Médaille offerte au Roi-Soleil par le duc d'Aumont.
Notre étude sur la figure et la fonction d'Hermès-Idrîs telles qu'elles apparaissent dans la tradition islamique a montré que celui-ci assume une fonction polaire - il est le « pôle des esprits humains » - mais aussi solaire, puisque sa demeure est dans le ciel du Soleil. Or il se trouve que cet aspect tantôt polaire, tantôt solaire n'est pas sans relation avec certaines correspondances numériques, et c'est ce que nous souhaiterions nous attacher à développer quelque peu dans ce qui suit.
Comme on le sait, le nombre polaire par excellence est 111(1) . C'est en arabe le nombre du mot qutb (qâf = 100, tâ’ = 9 et bâ’ = 2), dont le sens est précisément celui de pôle (2) . Par ailleurs, par sa structure même ce nombre symbolise immédiatement la présence de l'unité au sein des trois mondes, et donc l'axe polaire qui les traverse. En arabe, c'est la lettre alif qui correspond à l'unité, et précisément le nombre du nom de cette lettre est encore 111 (alif = 1, lâm = 30 et fâ’ = 80). Autrement dit, 111 est le total isopséphique de l'alif.
En outre, nous avons vu que le lieu où Idrîs a été transporté est désigné dans le Coran par l'expression makânan ‘aliyyan(3) . Le mot makân, au nominatif, a lui aussi pour nombre 111 (mîm = 40, kâf = 20, alif = 1 et nûn = 50). Si l'on voulait arguer du fait que le mot est à l'accusatif, lequel est caractérisé par un alif final supportant le tanwin, on pourrait répondre que si l'on désire prendre en compte cette terminaison, c'est alors le mot ‘aliyyan qui aurait pour total 111, puisque ‘aliy a pour total 110 (‘ayn = 70, lâm = 30, yâ’ = 10), de sorte qu'en fait makânan ‘aliyyan pourrait s'écrire 111 + 1 + 111. La confirmation est donc très claire que la demeure d'Idrîs est effectivement mise symboliquement en relation avec le pôle.
Un autre mot arabe a encore pour total 111(4) : c'est le mot nâs (nûn = 50, alif = 1, sîn = 60 selon l'abjad oriental), qui signifie « les gens ». Mais ce qui est très digne de remarque est que la dernière sourate du Coran s'intitule précisément al-nâs ; or, bien que cette sourate soit en effet la dernière selon la « vulgate » d'Othmân, il y a deux observations à faire. La première est que dans la quatrième section des Futûhât, Ibn Arabî commente une à une les sourates du Coran, mais en procédant par ordre inverse ; ce qui signifie qu'en un certain sens tout au moins, cette dernière sourate est aussi la première. La seconde remarque porte sur les sourates qui ouvrent et ferment le Livre sacré : chacun sait que la première sourate, au sens ordinaire du terme cette fois, est la Fâtiha ; celle-ci joue un rôle tellement éminent dans la vie rituelle de l'islam qu'il n'est pas utile de s'appesantir sur ce point ici. Mais les deux dernières sourates ont également un rôle particulier : ce sont les « deux protectrices » qui selon certains commentateurs ont permis au Prophète d'être délivré d'un sort qui avait été jeté sur lui, et il est recommandé de les réciter afin d'éloigner les mauvais esprits. On les appelle al-mu‘awwidhatan, « les deux par lesquelles on prend refuge » (auprès du Seigneur, rabb). La forme même de ce mot en arabe, qui est un duel, indique que ces deux dernières sourates sont considérées comme formant un ensemble. On voit donc que le Coran s'ouvre par une sourate particulière et se ferme par un ensemble de deux sourates qui ont également un caractère spécial à un certain égard. Si maintenant l'on se souvient que le Livre comporte 114 sourates, on voit que l'on peut écrire de manière toute naturelle :
1 Cf. René Guénon : « Un hiéroglyphe du Pôle », ch. XV des Symboles [fondamentaux] de la Science sacrée.
2 De même en hébreu qotev = 111.
3 Une coquille s'est glissée dans le Miroir n°18, p.57. Il faut bien sûr lire ‘aliyyan et non alîman.
4 Ce n’est bien sûr pas le seul ; par exemple, le nom divin Kâfî (Celui qui suffit à tout) a le même total. Cf. à ce sujet E. Doutté : Magie et religion dans l’Afrique du Nord, Alger, 1909, ch. IV.
A.A.
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