INTRODUCTION
Nous avons commencé à introduire, dans la
partie « Approfondissement » de notre séminaire parisien, la prise en compte
des trans-neptuniennes (TNP) de l’Ecole de Hambourg, qui viennent interférer
avec le carré UR-PL ainsi qu’avec le septile NE-PL en orbe entre 2001 et 2011. Nous
allons franchir un grand pas aujourd’hui en introduisant, pour la première fois
dans notre pratique d’astrologue, les enseignements tirés de la cyclologie
traditionnelle, prenant appui sur l’oeuvre de René Guénon et sur les études
particulières apportées en ce domaine par son disciple Gaston Georgel, ainsi
que sur l’oeuvre de Raoul Auclair qui développe le tableau de l’Eschatologie
contenue dans l’Ecriture sainte en montrant la réalisation de la Prophétie.
Il nous apparaît que, désormais, notre recherche nous
conduira à opérer une double articulation entre - sur un plan purement
terrestre - astrologie mondiale et géopolitique et - sur un plan supérieur, qui
dépasse les réalités visibles pour trouver son ancrage dans les Nombres qui
régissent l’univers – entre la cyclologie traditionnelle et la prophétie.
L’attitude mentale mise en oeuvre dans ces deux plans n’est pas du même ordre.
Dans l’horizontalité immanente de l’étude des cycles planétaires en corrélation
avec les phénomènes collectifs de l’humanité, il est possible de s’en tenir à
une position de profane, au sens premier du terme (celui qui se tient sur le
parvis du temple), n’engageant aucune démarche d’ordre spirituel – sinon une
éthique de la probité intellectuelle et scientifique qui devrait être celle de
« l’honnête homme » à toutes époques. Avec la cyclologie traditionnelle et la
prophétie qui vient l’éclairer, nous entrons dans la sphère du sacré, nous
sommes conviés à nous ouvrir à une verticalité transcendante. Il n’est pas
question ici de « foi » au sens sentimental et affadi que ce terme a pris à la
suite de son immersion dans la philosophie kantienne, mais bien - comme l’a
montré par exemple Claude Tresmontant dans ses études sur le substrat hébraïque
contenu dans le grec des Évangiles - de cette certitude de l’intelligence que
signifie le mot hébreu emouna et que l’on trouve dans l’Amen des
chrétiens.
Selon le christianisme orthodoxe, depuis
ses origines, l’existence de Dieu n’est pas une question de foi, au sens
moderne qu’a pris ce terme, ou de croyance, mais une question de connaissance,
une question d’intelligence. Dieu est connaissable et connu, indépendamment de
la Révélation, par les peuples païens, à partir de la Création.1
L’astrologie mondiale repose sur la connaissance des
cycles planétaires ; en tant qu’algèbre céleste, elle marque les temps avec une
parfaite certitude, que les connaissances astronomiques de notre temps, avec
l’aide de l’outil informatique, permettent de déterminer à la minute, voire à
la seconde près. Mais lorsqu’il s’agit d’interpréter les événements collectifs
qui affectent l’humanité, l’astrologie mondiale a besoin de recourir à
l’histoire et à la géopolitique – lesquelles relèvent normalement de la probité
intellectuelle mais qui sont aussi, nous le savons bien, susceptibles d’être
entachées de scories idéologiques. De toutes façons, nous sommes là dans le
domaine du relatif, et l’on fait du mieux que l’on peut.
La cyclologie
traditionnelle, pour sa part, repose sur la connaissance des Nombres qui
régissent l’univers et qui sont de l’ordre du sacré et qui touchent au monde
angélique. Ces Nombres gouvernent des dimensions temporelles qui dépassent de
façon démesurée toutes nos possibilités d’expérience humaine, mais que notre
esprit peut naturellement concevoir. Mais, de même que l’astrologie mondiale
doit trouver un support dans l’histoire pour proposer une interprétation des
données cycliques, de même la cyclologie – science sacrée de la structure du
Temps – trouve sa clef d’interprétation dans la Prophétie. La Prophétie ne
vient pas de l’homme ; elle est un don qui nous est apporté d’en-haut afin de
permettre aux générations qui traversent des périodes cruciales de tribulations
de comprendre le sens de ces épreuves et de voir au-delà les promesses ouvertes
aux cycles futurs. Mais pour être entendue, à la différence du discours
historique ou du discours géopolitique qui ne demandent que l’intelligence de
la raison humaine, la Prophétie demande que soit ouverte cette intelligence du
coeur qui rend attentif aux lumières dispensées d’en haut durant les Âges
sombres.
Une image résumera ici notre pensée : on pourrait
comparer la pratique de l’astrologie mondiale à un voyage en avion supersonique
qui permet une navigation intercontinentale sur Terre ; la pratique de 2la cyclologie traditionnelle, pour sa
part, relèverait d’une navigation en fusée interplanétaire nous emportant à
travers l’espace interstellaire – au moins, pour l’instant, jusqu’aux ultimes
confins de notre système solaire, jusqu’à la Ceinture de Kuiper avec laquelle
commencent à nous familiariser les découvertes de ce début du XXIe siècle, sous
les auspices favorables d’un septile NE-PL.
LES DEUX COURANTS DE LA CYCLOLOGIE TRADITIONNELLE
LA CYCLOLOGIE HINDOUE – GASTON GEORGEL
Nous allons quitter maintenant, pour un temps de
ressourcement essentiel, tous les soucis de ce monde et nous rendre en un lieu
devenu inaccessible et qui, cependant, est le lieu d’où sortent les quatre
fleuves du Temps et de l’Espace : le Paradis. Ce mot, issu du sanscrit Paradêsha
et dont les Chaldéens ont fait Pardes, désigne en effet le point de
départ de toute tradition, la source unique de tout enseignement ; dans un
chapitre de son ouvrage Symboles fondamentaux de la Science sacrée -
chapitre intitulé « Les Gardiens de la Terre Sainte » et consacré à la
Tradition primordiale et aux traditions qui en dérivent - René Guénon précise :
Cette source est identique à la « fontaine
d’enseignement », qui est en même temps la « fontaine de jouvence » ; ses eaux
s’identifient à « l’élixir de longue vie » des hermétistes ou au « breuvage
d’immortalité »2.
C’est à cette source de vie et à ce breuvage
d’immortalité que sont conviés les chrétiens dans le festin de l’Eucharistie ;
dans la liturgie orthodoxe, le chant qui accompagne la communion des fidèles
est le suivant : « Recevez le Corps du Christ, buvez à la source immortelle /
Je prendrai la coupe du salut et j’invoquerai le nom du Seigneur ». Formules
qui sont en étroite résonance avec les ineffables mystères qu’évoque la légende
du Graal auquel, précisément, René Guénon consacre plusieurs chapitres de son
livre sur les symboles fondamentaux.
