La voie initiatique est un retour au centre, symbolisé par le paradis terrestre où se tient la tradition primordiale. Avant d'aller plus loin, il faut préciser que la compréhension du symbolisme du Graal se fait à différents niveaux de lecture, exotérique, mésoterique et ésotérique. La pensée du Moyen Age est une pensée analogico-symbolique dans laquelle l'homme comprend les rapports entre les principes et les lois ainsi qu'entre tous les règnes de la nature.
L'homme en tant que représentation microcosmique de l'univers macrocosmique participe activement à la continuité entre tous les plans. Aujourd'hui, nous sommes dans une pensée inductive-déductive, où seule l'analyse des faits nous intéresse, nous coupant ainsi de tout accès à la transcendance. Du global nous sommes passés au particulier, et du spirituel au matériel. Ceci pour dire que la relation incroyable ou extravagante des aventures du Graal n'est pas due au hasard mais est bien le fait d'initiés, pour ceux qui ont des oreilles pour entendre et des yeux pour voir.
Le Graal aurait été taillé par les anges dans une émeraude tombée du front de Lucifer lors de sa chute. Il fut confié à Adam dans le paradis, mais celui-ci le perdit après sa transgression, car il ne put l'emporter hors du paradis. Récupéré par Seth, troisième fils d'Adam, il parvint par une transmission secrète à Jésus le jour de la Cène. C'est dans cette coupe que fut recueilli le sang de Jésus sur le calvaire. Elle fut confiée à Joseph d'Arimathie, disciple secret de Jésus, qui ensevelit aussi le corps de ce dernier. Le Graal aurait été ensuite transporté par Joseph d'Arimathie et Nicodème (représentants des pouvoirs temporel et spirituel) en Grande-Bretagne. Là, le dernier fils de Joseph d'Arimathie fonda avec la fille de Nascien (descendant du roi Salomon) la dynastie des rois pêcheurs, gardiens du Graal.
C'est là que le roi Mordrain, beau-frère de Nascien, dévoré par l'envie de contempler le Graal et n'étant point désigné pour le faire, voulut outrepasser l'interdiction et fut cruellement frappé par un ange qui lui perça les deux cuisses de sa lance.
Le roi Mordrain porta depuis ce temps le nom de "roi mehaigne" (c'est-à-dire blessé), sachant qu'il ne guérirait que lorsque viendrait le "meilleur chevalier du monde" et que, sitôt guéri, il pourrait enfin mourir.
Telle est brièvement exposée l'histoire du Graal depuis son origine jusqu'au commencement des Temps Aventureux.
Les religions dominantes ont toujours su s'approprier les cultes anciens pour asseoir leur autorité. Le Graal n'échappe pas à cette règle. Chez les peuples celto-nordiques, il existait déjà. Dans le Lebar gabala, le livre des conquêtes transmis par les bardes d'Irlande, il est dit que les "Tuata de Danann" (les dieux lumineux venus du Nord) apportèrent de leur contrée (Hyperborée) les quatre objets magiques : la pierre du sacre, qui crie lorsque le roi s'assied dessus (qui rappelle le siège périlleux), la lance de Lug, le chaudron d'immortalité (le Graal est aussi associé à une pierre), et l'épée Kaledwlch (appelée Excalibur).
La tradition nous dit que Merlin (lien entre la civilisation celte et chrétienne) transmet son savoir à maître Blaise, un clerc plein de sagesse. La légende dit que saint Blaise sauva un cochon de la gueule d'un loup. Le cochon ou sanglier, un des deux animaux symboles des Celtes, représente le sacerdoce.
Remarquons en passant que les Templiers vouaient un culte particulier à saint Blaise et que le loup en alchimie figure le Saturne des philosophes, c'est-à-dire le père des dieux, Chronos, principe de la tradition primordiale. Blaise, Blasios signifie en grec avoir "les pieds en dehors" rappelle Hephaïstos, le Dieu du feu et de la forge, et des cabires alchimistes.
