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20 juin 2018

Tradition : Le Nord et le Sud selon la géographie sacrée



(Extraits)
Les strates les plus anciennes et les plus originelles de la Tradition affirment la primauté du Nord sur le Sud. La symbolique du Nord est reliée à une source, à un paradis nordique originel, d’où provient toute la civilisation humaine. Les anciens textes iraniens et zoroastriens parlent du pays nordique de l’« Aryanem Vaejo » et de sa capitale « Vara », d’où les anciens Aryens furent chassés par la glaciation, qui leur fut envoyée par Ahriman, Esprit du Mal et adversaire du lumineux Ormudz. L’ancien Veda aussi parle d’un pays nordique comme foyer ancestral des Hindous, d’une Sveta-Dvipa, une Terre Blanche située dans le nord lointain.


Les anciens Grecs parlaient d’Hyperborée, l’île nordique avec sa capitale Thulé. Ce pays était considéré comme la patrie du dieu lumineux Apollon. Et dans de nombreuses autres traditions il est possible de détecter des traces anciennes, souvent oubliées et devenues fragmentaires, d’un symbolisme nordique. L’idée de base traditionnellement liée au Nord est l’idée du Centre, du Pôle Immobile, le point d’Eternité autour duquel le cycle tourne, pas seulement dans l’espace mais aussi dans le temps. Le Nord est la terre où le soleil ne se couche jamais, même la nuit, un espace de lumière éternelle.


Toutes les traditions sacrées honorent le Centre, le Milieu, le point où les contrastes s’apaisent, le lieu symbolique échappant aux lois de l’entropie cosmique. Ce Centre, dont le symbole est le svastika (soulignant à la fois l’immobilité et la constance du Centre, et la mobilité et le caractère changeant de la périphérie), a reçu un nom différent dans chaque tradition, mais il a toujours été directement et indirectement lié au symbolisme du Nord. Il est donc possible de dire que toutes les traditions sacrées sont en essence la projection d’une Unique Tradition Primordiale Nordique adaptée à des conditions historiques différentes. Le Nord est le Point Cardinal choisi par le Logos primordial pour pouvoir se révéler dans l’Histoire, et chacune de ses manifestations ultérieures ne fait que restaurer ce symbolisme primordial du paradis polaire.

La géographie sacrée associe le Nord à l’esprit, à la lumière, à la pureté, à la plénitude, à l’unité, à l’éternité.

Le Sud symbolise quelque chose de directement opposé – la matérialité, l’obscurité, le mélange, la privation, la pluralité, l’immersion dans le flux du temps et du devenir. Même d’un point de vue naturel, dans les régions polaires il y a un seul long Jour semi-annuel, et une seule longue Nuit semi-annuelle. Ce sont le Jour et la Nuit des dieux et des héros, des anges. Même les traditions dégradées se souvenaient de ce Nord cardinal, sacral, spirituel, surnaturel, considérant les régions nordiques comme la demeure des « esprits » et des « forces de l’au-delà ». Dans le Sud, le Jour et la Nuit des dieux sont fragmentés en une quantité de jours humains, le symbolisme originel de l’Hyperborée est perdu, et son souvenir devient un objet de « culture », de « légende ». Le Sud correspond généralement à la culture, c’est-à-dire à cette sphère de l’activité humaine où l’Invisible et le Purement spirituel acquièrent des traits matériels, solidifiés, visibles. Le Sud est le règne de la substance, de la vie, de la biologie et des instincts. Le Sud corrompt la pureté nordique de la Tradition, mais préserve ses vestiges dans des traits matérialisés.


Dans la géographie sacrée, la paire Nord-Sud n’est pas réduite à une opposition abstraite entre le Bien et le Mal. Elle représente plutôt l’opposition à l’Idée Spirituelle, sous une forme grossière, matérielle. Dans les situations normales, quand la primauté du Nord est reconnue par le Sud, entre ces deux parties de la lumière existe une relation harmonieuse – le Nord « spiritualise » le Sud, les messagers nordiques apportent la Tradition aux gens du Sud, posent les fondations des civilisations sacrées. Si le Sud ne reconnaît pas la primauté du Nord, la lutte sacrée, la « guerre des continents » commence, et du point de vue de la Tradition le Sud est responsable de ce conflit, ayant violé les règles sacrées. Dans le Ramayana, par exemple, l’île Lanka au sud est considérée comme la demeure des démons qui ont enlevé Sita, l’épouse de Rama, et déclaré la guerre au Nord continental avec sa capitale Ayodya.

Ainsi il est important de noter que dans la géographie sacrée, l’axe Nord-Sud est plus important que l’axe Est-Ouest. Mais étant le plus important, il correspond aux plus anciennes phases de l’histoire cyclique. La grande guerre du Nord et du Sud, Hyperborée et Gondwana (l’ancien paléo-continent du Sud) se réfèrent à des temps « antédiluviens ». Dans les dernières phases du cycle, il devient plus dissimulé, voilé. Les paléo-continents du Nord et du Sud eux-mêmes disparaissent. Le signe visible de l’opposition est passé à l’Est et à l’Ouest.

Le déplacement de l’axe vertical Nord-Sud à l’axe horizontal Est-Ouest, typique des dernières phases du cycle, préserve néanmoins le lien logique et symbolique entre ces deux paires de la géographie sacrée. La paire Nord-Sud (c’est-à-dire Esprit-Matière, Eternité-Temps) est projetée sur la paire Est-Ouest (c’est-à-dire la Tradition et le Profane, l’Origine et le Déclin). L’Est est la projection horizontale et vers le bas, du Nord. L’Ouest, la projection horizontale et vers le haut, du Sud. D’un tel transfert des significations sacrées on peut aisément obtenir la structure de la vision continentale particulière à la Tradition.