Cette assimilation de la Tradition avec le Paradis –
dont nous savons bien, hélas, que nous sommes coupés, permet d’écarter dès
l’abord une idée erronée, qui consisterait à voir dans la Tradition quelque
chose de passé. En fait, la Tradition est hors du temps - « avant » le Temps,
pour ainsi dire – ce qui veut dire que chaque génération qui s’inscrit au fil
du temps a pour tâche de se relier à cette source vitale. C’est en ce sens que
la Tradition se présente aussi sous l’aspect d’une transmission : non point
d’un savoir établi et cumulatif, comme la science moderne, mais d’une
connaissance qui est avant tout – faute de quoi elle n’est rien du tout – ce
qui nous rend capables d’être reliés à la source immortelle. Lien que rend
d’ailleurs très opératif l’invocation du « Nom du Seigneur », cette pratique de
la « prière du coeur » qui est conservée dans la tradition hésychaste toujours
vivante dans le monachisme orthodoxe. Toutefois, comme une conséquence du lien
renoué avec la source, il existe bien aussi, dans les sociétés traditionnelles,
des enseignements particuliers, notamment ceux qui concernent notre existence
dans un monde structuré par l’Espace et par le Temps. On peut considérer ces
sciences comme « sacrées », dans la mesure où, à la différence des savoirs
profanes qui sont essentiellement d’ordre quantitatif, elles relèvent du
qualitatif et reposent sur la connaissance des Nombres constitutifs des lois
sur lesquelles repose l’Univers. Par la connaissance de ces Nombres, nous
pénétrons dans les mystères propres au monde angélique. On pourrait citer, dans
le domaine de la géographie sacrée, les travaux de Jean Richer sur la
géographie sacrée du monde grec, où ce savant a mis en valeur le rôle de
centres – d’omphalos – que jouaient Delphes, Délos et Sardes dans la
Grèce antique3 ; ou encore les articles et les ouvrages de Jean
Phaure consacrés à la géographie sacrée de la France4.
Mais ici, ce qui nous intéresse, c’est le temps plutôt
que l’espace, et c’est vers cette science complémentaire de la géographie
sacrée qu’est la cyclologie traditionnelle que nous allons prêter attention.
Nous prendrons en considération deux grands courants qui se distinguent par
leurs sources et par l’étendue du temps qu’ils englobent. Un premier courant
est celui de la cyclologie hindouiste pour la connaissance de laquelle René
Guénon a fourni des clés très précieuses dans un article intitulé « Quelques
remarques sur la doctrine des cycles cosmiques » ; cet article a paru en
anglais en 1937, dans le Journal of the Indian Society of Oriental Art,
dans un numéro dédié à Ananda K. Coomaraswamy à l’occasion de son soixantième
anniversaire. Cet article constitue le premier chapitre d’un ouvrage posthume
intitulé Formes traditionnelles et cycles cosmiques. 5 C’est dans la
foulée de cet enseignement, et avec les encouragements de René Guénon lui-même,
que Gaston Georgel a exposé, de façon très détaillée, ses recherches sur la
cyclologie traditionnelle dans cinq ouvrages. Les deux premiers ont été publiés encore du
vivant de René Guénon : Les Rythmes dans l’histoire (1947) et Les
Quatre Âges de l’humanité (1949) ; le troisième, L’Ère future et le mouvement
de l’Histoire, est paru en 1956, deux autres sont plus récents : Le
cycle judéo-chrétien (1983) et Chronologie des derniers temps (1986).6
La caractéristique fondamentale de la cyclologie
traditionnelle est que celle-ci répond à une logique d’involution cyclique qui
est radicalement opposée à l’idéologie moderne du progrès qui prévaut dans la
civilisation occidentale depuis le Siècle des Lumières. La conception
traditionnelle s’exprime par la doctrine des quatre Âges selon laquelle
l’humanité – ou une humanité – évolue, ou plutôt involue, à
partir d’un Age d’Or, passant ensuite par un Age d’Argent, puis un Age d’Airain
pour aboutir à un Age de Fer. Comme l’indique Jean Phaure dans son Cycle de
l’humanité adamique7, l’échelonnement des quatre Âges s’opère selon des
durées inversement proportionnelles à la Tétraktys pythagoricienne (4 + 3 + 2 +
1 = 10) :
Age d'Or 25 920 ans
Age d'Argent 19 440 ans
Age d'Airain 12 960 ans
Age de Fer 6 480 ans
J. Ph. Cycle de l’Humanité adamique |
Le cycle de base est celui de la
Précession des Équinoxes, lequel est de 25 920, soit 12 x 2160 ans, le temps
que met le point vernal à parcourir un signe du zodiaque stellaire. Les
représentants de la pensée traditionnelle – René Guénon, Gaston Georgel, Jean
Phaure, Raoul Auclair, Vlaicu Ionescu – partagent tous la conviction que
l’époque actuelle se situe vers la fin d’un Age de Fer, dont le début pourrait
se situer autour de 4 000 ou 4 500 ans avant l’ère chrétienne. Les diverses
traditions présentent un tableau redoutable de cette fin de cycle ; un passage
du Vishnou Purana, texte eschatologique hindou qui décrit dans le détail
la fin de l’Age de Fer, montre combien cette période se caractérise par une
sorte d’inversion généralisée de toutes les valeurs et par la ruine de toutes
les institutions établies : n’est-ce pas là ce que connaît la civilisation
moderne depuis la « révolution culturelle » qui s’est propagée à travers le
monde entier au moment de la conjonction UR-PL de 1965, et qui a provoqué en
France la crise de Mai 68, qui demeure emblématique de cet état d’esprit ?
Dans la cyclologie hindoue, telle que l’expose René
Guénon, le cycle total de développement d’un monde constitue un Kalpa,
lui-même subdivisé en Manvantaras, au nombre de quatorze, formant deux
séries septénaires. On pourrait représenter symboliquement cette structure par
un double chandelier à sept branches, l’un descendant, l’autre montant. Dans la
doctrine hindoue, un Manvantara est à son tour subdivisé en quatre Yugas,
qui correspondent aux quatre Âges (Or, Argent, Airain et Fer). Selon René
Guénon, chaque période est marquée par une dégénérescence par rapport à celle
qui l'a précédée :
Tout développement cyclique, c'est-à-dire en somme
tout processus de manifestation, impliquant nécessairement un éloignement
graduel du principe, constitue bien véritablement en effet une « descente », ce
qui est d'ailleurs aussi le sens réel de la « chute » dans la tradition
judéo-chrétienne.
Cette division du Manvantara suit
le rythme d’une durée décroissante qui correspond, en sens inverse, à celle de
la Tétraktys, d’où l’importance du nombre 4320. Guénon précise que, si la durée
du Manvantara est de 4320 ans, celles des quatre Yugas seront
respectivement 1728, 1296, 864 et 432. Ce nombre de 4320 équivaut à 360 x 12,
et tous les autres nombres cycliques sont, eux aussi, en rapport direct avec la
division géométrique du cercle. Le nombre 4320 est en rapport avec le nombre de
la précession des équinoxes (4320 x 6 = 25 920), et aussi avec un nombre
cyclique fondamental – 72 (4320 = 72 x 60).