Arthur est l'ours celtique, l'etoile polaire dans la constellation de la petite Ourse, symbole de la royauté. Cette contrée du Nord, siège de la tradition primordiale, est à la fois la terre du sanglier druidique et de l'ours de la royauté celtique. Voilà aussi pourquoi Arthur n'est pas un roi du temps des hommes, il est le roi du centre polaire.
Il existe dans la queste un moment symbolisé par le pont de l'épée, constitué du tranchant d'une épée jetée au-dessus d'une eau sombre. Le héros, qui réussit à traverser sur ce tranchant et se blesse, fait le lien entre l'âge d'or et le monde des hommes. Il devra ressouder cette épée brisée, ensanglantée, qui évoque la rupture entre les hommes et les dieux, la chute des origines primordiales. C'est la l'essentiel de la queste.
LES 7 DEGRÉS DE LA QUESTE :
Il n'est pas possible d'aborder tout le foisonnement symbolique des nombres, couleurs, postures, temps et lieux contenus dans la queste du Graal. Nous nous bornerons à en dégager l'essentiel.
Les chevaliers étaient tous réunis à Camelot au château du roi Arthur lorsqu'une très belle demoiselle entra à cheval dans la salle de la Table ronde. Cette table, symbole de la rondeur du monde et de la course des planètes dans le cosmos, indique que la queste n'est pas d ordre terrestre mais cosmique. Elle est la découverte des significations spirituelles et doit se poursuivre non pas à pied suivant le sens littéral d'un déroulement historique mais à cheval, l'animal psychopompe, car il s'agit d'un voyage symbolique à travers l'espace et le temps. Le vieux prud'homme annonce que dans cette queste, nul ne pourra y entrer avec demoiselle ni qu'il ne soit nettoyé de toute vilenie. Il s'agit de renoncer aux compagnies extérieures, aux désirs terrestres et à la vie profane, pour entrer dans un voyage initiatique intérieur.
Le commencement de la queste du Graal
La journée de cette annonce contient en germe tout le déroulement de la queste, dont nous donnons une brève explication pour chacune des étapes
1 - L'apparition de la pierre dans laquelle est fichée l'épée lumineuse destinée au meilleur chevalier du monde.
L'épée symbolise la sagesse et la puissance du verbe. C'est 1'arme de la connaissance et des combats spirituels. :L'épée enchâssée dans un roc est 1'image de la connaissance enfouie au centre de 1'etre qui ne peut être extraite que par un chevalier initié.
Le roc, la pierre qui retient, n'est autre que la materia prima, les potentialités, les plans profonds de 1'être
2 - Le repas où exceptionnellement tous les chevaliers sont présents à la Table ronde présidée par le roi Arthur.
Tous les chevaliers sont présents, c'est-à-dire que tous les éléments sont en présence pour que l'aventure puisse commencer. A cette occasion, le roi Arthur fait un serment : ne jamais toucher de nourriture un jour de fête avant qu'une aventure ne se soit produite devant lui. Le banquet symbolise le festin de la vie, mais avant que celui-ci ne puisse avoir lieu, il faut qu'à "l'origine des temps" la divinité se soit sacrifiée, démembrée et offerte en nourriture à ceux qui, pour la connaître et la réintégrer, doivent d'abord l'assimiler, c'est-à-dire consommer les fruits de la vie.
C'est pourquoi celui qui ne mange pas et ne boit pas le fruit du sacrifice ne peut avoir de part avec la divinité sacrifiée. Chaque nouveau cycle demande un sacrifice à l'origine afin que les fruits puissent être consommés. C'est pourquoi Arthur et sa cour attendent qu'une aventure ou un avènement se produise devant eux avant de commencer le banquet.
3 - L'apparition du prud'homme âgé, vêtu d'une robe blanche, menant un chevalier en armure vermeille, qui vient s'asseoir sur le siège périlleux, premier signe de sa valeur.
