu'il y a « lumière sur lumière » (Cor., 24, 35). Sais-tu pourquoi la science est le voile le plus épais ? C'est parce qu'elle implique que l'on voit l'objet connu dans la limite de la science que l'on a de lui. Or, une telle implication est impossible dans certains cas (6). Celui qui ne prétend pas avoir la science de Dieu, qui se déclare impuissant et fait preuve de pauvreté spirituelle (iftaqara), croit en Dieu et Le voit en tout lieu (7).
(1) Il s’agit de l’empereur qui régnait à Byzance au temps du Prophète.
(2) Sur ces questions, voir M. Vâlsan, Etudes Traditionnelles, 1962, p. 142-143.
(3) Ibid.
(4) Allusion à une prière de demande prophétique : « Allâhumma, je prends refuge en Toi contre une science qui ne serait pas utile ».
(5) On peut comprendre aussi : « et ce à quoi il a obéi (en vertu de l'Ordre divin essentiel) l'a privé de la réussite ».
(6) C'est-à-dire lorsqu'il s'agit de Dieu.
(7) Ceux qui « Le voient en tout lieu » sont les fuqarâ' véritables, les udabâ’ qui ont accès au « tapis de Dieu » (cf. supra, p. 124), les mutahharûn qui seuls peuvent toucher le Livre Caché.
Ibn ‘Arabî, Kitâb at-tarâjim, Le Livre des interprétations, extrait du chap.14, trad. par Ch.A. Gilis, Qâf et les mystères du Coran Glorieux, p.130-131
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