Seul Dieu a le pouvoir d’ôter les voiles de vos yeux, et vous ne trouverez pas de réponses ici, à moins qu'Il ne le veuille.

14 avril 2018

La Conférence des oiseaux


 D’après le poète soufi persan Farid Al-Din Attar



C ’est une histoire qui nous vient d’un pays étrange où les oiseaux pensaient et parlaient comme les hommes. Dans leur langage d’oiseaux, ils évoquaient leurs problèmes d’oiseaux comme s’ils avaient des cervelles d’hommes. Peut-on s’en étonner quand tant d’hommes, dans leur langage d’hommes, parlent de leurs problèmes d’hommes comme s’ils avaient des cervelles d’oiseaux. Cette histoire d’oiseaux ressemble apparemment beaucoup à une histoire d’hommes.

Méditons sérieusement sur le sens véritable de cette histoire. Ces oiseaux se plaignaient qu’ils n’avaient pas de roi, tout comme beaucoup d’hommes se plaignent de ce qu’ils en ont un. Les hommes et les oiseaux se plaignent tout autant de ce qu’ils ont que de ce qu’ils n’ont pas.

Dans cette histoire, une huppe a joué un rôle important. Cet oiseau porte une couronne de plumes sur la tête. Des hommes font de même, avec d’autres sortes de plumes. Notre huppe était engagée dans le chemin de la sagesse et se sentait porteuse d’un message d’espoir et de vérité.







 Elle déclara que les oiseaux avaient un grand un roi. Il s’appelait Simorgh et se tenait dans un lieu merveilleux mais presque inaccessible tant son chemin est dangereux. Mais si notre désir et notre courage sont suffisants, disait-elle, nous pouvons aller vers le Roi.




Les oiseaux réagirent comme des hommes. Ils eurent grand peur de partir. Leurs actes et leurs désirs ne concordaient guère et ils préféraient la sécurité du présent aux incertitudes d’une telle aventure. On dit des hommes qui réagissent comme ces oiseaux, qu’ils sont comme les crocodiles, avec grand appétit, grande bouche, et très petits bras. Ils font grand bruit, mais peu d’action dans la réalité. En fait, la plupart des oiseaux n’étaient pas prêts au voyage aventureux.
Avec mille excuses, ils firent mille objections. Le rossignol était amoureux de sa rose et la verte perruche se disait retenue en cage. Le Paon aux mille couleurs s’estimait comblé de son plumage. Le canard était très heureux dans l’eau, la perdrix dans le gravier, et le humay avec lui-même. Le faucon se drapait dans sa fierté. Le héron se plaisait au bord de l’océan, comme le hibou dans les ruines, et la bergeronnette se sentait bien trop faible.

Tous les autres oiseaux présentèrent des excuses variées. La huppe déclara que ceux qui désiraient vraiment rencontrer Simorgh devraient combattre leurs propres craintes. Celui qui n’a pas d’énergie ne peut prétendre aux trésors du soleil. Bien des oiseaux se sentaient indignes de paraître devant Simorgh. «Quand Simorg se laisse voir, dit encore la huppe, sa face aussi brillante que le soleil produit des milliers d'ombres sur la terre et tous les oiseaux du monde ne sont que ces ombres vivantes de Simorg.»

 Sachons que si Simorg n'avait pas voulu se manifester et préférait rester caché, il n'aurait pas projeté son ombre sur le monde. Et celui qui n'a pas un œil propre à voir le Simorg, n'aura pas non plus un cœur lisse comme un miroir pour le réfléchir. L’œil ordinaire ne peut admirer sa beauté, ni la comprendre, car on ne peut pas aimer Simorg comme on aime les beautés temporelles. Par excès de bonté, Simorg a fait des miroirs, et ce sont vos cœurs. Regardez donc dans votre cœur, et vous y verrez son image. ».

 En entendant ce discours, les oiseaux découvrirent ce qui les reliait à Simorg, et certains éprouvèrent le désir de faire le voyage. Mais le discours les inquiétait et ils hésitaient à se mettre en route. Ils dirent donc à la huppe : « Toi, notre guide ! Veux-tu que nous abandonnions tranquillité pour chercher le chemin qui mène à Simorg. ». La huppe répondit : « Celui qui aime d’amour vrai ne songe pas à sa propre vie. Les amants font-ils attention à la leur ? L'amour véritable aime la difficulté. »


 Les oiseaux désignèrent la huppe comme guide et chef. On mit une couronne sur sa tête, et plus de trente mille oiseaux s’assemblèrent pour prendre le chemin, si nombreux qu'ils cachaient le ciel. Pourtant, c’était bien peu pour le peuple innombrable des oiseaux. Mais, dès qu'ils aperçurent l'entrée de la première vallée, la terreur les saisit. C’était un lieu désert où il n'y avait ni bien ni mal mais seulement silence et tranquillité sans augmentation, ni diminution.




Alors la huppe décida de soulever un peu le voile du mystère. «Nous avons, dit-elle, sept vallées dangereuses à franchir, avant de découvrir le palais de Simorg. Personne n'est revenu dans le monde après avoir parcouru cette route et l’on n’en connaît pas quelle en est l'étendue. Tous ceux qui sont entrés dans cette route s'y sont engagés pour toujours. Je ne peux donc calmer vos inquiétudes et je vous dirai seulement tout ce que j’en sais. ».





Cette première vallée, dit-elle, est celle de la quête ; la suivante n’a pas de limite car c’est celle de l'amour ; la troisième est celle de la connaissance, et la quatrième est celle de l'indépendance ; la cinquième vallée est la vallée de la pure unité, la sixième, celle de la terrible stupéfaction ; et la septième vallée enfin est celle de la pauvreté, de l'anéantissement et de la mort, au-delà de laquelle nous serons attirés sans pouvoir poursuivre la route et pour nous, une goutte d'eau sera comme un océan.


....à Suivre...

 Jacques Prévost

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