Le gentilhomme âgé n'est autre que Merlin, l'homme cosmique prisonnier de l'amour qu'il porte à Viviane. Par son sacrifice librement consenti (il se laisse emprisonner dans le château de cristal du lac), il ouvre les portes de l'aventure au Saint Graal. Il attend lui aussi la venue du meilleur chevalier du monde dont la pureté seule pourra virtuellement délivrer l'enchanteur qui dort au fond de chaque existence.
4 - Galaad qui, en présence de la reine, retire l'épée du perron, deuxième preuve de sa valeur.
L'épée n'est pas sans rapport avec la Dame qui représente l'intuition spirituelle et connaissante. L'épée est souvent remise au héros par la Dame qui en oriente ainsi l'usage et la destination.
5 - Le tournoi, où Galaad est victorieux de tous ses adversaires, à l'exception de Lancelot, Perceval et Bohort, troisième preuve de sa valeur.
Les trois preuves de la valeur de Galaad font référence aux trois plans, physique, psychique et mental que le héros doit conquérir et maîtriser. Par sa victoire au combat, il montre qu'il est le plus fort physiquement. Lorsqu'il s'assoit sur le siège périlleux (qui exécute ceux qui ne sont pas désignés comme purs), il conforte sa maîtrise sur le monde psychique. Lorsqu'il retire l'épée de la pierre, il prouve son contrôle du monde de l'intellect et du mental.
6 - L'apparition du Saint Graal à la Table ronde dans un bruit de tonnerre et un rayon de lumière qui fait la salle sept fois plus claire, privant les assistants de la parole.
Le Graal nourrit chacun de tout ce qu'il demande et pense. Après sa disparition, chacun retrouve la parole.
Le Graal, représenté sous forme de coupe ou de pierre, apporte la connaissance transcendante en ce qu'il dévoile à chacun sa totalité. C'est le troisième œil (cette émeraude tombée du front de Lucifer) qui voit au-delà des apparences. C'est aussi la pierre philosophale des alchimistes. II est à rapprocher du chaudron celtique, source d'abondance, de résurrection et lieu où les bardes venaient puiser leur inspiration. C'est à la queste de 1'immortalité que convie l'apparition du Graal
7 - Le vœu, proclamé par Gauvain, repris par tous, d'entrer dans la queste du Graal pendant un an et un jour, suivi de l'apparition du vieux prud'homme qui en indique la signification céleste et la nécessité de se séparer des dames et de se purifier préalablement.
Le vœu de Gauvain de poursuivre la queste pendant un an et un jour symbolise le cycle d'existence d'une révolution solaire. II y a un rapport d'équivalence entre l'année, le temps de la vie humaine et le cycle cosmique.
Extrait du livre "Initiation chevaleresque et initiation royale " de Gérard de Sorval.
Ce traité met en lumière la doctrine spirituelle de la chevalerie, ses principes métaphysiques et sa symbolique ésotérique; d’autre part il retrace sa méthode initiatique, c’est-à-dire sa pédagogie intérieure, spécifique aux guerriers, permettant d’entrer activement dans la voie de la perfection.
Ses trois règles majeures, la guerre sainte, l’amour de la Beauté, et le service de Dieu, trouvent leur inspiration et leur achèvement dans la quête du Saint Graal, qui ouvre au chevalier accompli la porte de la royauté intérieure et cosmique.
Et c’est par sept étapes, parcourues par Bohort, Perceval, et Gallaad, que l’on parvient au palais Spirituel.
La voie de l’homme noble trouve son aboutissement dans l’initiation royale, que ce livre étudie sous l’angle de la symbolique du métier et du sacre du prince chrétien. Bien qu’il s’appuie sur le dépôt sapientiel du Moyen Âge chrétien, cet essai n’est pas seulement une étude historique, mais dégage pour nos contemporains, le noyau universel, toujours actuel, de cette voie traditionnelle.
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