A partir de ces données, René Guénon pose une question
difficile à résoudre : quelle est la durée réelle du Manvantara ? Il
apert, au regard de la plupart des grandes traditions, que la plus fréquemment
avancée n’est pas celle même de la précession des équinoxes, mais sa moitié,
qui correspond à la « Grande Année » des Perses et des Grecs, de 12 960 ans. Le
Manvantara, selon les Chaldéens, devrait correspondre à cinq de ces
Grandes Années, soit 64 800 ans (soit 4320 x 15). Ces cinq Grandes Années se
répartissent inégalement selon les Âges : 2 pour l’Age d’Or, 1 ½ pour l’Age
d’Argent, 1 pour l’Age d’Airain et ½ pour l’Age de Fer.
Notons au passage que, comme l’indique Gaston Georgel
dans sa contribution au volume des Cahiers de l’Herne en hommage à René
Guénon, la doctrine hindoue ne parle pas des Grandes Années et donne, pour les Yugas,
des durées bien différentes – qui atteignent des dimensions astronomiques (des
millions d’années) :
Mais ici, une autre question se pose encore : d’où
René Guénon tenait-il le texte qu’il a publié ? Certainement pas de la doctrine
hindoue qui ne parle pas des Grandes Années et donne, pour les différents Yugas
des chiffres bien différents. On peut certes faire à ce sujet des hypothèses,
mais ce ne seront jamais que des hypothèses. Il y avait des énigmes dans la vie
intellectuelle de René Guénon: en voilà une de plus !8
C’est bien, cependant, René Guénon qui a fourni à
Gaston Georgel la boussole de la doctrine des cycles. Le premier livre de
Gaston Georgel, Les Rythmes dans l’Histoire, date de 1937, avant donc
que Gaston Georgel ait pu prendre connaissance de l’enseignement de René Guénon
dans son article en hommage à Coomaraswamy. De fait, cet ouvrage était le
résultat de recherches personnelles et empiriques, entreprise sur la base du
constat d’un parallélisme à un intervalle de 539 ans entre les règnes de Saint
Louis et de Louis XVI. La méthode utilisée dans cet ouvrage est une simple
extension de ce constat à d’autres parallélismes présents dans le cours de
l’Histoire des civilisations méditerranéennes, répondant à des intervalles
cycliques multiples (parmi lesquels semblent privilégiées les périodes de 1030
ans, de 539 ans, de 1078 ans, ainsi que le cycle de 2160 ans. Dans la recension
que faisait René Guénon du livre de Gaston Georgel dans le numéro d’octobre
1937 de la revue Les Etudes Traditionnelles, le métaphysicien insistait
sur le fait que l’axe de la cyclologie traditionnelle tournait autour de la
période de la précession des équinoxes et de ses divisions, et que sa durée
était de 25 920 ans. Cette indication fondamentale allait nourrir la suite des
travaux de Gaston Georgel. Déjà, la seconde édition des Rythmes de
l’Histoire, parue après la guerre en 1947, témoigne d’apports nouveaux
fournis à Gaston Georgel, soit par René Guénon lui-même, soit par diverses
personnes de son entourage, qui permirent à l’auteur d’éliminer certaines
théories douteuses et d’offrir deux développements nouveaux : un historique sur
la question des cycles, et une étude du cycle de 130 ans.
Il peut être intéressant de relever au passage un fait
qui relève de l’histoire, sinon de l’astrologie, du moins des astrologues au XXe siècle. Dans sa
conclusion, Gaston Georgel évoque les démêlés qu’il eut, au moment de
l’Occupation et alors qu’il se trouvait à Belfort, avec la Gestapo qui l’avait
emprisonné en 1942 au motif « d’offense envers l’Allemagne et son Führer »,
sans doute du fait de prévisions défavorables au Troisième Reich, qui
manquaient, selon les autorités occupantes, d’ « objectivité ». Gaston Georgel
dut son salut à l’intervention habile d’une interprète de la Croix- Rouge qui
réussit à la tirer des griffes de la Gestapo. Mais il évoque aussi, en
rappelant cette affaire, le triste destin de l’astrologue zurichois Karl Ernst
Krafft, lequel, après avoir naïvement confié aux dirigeants de l’Allemagne
hitlérienne que le destin leur deviendrait sans doute contraire à partir de la
fin de l’année 1942, fut déporté au camp de Buchenwald où il mourut. Or, Krafft
avait reproché à Gaston Georgel son hostilité envers le régime hitlérien :
Notre manque d’ « objectivité » nous a valu en 1942
d’être emprisonné, pour avoir « offensé l’Allemagne et son Führer », mais la
suite des événements a malheureusement prouvé que nos appréciations étaient en
dessous de la vérité, et l’intellectuel suisse K.-E. Krafft qui nous avait
reproché notre manque d’aménité à l’égard du National-socialisme a pu constater
personnellement, hélas ! avant de mourir à Buchenwald qu’il avait bien affaire
à de sinistres barbares.9
Les deux recensions de René Guénon (portant
respectivement sur les éditions de 1937 et de 1947) témoignent d’un accueil
bienveillant quoique critique : le maître déplore le manque de données
traditionnelles et certaines fantaisies dans les applications. René Guénon ne
met pas explicitement en cause la méthode des parallélismes – qui nous semble
une approche vraiment « simpliste » de l’Histoire – mais il évoque les «
fâcheux enfantillages de certains occultistes », dont Gaston Georgel saura
heureusement se libérer par la suite grâce à l’enseignement doctrinal de René
Guénon. Ce dernier précise, dans ses deux comptes rendus, que le cycle de 539
ans doit être conçu en fait comme un cycle jubilaire de 540 ans (77 x 7 + 1) et
que ce nombre est une extension de la « semaine d’années jubilaires (50 = 7 x 7
+ 1). Il en découle que le cycle de 1078 ans évoqué par Gaston Georgel doit
être à son tour ramené à un cycle de 1080 ans.
Deux
ans après sa réédition des Rythmes dans l’Histoire, Gaston Georgel
publiait un second ouvrage intitulé Les Quatre Âges de l’humanité – achevé
à Pâques 1949. La même année, il avait publié la traduction en français d’un
ouvrage important dans le domaine de la cyclologie, Les Lois de l’Histoire,
du baron Stromer von Reichenbach, paru en 1924, et qui proposait une
application relative à la guerre franco-prussienne de 1870-1871.10 Cet ouvrage
parut à Nice aux éditions des Cahiers astrologiques, et nous sommes
assurés des liens étroits entre Gaston Georgel et Alexandre Volguine, puisque
l’exemplaire que nous possédons de ce livre comporte une dédicace « A M.
Volguine, en très amical hommage », datée de Belfort, le 12 mai 1952.
