Seul Dieu a le pouvoir d’ôter les voiles de vos yeux, et vous ne trouverez pas de réponses ici, à moins qu'Il ne le veuille.

28 mars 2019

LES RUSES DE SATAN (Futuhat-al-Makkiya) Ibn'Arabi



Sache que lorsque les passions dominent l'âme et que les savants recherchent les honneurs auprès des souverains, ils quittent la "route blanche" et se dirigent vers des interprétations (ta'wîlât) laxistes afin de satisfaire les désirs que la passion inspire aux rois de sorte que ces derniers puissent les assouvir en s'appuyant sur un motif légal. Et même si le faqîh (juriste) ne croit pas lui-même au bien-fondé de sa décision, il prononce une fatwa en ce sens.Nous avons vu un grand nombre de ces gens agir comme cela, qu'ils soient d'entre les qâdi ou les fuqahâ'.
Le roi Al-Zâhir Ghâzî, fils du roi Al-Nâsir Salâh al-Dîn Yûsuf b. Ayyûb m'en rapporta un exemple au cours d'une discussion que nous eûmes à ce sujet. Il appela un esclave et lui dit : 
" Apporte-moi le port-feuille (haramdân)".
 Je l'interrogeai : " Qu'y a-t-il dans ce porte-feuille ?"
 Il répondit : " Tu désapprouves les choses blâmables et les injustices qui se passent dans ma cité et dans mon royaume ? Par DIEU, je suis, comme toi, convaincu que tout cela est blâmable ! Néanmoins, ô Maître, il n' y a pas une seule de ces choses blâmables qui ne résulte de la décision rendue par un juriste (faqîh) et d'un écrit de sa main que je possède, l'autorisant. Que la malédiction de DIEU soit sur eux ! Ainsi un juriste, il s'agit d'Untel - et il me désigna le juriste le plus réputé dans son pays pour sa foi et sa vie ascétique - a rendu une fatwa selon laquelle il ne m'est pas prescrit de jeûner pendant le mois de Ramadan en particulier, l'obligation étant seulement de jeûner un mois quelconque de l'année; il me revenait ainsi de choisir celui des mois de l'année que je désirais." 
Le Sultan me dit alors : " Je l'ai maudit intérieurement sans le lui manifester ouvertement parce que c'était Untel" - et il me le nomma.



Sache que DIEU a donné à Satan un pouvoir sur l'imagination. 


Lorsque Satan constate chez un faqîh une inclination vers une passion que DIEU réprouve, il lui suggère une interprétation inhabituelle qui lui fait voir comme bon un acte mauvais et lui facilite la découverte d'une solution accommodante. Satan lui dit : " Les hommes de la première génération [celle des Compagnons du Prophète] se sont acquittés de leurs devoirs religieux en usant de leur jugement personnel (ra'y); les savants se sont servis du raisonnement par analogie en matière de statuts légaux. Ils ont mis à jour les causes (al-'ilal) et ont statué sur les choses dont la Loi ne dit rien, comme ils l'ont fait sur les choses à propos desquelles la Loi est explicite, en s'appuyant sur le fait que ces choses ont une seule et même cause (li l-'illa al-jâmi'a baynahumâ). Or c'est par décision personnelle qu'ils ont établi cette cause."




Lorsque Satan lui a ainsi facilité cette voie, il s'efforce d'obtenir ce que lui dicte sa passion d'une manière qui soit à ses yeux légale, et ne cesse de procéder ainsi en tout ce dont la possession ou la soumission à son autorité est pour lui objet de désir. Il rejette les hadith du Prophète en déclarant : " Si ce hadith était authentique..." - ou, lorsque le hadith est évidemment authentique : " S'il n' y a avait un autre hadith qui contredit ou abroge celui-ci - , l'Imam al-Shâfi'î aurait retenu cette solution [mais puisqu'il ne l'a pas fait, il n' y a pas lieu de tenir compte du hadith authentique]". Cela, si cet homme est shâfi'ite. S'il est hanafiste, il déclarera : " Abû Hanîfa aurait retenu cette solution." Et ainsi de suite pour ceux qui suivent tous ces imâms : ils prétendent que le hadith et son utilisation sont une source d'erreur, et que ce qui est impératif, c'est de suivre aveuglément l'avis l'avis de ces imâms et leur exemple dans les jugements qu'ils ont rendus.





Dans le cas où ces jugements sont en contradiction avec les traditions d'origine prophétique, ils ont recours aux premiers et laissent de côté les akhbâr, le Livre ou la Sunna. Et quand je leur dis qu'on rapporte que Shâfi'î déclarait : " S'il arrive qu'un hadith soit en contradiction avec mes propos, rejetez mes propos contre le mur et choisissez le hadith, car ma doctrine (madhhabî), c'est le hadith !"; ou encore qu'Abû Hanîfa a déclaré a ses compagnons : " Il est formellement interdit, à quiconque émet une fatwa selon mes dires, de le faire sans connaître ce qui m'a servi de preuve (dalîl)" - or je ne rapporte venant d'Abû Hanîfa qui ne me soit parvenu par le canal des hanafîtes, et rien de Shâfi'î qui ne me soit parvenu par le canal des shâfi'îtes, et de même en ce qui concerne les mâlikites et les hanbalites - lorsqu'il m'arrive, donc, d'acculer ainsi les juristes au cours d'un débat, ils se dérobent sans rien dire. Cela m'est arrivé avec eux plusieurs fois en Occident et en Orient.

En vérité, pas un seul d'entre eux n'appartient véritablement au madhhab auquel il prétend appartenir ! La Loi sacrée a été abrogée par les passions ! Et cela bien que les akhbâr rapportés dans les livres authentiques (les Sahîh de Bukhâri et Muslim), les biographies [des transmetteurs où se trouvent les informations] concernant leur approbation (ta'dîl) ou leur improbation (tajrîh) et les recueils d'isnâd aient été conservés et protégés des altérations et des interpolations !

Mais quand on cesse d'utiliser ces akhbâr et quand les hommes se préoccupent du ra'y et se soumettent aux fatwa de ceux qui les ont précédés alors qu'elles sont en contradiction avec les akhbâr authentiques, alors il n'y a plus de différence entre l'inexistence ou l'existence de ces akhbâr puisqu'ils n'ont plus aucune espèce d'autorité à leurs yeux. Quelle abrogation plus énorme que celle-ci peut-il y avoir ? Et si tu fais une objection à l'un de ces savants, il te répondra que c'est ainsi dans son école (madhhab). Par DIEU, quel menteur ! Le fondateur de ce madhhab lui a dit : " Lorsque le khabar contredit mes propres paroles, adopte le hadith et rejette mes opinions aux latrines. En vérité mon école c'est le hadith." Si cet individu agissait vraiment avec équité, faire partie de l'école de Shâfi'î consisterait pour lui à délaisser les paroles de Shâfi'î au profit du hadith chaque fois qu'elles sont en contradiction avec lui.
Que DIEU les assiste tous !




Source: Al-Futûhâ al-Makkiyâ (Les illuminations de la Mecque) - Ibn'Arabi

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire

vous pouvez me contacter directement par mail elfieraleuse@gmail.com