Nous pouvons alors mieux comprendre la profonde symbolique du caducée. Le caducée se
rapporte essentiellement et directement à ce qu’on peut appeler l’ « alchimie humaine » qui
concerne les possibilités de l’état subtil, même si celles-ci ne doivent être prises que comme le
moyen préparatoire d’une réalisation supérieure (Guénon). Attribut d’Hermès, il symbolise le
processus alchimique intérieur et la maîtrise des énergies descendantes et montantes. D’un
certain point de vue, il représente cette tentative héroïque d’unir deux forces opposées
représentées par les deux serpents autour d’un axe central directeur. Le caducée montre
comment circulent les énergies à l’intérieur de l’« espace humain » (corps, âme, esprit). Il est
en quelque sorte le schéma simplifié de cette circulation qui s’effectuent dans les çakras et
dans les trois principaux canaux subtils (les trois nadis : Sushumna, Pingala, Ida). Nous
pouvons même dire que le caducée symbolise la réussite de cette « Grande Conjonction » et
de cette « Grande Réconciliation » dans le creuset humain. Il montre que les énergies
contraires sont enfin maîtrisées, harmonisées, et même utilisées dans le but d’accomplir une
tâche plus élevée. L’Homme/Hermès porteur du caducée à pour vocation de réaliser en lui
cette symbiose parfaite entre toutes les énergies. Mais le problème est que cette « concorde »
énergétique ne se fait pas d’emblée. Elle n’est pas réalisée dès que nous naissons. Pour la
grande majorité des êtres humains, elle est le résultat d’un long et difficile « travail » sur soi
(Alchimie humaine intérieure) qui peut durer toute une vie, et même le plus souvent plusieurs
vies successives.
CHAKRAS, KUNDALINI, CADUCEE
Ci-dessus : à gauche, la colonne vertébrale de l’être humain et la position des sept chakras (ou
çakras.) Au centre, le caducée, et à droite la superposition des sept çakras au caducée.
7) Nadis et serpents du caducée.
Le fameux caducée d’Hermès est composé d’un axe central, un « bâton » ou une baguette en
or selon la légende, équivalent de la nadi centrale autour de la quelle s’entrelacent les deux
autres nadis. Dans la tradition hindoue, une nadi est un canal d’énergie (ce n’est ni un nerf, ni un canal sanguin). Les nadis sont des sortes de lignes de direction que suivent les forces
vitales. Il y en a trois principales qui prennent source dans le çakra racine (Muladhara) et
montent le long de la colonne vertébrale passent par le sommet du crâne, et se terminent aux
narines. L’entrelacement des deux nadis se fait exactement de la même façon que les deux
serpents du caducée. La nadi centrale porte le nom de sushumna. Elle est « située » à
l’intérieur de l’axe cérébro-spinal, s’étendant jusqu’à l’orifice qui correspond à la « couronne
de la tête ». C’est sur le parcours de sushumna, et même plus exactement à son intérieur (car
elle est décrite comme renfermant deux autres canaux concentrique et plus ténus, appelés
vajrâ et chitrâ), que sont placés les centres ou çakras. La nadi centrale est de couleur blanche,
et elle est neutre. Elle a l’éclat du diamant et elle est comparée à la « Rivière du Paradis ». Les
deux « serpents » s’enroulant autour du « bâton » sont les nadis, ou canaux subtils, de Pingala
et Ida. La nadi Pingala qui circule à droite est masculin et solaire, de signe positif et créateur.
Pingala est de couleur rouge, et brille comme le Soleil. Elle est liée au matériel et à la raison,
son énergie est chaude. Elle est en relation avec les éléments feu et air. Ida qui circule à
gauche est de nature féminine et lunaire, de signe négatif et réceptif. Ida est de couleur jaune.
Elle diffuse une lumière semblable à celle de la Lune. Elle est liée au spirituel et à l’intuition.
Son énergie est froide. Elle est liée aux éléments terre et eau. La fonction des nadis est
d’assurer la circulation du Prana dans le corps.
Ci-dessus: la légende dit que lorsque le Bouddha entreprit d’accéder à l’Eveil définitif, il resta de longues semaines en méditation dans bouger. Mais soudain vint la pluie et un orage violent et froid qui mit en péril sa réalisation de l’Eveil. Alors, du fond des « eaux », sortit le cobra Naga Mucilinda (divinité et roi des Nagas), qui enroula ses anneaux sous le corps du Bouddha et déploya ses capuchons heptacéphales (à sept têtes) en éventail au-dessus de lui pour le protéger de la pluie durant tout le temps que dura l’orage.