L’avant-propos de ce second ouvrage de Gaston Georgel
témoigne d’une maîtrise nouvelle et d’une incomparable assurance acquises
depuis sa rencontre avec René Guénon. Désormais, son ancrage dans le cycle
précessionnel est assuré par une référence accentuée au « mois cosmique » de
2160 (le temps que met le point vernal à parcourir un signe du zodiaque),
cependant que le champ de ses recherches est étendu à l’entièreté du grand
cycle de 64 800 (soit cinq « Grandes Années » de 12 960 ans). En outre, on peut
constater que Gaston Georgel fait sienne une des idées majeures de l’enseignement
de René Guénon dans le domaine de la cyclologie, à savoir qu’il existe des 7« barrières » du temps infranchissables
pour notre humanité ; dans le passé ont certainement vécu – avant ce cycle de
64 800 ans – d’autres humanités dont nous ne pouvons absolument rien savoir. Et
au-delà, dans un futur qui semble proche, se dessine la perspective d’un
nouveau « siècle » dont la seule chose que nous puissions savoir est ce qu’en
dit l’Apocalypse de saint Jean, lorsqu’elle évoque de « nouveaux Cieux » et une
« Terre nouvelle ». Perspective qui, soit dit en passant, pourrait se réaliser
sous la forme d’un « renversement des pôles » dont René Guénon évoque
l’éventualité. Pour sa part, Gaston Georgel n’hésite pas à évoquer la
perspective d’une troisième guerre mondiale, qu’il situe au commencement du XXIe siècle, qui
viendrait mettre le point final à une histoire vieille de 65 millénaires.
Désormais, Gaston Georgel écarte les hypothèses de la
science moderne en vogue depuis le XIXe siècle pour ne suivre comme guide que les textes
fournis par les traditions gréco-romaine, hébraïque, hindoue et chinoise :
Tout d’abord en suivant le rythme ternaire des trois
cycles polaires dont chacun correspond à l’une des trois fonctions du Roi du
Monde ; ensuite à travers la succession des quatre Âges traditionnels d’or,
d’argent, d’airain et de fer ; puis, enfin, dans la ronde des cinq Grandes
Années de chacune treize mille ans environs.11
On relèvera au passage l’allusion au « Roi du Monde »,
qui renvoie au célèbre ouvrage de René Guénon, paru en 1927, et dont les trois
fonctions s’apparent à celles de « Roi, Prêtre et Prophète » dont témoigne
l’hommage rendu au Christ par les Rois Mages sous la forme du triple don de
l’or, de la myrrhe et de l’encens.
Ce nouvel ouvrage est infiniment mieux structuré que
le précédent, solidement charpenté par les grandes scansions du Manvantara selon
les quatre Âges de l’humanité. On pourrait considérer, d’une certaine manière,
ce livre comme une sorte de « traité de cyclologie traditionnelle ». Un autre
ouvrage vient compléter l’apport de Gaston Georgel à la cyclologie, en 1956, L’Ère
future et le Mouvement de l’Histoire. Puis, après une longue période, les
éditions Archè de Milan éditent successivement, en 1983 et en 1986, deux
derniers livres : Le Cycle judéo-chrétien et Chronologie des Derniers
Temps. On peut signaler en outre, parmi quelques inédits, un autre texte
qui concerne la cyclologie, Bible et Doctrine des Cycles. Il nous est
impossible, dans le cadre de ce séminaire, de présenter plus en détails cette
oeuvre considérable ; nous projetons de le faire dans l’avenir, et notamment en
la comparant avec cette autre contribution remarquable à la cyclologie
traditionnelle que représente l’oeuvre de Raoul Auclair que nous allons
maintenant évoquer.
LA CYCLOLOGIE BIBLIQUE – RAOUL
AUCLAIR
La cyclologie exposée par Raoul Auclair s’insère
également dans le cadre du grand cycle précessionnel de 25 920 ans, mais son
champ d’étude est assez strictement limité aux 7 000 ans qui constituent le
temps propre à ce que Raoul Auclair appelle « Notre Génération ». Par ailleurs,
la cyclologie de Raoul Auclair prend appui avant tout sur l’Ecriture sainte de
la tradition judéo-chrétienne, s’appuyant sur les prophètes de l’Ancien
Testament, éclairés par les chapitres eschatologiques des trois Évangiles
synoptiques ainsi que par l’Apocalypse de saint Jean. Cette rigueur dans le
choix des sources a pour conséquence une forte cohérence de la vision
d’ensemble, qui permet d’éclairer de façon précise la phase actuelle de
l’involution cyclique.
Raoul Auclair (1906-1997) est l’auteur de nombreux
ouvrages qui visent à éclairer le sens de l’Histoire à la lumière des
prophéties. Son premier ouvrage, intitulé Le Livre des cycles, paru en
1947 est à nouveau édité en 1973 sous le titre de La Fin des Temps ; la
même année, un autre ouvrage, Histoire et Prophétie, est couronné par
l’Académie Française. Auparavant, Raoul Auclair s’est fait connaître par une
série de livres consacrés aux apparitions mariales dont il souligne le
caractère eschatologique (à partir de la première apparition à Paris, rue du
Bac, en 1830). On doit aussi à Raoul Auclair une exégèse remarquable des seize
premiers chapitres de l’Apocalypse, parus en trois tomes en 1984-1985 et
un livre fondamental, mais qui ouvre des perspectives vertigineuses, L’Homme
total dans la Terre totale, qui date lui aussi de 1985. 8
Le point de départ de la cyclologie de
Raoul Auclair se trouve dans le fameux songe du roi de Babylone Nabuchodonosor
interprété par le prophète Daniel. Ce passage du Livre de Daniel fait écho à la
doctrine des Quatre Âges de l’humanité dont nous avons évoqué la version
hindoue, puisque la statue qui apparaît au roi a une tête d’or, une poitrine
d’argent, des cuisses d’airain et des jambes de fer, et les pieds en partie de
fer et en partie d’argile. Une pierre vient briser les pieds, la statue se
disloque et se disperse, et la pierre devient une grande montagne qui remplit
toute la terre. Le prophète Daniel, convoqué devant le roi, lui explique ce
songe par l’évocation d’une succession de royaumes à venir. Cette lecture
donnera lieu, au cours des siècles – et notamment parmi les exégètes chrétiens
– à de multiples interprétations. On pourrait citer, par exemple, le Discours
sur l’Histoire universelle de Bossuet où la succession des empires est
dépeinte dans les termes majestueux du Grand Siècle :
Ainsi, quand vous voyez passer comme en un instant,
devant vos yeux, je ne dis pas les rois et les empereurs, mais ces grands
empires qui ont fait trembler tout l’univers ; quand vous voyez les Assyriens
anciens et nouveaux, les Mèdes, les Perses, les Grecs, les Romains, se
présenter devant vous successivement, et tomber, pour ainsi dire, les uns sur
les autres, ce fracas effroyable vous fait sentir qu’il n’y a rien de stable
parmi les hommes, et que l’inconstance et l’agitation est le propre partage des
choses humaines.
Ce qui distingue l’exégèse de Raoul Auclair, c’est
qu’elle trouve son ancrage dans une chronologie précise qui prend appui à la
fois sur une origine donnée par le texte source lui-même et sur la référence au
cycle précessionnel des équinoxes. Daniel date son grand oracle du Colosse du
songe de la deuxième année du règne de Nabuchodonosor, en l’an 602 av. J.-C.,
alors qu’à cette époque il était vraisemblablement un tout petit enfant. Raoul
Auclair souligne que cette étrangeté scripturaire est, comme bien d’autres, à
prendre comme une clef. En l’occurrence, c’est la façon dont la Prophétie
signale, par son propre texte, son point de départ. Le Colosse comporte en fait
cinq périodes qui correspondent à cinq suprématies :
La Tête d’or – la
monarchie babylonienne du second empire d’Assyrie.
La Poitrine et
les Bras d’argent – l’empire des Médo-Perses.
Le Ventre et les
Cuisses d’airain – l’empire gréco-macédonien.
Les Jambes de Fer
– l’empire des Romains.
Les Pieds de Fer
et d’Argile – le temps des Nations, notre temps.
Selon Raoul Auclair, le Colosse en son entier dresse
la prophétie du Temps des Gentils, dont la dernière partie correspond au Temps
des Nations (« Gentils » provient du latin gentiles, les « nations » -
qui se distinguent d'Israël, le peuple élu - c'est en ce sens que saint Paul
est appelé « l'apôtre des Gentils »).
La cyclologie traditionnelle peut apparaître complexe
dans ses développements ; dans ses fondements, elle est d’une merveilleuse
simplicité, et elle correspond à ce qui structure au plus profond notre
expérience humaine du Temps : le Jour, la Semaine, le Mois, l’Année. Une des
grandes clefs de la cyclologie biblique repose dans un enseignement donné à la
fois dans l’Ancien et dans le Nouveau Testament, dans les Psaumes et dans la
seconde épître de saint Pierre :
Car mille ans sont, à tes yeux, comme le jour d’hier,
quand il passe. (Ps 89 : 4)
Mais il est une chose, bien-aimés, que vous ne devez
pas ignorer, c’est que, pour le Seigneur, un jour est comme mille ans, et mille
ans sont comme un jour. (2 Pierre 3 :8)
Ainsi, la Semaine de « Notre Génération » comporte
sept Jours de mille ans, soit 7 000 ans. Tel est le cadre à l’intérieur duquel
se déploient à la fois l’Histoire et la Prophétie. C’est à l’aune de cette
durée qu’il convient, soit dit en passant, de méditer la parole du Magnificat
« Toutes les générations me diront bienheureuse », qui situe la fonction de
Marie bien au-delà du cycle de la génération actuelle. On observe à ce propos
que Raoul Auclair resserre de beaucoup les « barrières » du temps évoquées par
René Guénon et reprises par Gaston Georgel. Cette semaine, par ailleurs, se
décompose en 4 + 2 + 1, soit quatre mille ans avant l’ère chrétienne, deux
mille ans qui viennent de passer, et mille ans qui sont devant nous. Dans cette
optique, nous nous situons à la jointure – particulièrement éprouvante, mais
aussi exaltante pour qui la vit en toute conscience – entre le Sixième et le
Septième Jour. C’est à ce moment précis de notre Histoire que
s’applique l’expression « la Fin des Temps » - qui n’est en rien – sinon par
analogie - une « Fin du Monde ».
Si le point de départ de la Prophétie est indiquée
dans le Livre de Daniel, le point d’arrivée peut se déduire à la fois du livre
qui clôt l’Ecriture saint, l’Apocalypse de saint Jean, et de la cyclologie
fondée sur la précession des équinoxes. Deux nombres et une formule sont
exprimés dans l’Apocalypse :
Ils fouleront aux pieds la Ville Sainte pendant quarante-deux
mois. Mais j’enverrai mes deux témoins, revêtus de sacs, prophétiser
pendant mille deux cent soixante jours. (Ap 11 :2-3)
Et la femme s’enfuit au désert, là où Dieu lui avait
aménagé un refuge, afin qu’elle y soit nourrie pendant mille deux cent
soixante jours. (Ap 12 :6)
Les deux ailes de l’aigle furent données à la femme
pour s’envoler au désert, en son lieu, loin de la face du serpent, où elle doit
être nourrie un temps, des temps et la moitié d’un temps. (Ap 12 :14)
Les trois formulations désignent une durée équivalente
: 42 mois = 1260 jours (30 x 42 = 1260) ; et les trois temps et demi
constituent une demi-semaine. La Semaine entière est donc de 2520 ans, soit une
Semaine d’années (7 x 360). Ainsi la Prophétie de Daniel, éclairée par le grand
livre prophétique qui clôt le Nouveau Testament, déroule dans l’Histoire le
Temps des Gentils, qui s’étend de 602 av. J.- C. à l’année 1917 (602 + 1 + 1917
= 2520).
Or cette année 1917, qui signe donc la fin du Temps des Gentils, est
elle-même marquée d’un triple sceau. En premier lieu, par ce que Raoul Auclair
appelle le Signal, c’est-à-dire le Retour d’Israël dans la terre d’où il fut
exilé après la prise de Jérusalem par Titus en l’an 70 de notre ère. De même
que le retour de la captivité de Babylone avait été précédé par l’Édit de Cyrus
(en 536 avant notre ère), de même, une parole va ouvrir aux Juifs dispersés
parmi les nations la voie du Retour sur la terre d’Israël : la Déclaration
Balfour date du 2 novembre 1917. Cette date précède de quelques jours à peine
l’autre sceau de l’année 1917 : l’instauration du communisme en Russie qui
marque la fin virtuelle du Temps des Nations avec le fulgurant départ de l’Internationale
qui va se lancer dans une conquête de la terre visant à l’asservissement
des âmes et non seulement des corps. Le Temps des Nations, dans le grand
tableau prophétique brossé par Raoul Auclair, constitue la cinquième et ultime
phase du Temps des Gentils, qu’il décompose de la façon suivante en trois
périodes selon les normes des temps de Daniel :
♦ un demi-temps, ou un jour, soit 360 ans, pour les
trois premiers empires (Babyloniens, Médo-Perses et Grecs)
♦ un temps, ou deux jours, soit 720 ans, pour celui
des Romains
♦ deux temps ou quatre jours, soit 1440 ans, pour le
Temps des Nations, cinquième et ultime phase du Temps des Gentils.
Le Temps des Nations est inauguré par le baptême de
Clovis à Reims (à la Noël 496), qui est aux origines de la France et qui fait
de son royaume la première des nations chrétiennes, la « Fille aînée de
l’Église », selon l’expression consacrée.