Ci-dessus : Dans l’antiquité égyptienne, l’uræus est le cobra femelle qui a pour fonction de protéger le pharaon contre ses ennemis. C’est aussi une puissante déesse incarnée par Ouadjet. Dans la mythologie égyptienne, l’uræus est l’°il de Rê (troisième °il). On le trouve représenté sur la coiffe des pharaons dont il est l’un des attributs. Les cobras qui protègent le Bouddha et le Pharaon ne sont pas des serpents ordinaires. Ils sont au contraire le symbole de l’énergie fondamentale appelée « serpent des profondeurs ». Il est remarquable que ce soit un serpent à sept têtes qui permette au Bouddha d’obtenir son Eveil total. Les sept têtes du cobra sont à rapprocher des sept çakras.
Ci-dessus : les chakras, ou çakras, sont des centres subtils localisés dans certaines régions du corps humain. Ces localisations corporelles ne sont d’ailleurs que des correspondances entre différents niveaux de réalité ou de manifestation. Ceci signifie que les chakras n’ont pas de consistance matérielle. Ils n’ont pas de réalité physique au sens matérialiste de l’expression. Les chakras sont au nombre de sept, mais il serait plus juste de dire qu’ils sont au nombre de six, car le septième centre de conscience, Sahasrara ou « lotus aux mille pétales », se rapporte à un état qui est au-delà de l’individualité, donc au-delà des différents centres de conscience humain. Les chakras sont disposés selon un axe vertical qui correspond à celui de la colonne vertébrale. En partant du bas vers le haut, nous avons : Muladhara ou « chakra racine » situé à la base de la colonne vertébrale dans le région du pelvis, Swadhishthana ou « chakra sacré » situé dans la région du nombril, Manipura ou chakra du « plexus solaire » situé dans la région de l’estomac, Anahata ou « chakra du c°ur » situé dans la région cardiaque, Vishuddha ou « chakra de la gorge » situé dans la région antérieure du cou, Ajna ou « chakra du troisième °il » situé entre les deux yeux (chiasme optique), et enfin, situé au sommet de la tête (fontanelle), le centre Sahasrara ou « chakra » coronal. Il importe de noter que les çakras étant localisés à l’intérieur de la colonne vertébrale, ils ne peuvent en aucun être assimilés à des centres nerveux ou à des plexus. C’est donc une erreur, par exemple, d’assimiler purement et simplement Manipura au « plexus solaire ». Les sept çakras ne sont pas seulement des centres d’énergie, se sont aussi sept « corps subtils », sept niveaux différents de vibration, sept niveaux de conscience, sept plans de réalité, sept « couches » situées entre la matière et l’Esprit, sept degrés de réalisation, sept potentialités de la nature humaine, sept « mondes »,sept divinités, sept niveaux de perception et de manifestation. A noter aussi les étonnantes correspondances avec l’Apocalypse de Jean qui est le dernier livre du Nouveau Testament. En effet, dans ce texte qui est une « révélation », Jean s’adresse aux sept églises d’Asie. Il invoque les sept esprits présents devant le trône. Il voit sept candélabres d’or entourant le fils de l’Homme. Il décrit celui qui tient les sept étoiles dans sa main droite et marche au milieu des sept candélabres d’or. Il évoque celui qui possède les sept esprits de Dieu et les sept étoiles, les « 24 vieillards » couronnés tandis que devant le trône sont sept langues de feu et sept esprits de Dieu. Devant le trône aux quatre vivants se trouve un agneau égorgé portant sept cornes et sept yeux. L’Agneau brise les sept sceaux, et à la rupture du septième sceau, règne un silence d’une demi-heure alors que sept anges et sept trompettes se font entendre. Les sept tonnerres font entendre leurs voix, sept anges portent sept fléaux, on leur remet sept coupes en or. On y trouve les sept coups de la colère de Dieu. La « prostituée » Babylone est assise sur une bête écarlate portant sept têtes et dix cornes. Les sept têtes sont les sept collines sur lesquelles elle s’est assise. Nous devons aussi évoquer la correspondance des sept çakras avec les « sept cieux » chers à l’Islam, les sept planètes, et les sept métaux alchimiques. « Les Noces Chymiques » de Christian Rosenkreutz (Strasbourg1616), un des textes fondateurs de la Rose+Croix durent sept jours, et peuvent être rapprochées des sept étapes du Grand oeuvre alchimique :
1° Trouver la terre minérale (minerai de fer et d’antimoine),
2° Préparer le « feu secret » (ce n’est pas un feu matériel),
3° Séparer l’Esprit du corps (le subtil de l’épais),
4° Réunir à nouveau le subtil et l’épais (noces alchimiques),
5° Cuisson,
6° Humidification,
7° Multiplication.