Le troisième sceau qui fait de l’année 1917 une année
tout à fait exceptionnelle dans le cours de l’Histoire du monde, c’est le
miracle de Fatima, le prodige de la danse du soleil qui eut lieu le 13 octobre
1917 devant 70 000 personnes rassemblées en ce lieu du Portugal. Rappelons que
les apparitions mariales à Fatima, qui commencèrent le 13 mai, transmettaient
au monde un message directement en rapport avec l’avènement du communisme en
Russie. L’année 1917 ouvrait ainsi une nouvelle période, très particulière, une
sorte de « temps hors du temps », qui correspond à ce que les prophètes de
l’Ancien Testament annonçaient comme le « Jour de Yahvé », un jour de colère et
d’épouvante. C’est à ce Jour de 72 ans que Raoul Auclair a consacré un ouvrage
qui porte ce titre (paru en 1975), et dont on peut considérer qu’il se clôt en
principe avec l’année 1989 – qui vit la chute du Mur de Berlin et le début de
la fin du communisme en Russie (mais non dans le monde). Comment, alors,
qualifier le temps qui s’est ouvert en 1989 et quelle est la prochaine
perspective cyclologique qui devrait se présenter devant nous ? Le dévoilement
des prophéties ne s’effectue que progressivement, au fur et à mesure que la
Prophétie se mue en Histoire. Comme le souligne à maintes reprises Raoul
Auclair, la Prophétie n’a pas pour but de « raconter l’histoire avant qu’elle
ne se déroule », mais bien d’éclairer la foi et l’espérance des fidèles
lorsque, dans des temps de tribulations, l’Ombre semble envahir la terre entière - comme le
Légendaire de Tolkien le suggère dans le cadre d’un univers fictionnel qui, à
la manière des mythes anciens, a beaucoup à nous apprendre sur notre monde
actuel. Lors d’un stage d’astrologie organisé à Laval en commun avec Philippe
Lavenu et en présence de Jean Phaure, en 1993, nous avions évoqué déjà ce
problème et émis l’hypothèse d’une période supplémentaire de fin de cycle d’une
durée de 42 ans (un des nombres clés de l’Apocalypse), allant de 1989 à 2031,
période scandée en son milieu par l’année 2010, dont on a précisément analysé
les lourdes configurations sur le plan de l’astrologie mondiale.
RÉFLEXIONS AUTOUR DE LA FIN DU CYCLE
Cette date de 2030 ou 2031 a été avancée, ici et là,
comme devant marquer, selon diverses traditions, la fin du cycle actuel. A
cette date Gaston Georgel consacre un chapitre de son dernier ouvrage, Le
Cycle Judéo-Chrétien, et Jean Phaure en traite également dans son Cycle
de l’Humanité Adamique. Dans l’avant-propos de son Cycle Judéo-Chrétien,
Gaston Georgel définit en ces termes son objectif :
Le but du présent ouvrage est de montrer, ou mieux de
prouver, que le cycle christique, c’est-à-dire la durée totale de la vie de
l’Église depuis la Pentecôte jusqu’à la Parousie, soit 2000 ans, s’insère très
exactement dans le déroulement de l’histoire de la présente humanité dont il
constitue en quelque sorte, d’une façon non pas approximative, mais extrêmement
précise, le sceau ou le couronnement, réalisant ainsi les promesses du cycle
juif antérieur.12
S’appuyant sur les Évangiles, qui mettent en rapport
la Crucifixion de Jésus le Vendredi Saint, puis la destruction de Jérusalem
quarante ans plus tard, et enfin la destruction de Rome et le Jugement dernier
à la fin des temps, Gaston Georgel affecte au cycle christique une durée de
2000 ans (à partir de la Crucifixion). Il évoque l’hypothèse du cardinal
Nicolas de Cues, qui, à partir du nombre jubilaire 50 (dans lequel saint
Augustin voyait la « perfection de la récompense ») proposait une durée de 2500
ans (50 x 50). Ce nombre est associé à la Pentecôte (cinquante jours après
Pâques – alors que l’Ascension se situe quarante jours après Pâques, nombre de
l’épreuve) ainsi qu’au jubilé juif au terme duquel les dettes étaient remises
et les prisonniers rendus à la liberté, ce qui symbolisait le retour de l’Age
d’Or. Gaston Georgel assimile ainsi le cycle christique tout entier à un grand
jubilé de cinquante fois quarante ans. Notons qu’au début du cycle, 40 ans
après la Crucifixion a lieu la destruction de Jérusalem (en l’an 70). A la fin
du cycle, 40 ans avant 2030 nous avons la Chute du Mur de Berlin - et la
clôture des 72 ans du Jour de Yahvé.
Puis Gaston Georgel évoque la célèbre prophétie des
Papes, dite aussi Prophétie de saint Malachie, à laquelle Raoul Auclair a
consacré un de ses livres (paru en 1969). On sait que ce texte, attribué à
saint Malachie, contemporain et disciple de saint Bernard, énumère, à partir de
Célestin II (1143-1144), une liste de cent onze devises papales successives. Le
précédent pape, Jean-Paul II était associé à la devise De labore solis,
et le pape actuel, Benoît XVI à la devise De gloria olivae. Après
devrait régner Pierre le Romain, qui sera le dernier pontife de l’histoire. Une
série de médaillons présente la suite des pontifes romains au haut d’une frise
qui fait le tour du vaste quadrilatère de la basilique Saint-Paul-hors-les-murs
à Rome ; il était très impressionnant de voir, tout à la fin du pontificat de
Jean-Paul II, les deux dernières places encore vides… Raoul Auclair a mis en
évidence que la 73e devise (Axis in medietate signi) indique le
milieu chronologique de la prophétie ; cette devise est associé à Sixte Quint,
dont le milieu du règne tombe en 1587. Entre le départ de la prophétie (1143)
et 1587, il s’est écoulé 444 ans ( 4 x 111 ans) ; on peut en conclure que la
fin doit se situer 444 ans après 1587, soit en 2031.
Une
autre source, citée par Gaston Georgel, provient du fond de l’Asie et a été
transmise par un livre étonnant de Ferdinand Ossendowski intitulé Bêtes,
Hommes et Dieux.13 Le passage de l’auteur en France avait donné lieu, en
1924 à un table ronde organisée par le journaliste Frédéric Lefèvre, réunissant
René Grousset, un historien spécialiste de l’Asie, le philosophe néo-thomiste
Jacques Maritain et René Guénon, qui avait déjà publié son Introduction aux
doctrines hindoues et dont venait de sortir un ouvrage intitulé Orient
et Occident. L’ouvrage d’Ossendowski relate une « Prophétie du Roi du Monde
», datée de 1891 – l’année de la dernière conjonction NE-PL – selon laquelle :
…Dans la cinquantième année [après 1891], trois grands
royaumes seulement apparaîtront, qui vivront heureux pendant soixante et onze
ans. Ensuite il y aura dix-huit ans de guerres et de destructions. Alors les peuples
d’Agartha sortiront de leurs cavernes souterraines et apparaîtront sur la
surface de la terre.
Une simple addition des chiffres conduit une fois
encore à la date fatale de 2030 (1891 + 50 + 71 + 18). On pourrait sans doute
associer les « trois royaumes » qui apparaissent en 1941 aux trois puissances
qui vont dominer le monde à partir de la Seconde Guerre mondiale (États-Unis,
Russie, Chine). Les 18 ans de guerres et de destructions devraient commencer,
selon cette prophétie, en 2012, au moment du carré UR-PL. Certes, il y a autour
du personnage d’Ossendowski beaucoup d’ombres et d’ambiguïtés, mais il se peut
qu’il ait été néanmoins un vecteur de transmission de données traditionnelles à
un moment où le « sceau de la prophétie » était appelé à être ouvert.
Enfin, Gaston Georgel évoque une étude de René Guénon
consacrée à la tradition atlantéenne, où ce dernier apporte des précisions
relatives à la date de l’effondrement de l’Atlantide :
Quant au cataclysme qui y mit fin, certaines données
concordantes semblent indiquer qu’il eut lieu sept mille deux cents ans avant
l’année 720 du Kali-Yuga, année qui est elle-même le point de départ d’une ère
connue, mais dont ceux qui l’emploient encore actuellement ne semblent plus
savoir l’origine ni la signification.14
Gaston Georgel explique que « l’ère connue » dont
parle René Guénon serait l’ère juive, dont le début est situé à la date de 3761
av. J.-C.
Si ceci était exact, le Kali-Yuga aurait commencé en
720 + 3761 = 4481, et devrait en conséquence se terminer en 6480 – 4481 + 1 =
2000 (ap. J.-C.). On peut affirmer que l’an 2000 est une date trop rapprochée,
compte tenu de certains « signes des temps », il convient donc de rechercher à
quoi pourrait correspondre du point de vue de la tradition juive cet an 2000.15
Ayant commencé par un cycle de 720 ans, le Kali-Yuga –
dont la durée de 6480 ans comporte neuf cycles de 720 ans – devrait également
s’achever sur cycle semblable, ce qui met en valeur la date de 1310 (2030-720),
juste au moment de la destruction des Templiers. Précisons enfin que Gaston
Georgel présente comme « théorique » la date de 2030, estimant que la date
réelle, concrète, serait plutôt 2028, correspondant à 2000 ans après le début
de la vie publique de Jésus et à 111 ans après la date cruciale de 1917.
Les indications fournies par René Guénon conduisent à
fixer en -4481 le début du Kali-Yuga et en -3761 le début de l’ère juive. Nous
avons eu la curiosité d’aller voir si, d’aventure, le cycle HA-KR, impliqué par
un aspect majeur de conjonction à la fin du cycle, n’était pas également
présent à son début. En -4481, HA est conjoint au Point Gamma à 0° du Bélier,
et commence ainsi un cycle de 360 ans, et 720 ans plus tard, en -3761 le
mi-point HA/KR se situe sur le même Point Gamma à 0° Bélier. Dès lors, notre
perspective sera de prolonger ces explorations en intégrant d’autres cycles des
TNP, et en particulier le cycle HA-PO, puisque ces deux entités répondent à des
nombres cycliques fondamentaux (360 et 720). Ces quelques données auraient
d’ailleurs tendance à venir conforter notre opinion selon laquelle les fameuses
TNP ne sont pas des corps célestes, mais plutôt des Nombres cycliques
susceptibles d’interférer avec les corps célestes sur la « ligne de vie »
qu’est le Zodiaque.
Il se trouve que, lors du stage
de Laval de 1994, nous avions interprété l’année 1989 comme marquant le passage
du « relais » entre les deux entités qui sont désignées dans l’Apocalypse de
saint Jean comme la « Bête de la Mer » et la « Bête de la Terre ». Voici ce que
nous soumettions alors à la réflexion des participants à ce stage :
Méditant sur le temps qui
paraît devoir être imparti à la Bête de la Terre, déjà en train de prendre le
relais de la Bête de la Mer, nous avons remarqué qu'entre 1989 - fin du temps
de la Bête de la Mer qui a régné 72 ans depuis 1917 - et la date avancée de
2031, il s'écoule une durée de 42 ans, nombre cyclique fondamental, en particulier
dans l'Apocalypse. Nous avons donc risqué l'hypothèse que nous vous
livrons aujourd'hui, avec crainte et tremblement : la période qui s'étend
devant nous jusqu'à la fin du cycle, aux alentours de 2031, peut être
considérée comme un « Supplément de tribulation » de 42 ans venant s'ajouter au
« Jour de Yahveh » de 72 ans, cette dernière phase étant dévolue au règne de la
« Bête de la Terre » venant prendre le relais de la « Bête de la Mer ».
Il nous était alors aussi venu
à l’esprit de prendre en considération la période globale de 114 ans entre 1917
et 2031. Le centre tombe sur 1974, année de la crise pétrolière faisant suite à
la guerre du Kippour en 1973. Malgré l’implication d’Israël dans cette
scansion, il ne nous apparaissait pas, à première vue, que cette date soit
parmi les plus marquantes du siècle. En revanche, une coupure de la période en
trois phases de 38 ans chacune amenait à évoquer le cycle des Noeuds lunaires,
et nous pouvons observer que ces phases sont rythmées par la conjonction de
l’axe des Noeuds lunaires à l’axe du Centre galactique (de 25°30 à 26°30 du
Sagittaire). Ce qui donne comme jalons les années 1955 et 1993. Notre
conclusion portait enfin sur les thèmes harmoniques de 1996 et de 2026 et sur
la période de 30 ans + 3 ans ½ qui conduit à 2031 :
Si l'année 2010 semble devoir
être une échéance importante et chargée dans le cheminement vers la fin du
cycle, deux dates ressortent, en revanche, par leurs splendides harmoniques :
1997 et 2026. A première vue, ces harmoniques devraient présager plutôt
d'heureux événements.
Mais si nous gardons à l'esprit qu'en fin de cycle toutes choses obéissent à
une logique de l'inversion, il n'est peut-être pas excessif, compte tenu des
nombres cycliques éveillés par ces deux dates - 30 ans de 1996 à 2026, trois
ans et demi de 2026 à 2031... - d'y lire la possibilité d'une manifestation « à
rebours ». C'est là, et encore une fois à titre de pure hypothèse, une réponse
voilée à certaines questions relatives au thème de l'Antéchrist.