Comme l’enseigne la loi de correspondance hermétique entre le microcosme et le macrocosme, chacun des sept çakras est en relation avec sept « univers » macrocosmiques. Par analogie avec le plan physique matériel, chacun de ces sept « univers » a ses lois spécifiques, ses dimensions et ses particularités propres. Quand un être humain traverse un çakra, il pénètre aussi dans un « univers ». Quand il arrive dans cet « univers » il se trouve doté d’organes de perception et de facultés qui lui permettent de se mouvoir dans cet « univers ». Traverser un çakra c’est donc aussi réaliser une potentialité incluse dans l’Homme, et donc le doter de facultés nouvelles qui sont comme de nouveaux « organes » de perception pour sa conscience.
L’Alchimie spirituelle montre la voie de l’ascension intérieure composée ici de 9 degrés (les 9 barreaux de l’échelle). Ces 9 degrés correspondent à la réalisation effective des « Petits » et des « Grands Mystères », c’est-à-dire à l’intégralité du chemin initiatique. Chaque barreau représente un niveau de conscience, un niveau de réalité et de réalisation intérieure.
Ci-dessus : la quatrième planche de la Theosophia Practica montrant les centres subtils de l’« homme ténébreux », privé de la « Lumière Originelle », déchu (après la Chute d’Adam). Cette planche qui est un document étonnant, est tirée d’un livre publié en allemand en 1736 et intitulé la Theosophia Practica. Son auteur est Johann Georg Gichtel (14 mars 1638 - 21 janvier 1710). Surnommé le « Théosophe d’Amsterdam », Gichtel était un disciple de Jacob Böhme. En analysant le document, nous voyons que du sommet du crâne jusqu’à la zone génitale, nous comptons sept centres qui occupent exactement la place des sept çakras orientaux. Chaque centre est gouverné par une planète. Ces planètes suivent l’ordre astrologique normal. Cet ordre classe les planètes en partant de la plus lente (Saturne) jusqu’à la plus rapide (la Lune). L’ordre est donc le suivant : Saturne, Jupiter, Mars, Soleil, Vénus, Mercure, Lune (ordre qui n’a rien à voir avec l’ordre astronomique normal). Dans chaque centre, nous retrouvons le signe de la planète qui lui correspond. A noter aussi la spirale qui part du coeur et rejoint le sommet du crâne. Cette spirale est à rapprocher de la forme hélicoïdale adoptée par les deux serpents du caducée. Pour Gichtel, les pouvoirs de l’être humain croissent en proportion de l’éveil de la puissance du « Feu de l’âme » (Kundalini). Le système de Gichtel est une alchimie intérieure comparable sur bien des points à l’éveil de la Kundalini.
Il est aussi possible d’établir une correspondance fructueuse entre les çakras et les Sephiroth
de la Kabbale qui est la tradition ésotérique du judaïsme. Comme les çakras, et d’un certain
point de vue, les Sephiroth sont des centres subtils situés dans l’être humain. Bien que les
Sephiroth de la Kabbale soient au nombre de dix et les çakras au nombre de sept, la
correspondance reste cependant parfaite. En effet, dans l’Arbre Sephirotique ou « Arbre de
Vie », il y a trois couples placés symétriquement sur les « colonnes » de droite et de gauche :
Binah/Chokhmah, Geburah/Chesed, Hod/Netzach. Ces couples ne forment donc que trois
centres, et ajoutés à Malkuth, Yesod, Tiphareth et Kether, nous avons bien sept centres
majeurs. L’axe central correspond à sushumna et les deux « colonnes » latérales sont en
correspondance avec Ida et Pingala. En commençant par le haut, les correspondances
suivantes peuvent être établies : Kether (la Couronne) = Sahasrara ou « lotus aux mille
pétales », Binah/Chokhmah = Ajna (le « troisième oeil » ou « oril de la connaissance »),
Geburah/Chesed = Vishuddha, Tiphareth (qui occupe une position centrale) = Anahata ou
« chakra du corur », Hod/Netzach = Manipura, Yesod = Muladhara, Malkuth (le Royaume) =
Swadhishthana (« la propre demeure ») ou « chakra sacré ».
(Daniel Robin décembre 2011)