On ne saurait évoquer la fin
d’un cycle sans d’abord préciser de quel cycle cette fin marque le terme. Des
deux auteurs que nous avons pris pour guides dans cette exploration, Raoul
Auclair et Gaston Georgel, il apparaît que le premier se limite au cycle de 7
000 ans (« Notre Génération ») et qu’il situe le moment crucial prochain comme
devant être celui qui fait passer le monde du Sixième au Septième Jour de ce
cycle. La perspective de Gaston Georgel, qui s’appuie sur l’enseignement de
René Guénon en matière de cyclologie traditionnelle, est infiniment plus vaste,
puisque la fin dont il est ici question est celle d’un Manvantara de 64
800 ans. Gaston Georgel le précise à la fin de son Cycle Judéo-Chrétien :
Cette dernière période, le
Cycle moderne, n’appartient pas seulement à l’histoire du judéo-christianisme,
mais également à celle de notre actuel Manvantara (durée de 64 800 ans), dont
il constitue précisément et très exactement la dernière phase, puisque l’Age
sombre (6480 ans) se divise naturellement en trois « années cosmiques » de 2160
ans chacune, la dernière, ou cycle de César (60 av. J.-C. – 2030 ap. J.-C.
environ) se subdivisant à son tour en trois phases de 720 ans dont la troisième
(1310-2030) s’identifie avec le Cycle moderne.16
Mais, aussi bien Raoul Auclair
que René Guénon lui-même insistent à plusieurs reprises sur le fait que la fin
d’un cycle, aussi vaste fût-il, ne signifie pas la Fin du monde : elle
n’apparaît comme telle que pour ceux qui ne voient rien au-delà du cycle actuel
en cours d’achèvement. René Guénon précise cependant le caractère particulier
de la fin du Manvantara :
[La fin] que nous envisageons
ici a incontestablement une portée plus considérable que beaucoup d’autres,
puisqu’elle est la fin d’un Manvantara tout entier, c’est-à-dire de
l’existence temporelle de ce qu’on peut appeler proprement une humanité, ce
qui, encore une fois, ne veut nullement dire qu’elle soit la fin du monde
terrestre lui-même, puisque, par le « redressement » qui s’opère au moment
ultime, cette fin même deviendra immédiatement le commencement d’un autre Manvantara.17
René Guénon ne manque pas,
toutefois, de souligner avec force que le prochain Manvantara est séparé de
notre époque par une « barrière » infranchissable, et que cela n’a rien à voir
avec les élucubrations des idéologues du New Age qui attendent l’Ère du
Verseau comme un simple prolongement de l’époque actuelle. Le Règne de la
quantité et les signes des temps s’achève d’ailleurs sur des considérations
relatives au double aspect « bénéfique » et « maléfique » sous lequel se
présente la marche du monde en tant que manifestation cyclique. La
manifestation prise en elle-même apparaîtra comme une descente et une
dégradation progressive (du simple fait de l’éloignement du Principe qui en est
à l’origine) ; mais replacée dans l’ensemble de l’existence universelle, elle
produit des résultats positifs qui sont intégrés eux-mêmes dans le cadre d’un
autre cycle de manifestation.
Enfin, Gaston Georgel va
jusqu’à évoquer, dans la conclusion du chapitre qu’il consacre à l’Age de Fer
dans son livre Les Quatre Âges de l’humanité, les privilèges propres à
ce temps qui est le nôtre – et qui sont exposés, par exemple, sous la forme de
la parabole évangélique des ouvriers de la onzième heure : ceux-ci reçoivent
même salaire que ceux qui ont oeuvré dès la première heure. Mais le privilège
le plus sublime offert aux hommes de l’Age de Fer, c’est la grâce attachée à la
prononciation du nom divin, aussi bien dans le christianisme que dans l’Islam
ou dans l’Inde. Cela explique que des âmes des Âges précédents souhaitent, dans
la tradition hindoue, revivre au temps du Kali-Yuga. Voilà qui peut éclairer
ces paroles de Jésus à ses disciples :
Heureux les yeux qui voient ce
que vous voyez. Car je vous le dis, beaucoup de prophètes et de rois ont voulu
voir ce que vous voyez, et ils ne l’ont pas vu ; et entendre ce que vous
entendez, et ne l’ont pas entendu.
Ainsi,
finalement, ce qui caractérise au mieux le Kali-Yuga, c’est la « jonction des
extrêmes », que l’on peut observer, selon Gaston Georgel, dans « le contraste
entre la sublime sainteté d’un Ramakrishna ou d’un saint Séraphin de Sarov et
le matérialisme brutal des foules de l’âge d’acier ».
Charles Ridoux
Amfroipret, le 23 février 2008
1 TRESMONTANT
Claude, Problèmes de notre temps, OEIL, 1991, p. 55.
2 GUENON René, Symboles
fondamentaux de la Science sacrée, Paris, Gallimard, 1962.
3 RICHER Jean, Géographie
sacrée de la Grèce antique, Guy Trédaniel, 1967.
4 PHAURE Jean, La
France mystique, Dervy, 1991 et Introduction à la géographie sacrée de
Paris, Borrégo, 1993.
5 GUENON René, Formes
traditionnelles et cycles cosmiques,(1e
éd.,1970), Gallimard, 1970.
6 GEORGEL Gaston, Les
rythmes dans l’histoire, Servir, Besançon, 1947 ; Les quatre âges de
l’humanité, Servir, Besançon, 1949 ; L’Ere future et le mouvement de l’Histoire,
La Colombe, 1956 ; Le cycle judéo-chrétien, Archè, Milano, 1983 ; Chronologie
des derniers temps, Archè, Milano, 1986.
7 PHAURE Jean, Le
Cycle de l’humanité adamique. Introduction à l’étude de la cyclologie
traditionnelle et de la fin des Temps, Dervy-Livres, Paris, 1973.
8 GEORGEL Gaston,
« Ce que je dois à René Guénon », in René Guénon, dir. Jean-Pierre
Laurent avec la collaboration de Paul Barbanegra, Cahiers de l’Herne, 1985, p.
422.
9 GEORGEL Gaston, Les
Rythmes dans l’Histoire, Besançon, Editions Servir, 1947 (1e éd. 1937), p. 6.
10 GEORGEL
Gaston, Les Quatre Âges de l’humanité, Besançon, Editions Servir, 1949.
11 Gaston Georgel, op.
cit., p. 3.
12 GEORGEL
Gaston, Le Cycle Judéo-Chrétien sceau et couronnement de l’histoire humaine,
Archè, Milano, 1983, p. 7.
13 OSSENDOWSKI
Ferdinand, Bêtes, hommes et dieux. L’énigme du Roi du Monde, Plon, 1924.
14 GUENON René, Formes
traditionnelles et cycles cosmiques,(1e
éd.,1970), Gallimard, 1970, p. 48, n. 2.
15 GEORGEL Gaston,
Le Cycle Judéo-Chrétien sceau et couronnement de l’histoire humaine,
Archè, Milano, 1983, p. 36.
16 Ibid., p. 77.
17 GUENON René, Le
Règne de la quantité et les signes des temps, Paris, Gallimard, 1945, p.
368.
18 GEORGEL Gaston, Les Quatre Âges de
l’humanité, Besançon, Editions Servir, 1949, p. 114.
source
Et Source
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