L’homme du Nord

Le Nord sacré définit un type humain particulier, qui peut avoir une forme biologique, raciale, mais qui peut aussi ne pas l’avoir. La substance du « nordicisme » consiste en la capacité de l’homme à élever chaque objet du monde physique, matériel, jusqu’à son archétype, jusqu’à son Idée. Cette qualité n’est pas un simple développement d’origine rationnelle. Inversement, le « pur intellect » cartésien et kantien, par sa nature, n’est pas capable de franchir l’étroite frontière entre le « phénomène » et le « noumène » – mais cette simple capacité se trouve à la base de la pensée « nordique ».

L’homme du Nord n’est pas simplement blanc, « aryen » ou indo-européen par son sang, sa langue et sa culture. L’homme du Nord est un être particulier possédant une intuition directe du Sacré. Pour lui le Cosmos est une texture de symboles, chacun d’entre eux étant tiré hors du secret par l’œil du Principe Primordial spirituel. L’homme du Nord est « l’homme solaire », Sonnenmensch, n’absorbant pas l’énergie, comme le font les trous noirs, mais la générant, diffusant la lumière, la force et la sagesse depuis son flux de création spirituel.

La pure civilisation nordique a disparu avec les anciens Hyperboréens, mais ses messagers ont posé les bases de toutes les traditions actuelles. Cette « race » nordique des Maîtres est à l’origine de la religion et de la culture des peuples de tous les continents et de toutes les couleurs de peau. Des traces d’un culte hyperboréen peuvent être trouvées chez les Indiens d’Amérique du Nord et chez les anciens Slaves, chez les fondateurs de la civilisation chinoise et chez les indigènes du Pacifique, chez les Allemands blonds et chez les chamans noirs d’Afrique de l’Ouest, chez les Aztèques à peau rouge et chez les Mongols aux pommettes saillantes. Il n’y a pas de peuple sur la planète qui ne possède de mythe sur « l’homme solaire », Sonnenmensch. La vraie spiritualité, la pensée supra-rationnelle, le Logos divin, la capacité à voir à travers le monde son me secrète – voilà les qualités particulières du Nord. Partout où sont la Pureté et la Sagesse sacrées, se trouve invisiblement le Nord – quel que soit le point où nous sommes dans le temps ou dans l’espace.


L’homme du Sud

L’homme du Sud, le type gondwanique, est directement opposé au type « nordique ». L’homme du Sud vit dans un cercle d’effets, de manifestations secondaires ; il habite dans le cosmos, qu’il vénère mais ne comprend pas. Il adore l’extériorité, mais non l’intériorité. Il préserve soigneusement des traces de spiritualité, sa mise en forme dans l’environnement matériel, mais n’est pas capable de passer du symbolisant au symbolisé. L’homme du Sud vit par passions et par ruées, il place le psychique au-dessus du spirituel (qu’il ne connaît simplement pas) et adore la Vie comme une autorité supérieure. Le culte de la Grande Mère, de la matière générant la variété des formes, est typique de l’homme du Sud. La civilisation du Sud est une civilisation de la Lune recevant la lumière du Soleil (le Nord), la préservant et la diffusant pendant un certain temps, mais perdant périodiquement le contact avec elle (la nouvelle lune). L’homme du Sud est un Mondmensch [homme lunaire].


Quand les hommes du Sud restent en harmonie avec les hommes du Nord ; c’est-à-dire quand ils reconnaissent leur autorité et leur supériorité typologique (et non raciale !), l’harmonie règne parmi les civilisations. Lorsqu’ils revendiquent la suprématie à cause de leur relation archétypale avec la réalité, alors surgit un type culturel dévié, qui peut être globalement défini par l’adoration des idoles, du fétichisme ou du paganisme (au sens négatif, péjoratif, de ce mot).

De même que les paléo-continents, les purs types « nordique » et « suddéen » existaient seulement dans des temps anciens et reculés. L’homme du Nord et l’homme du Sud s’opposaient l’un à l’autre à l’origine. Plus tard, tous les hommes du Nord pénétrèrent dans les terres du Sud, fondant parfois de brillantes expressions de la civilisation « nordique » – l’ancien Iran, l’ancienne Inde. D’autre part, ceux du Sud allèrent quelquefois loin au Nord, apportant leur type culturel – Finnois, Eskimos, Tchoutches, etc. Progressivement, la clarté originelle du panorama de la géographie sacrée se brouilla.

Mais malgré tout, le dualisme typologique de « l’homme du Nord » et de « l’homme du Sud » fut préservé en tous temps et à toutes époques – mais pas tant comme un conflit externe entre deux civilisations distinctes que comme un conflit interne à l’intérieur du cadre de la même civilisation. Le type du Nord et le type du Sud, depuis un certain moment de l’histoire sacrée, s’opposent partout l’un à l’autre, quel que soit l’endroit concret sur la planète.

A l'issue de ce combat, la flamme de la « résurrection du Nord spirituel », la flamme de l’Hyperborée, transforme la réalité géopolitique. La nouvelle idéologie mondiale est l’idéologie de la Restauration Finale, mettant un point final à l’histoire géopolitique de la civilisation – mais pas le point que voulaient mettre les hérauts mondialistes de la Fin de l’Histoire. La variante matérialiste, athée, anti-sacrée, technocratique, atlantiste, de la Fin, est transformée en un épilogue différent : la Victoire finale de l’Avatar sacré, la venue du Destin Terrible, donnant à ceux qui ont choisi la pauvreté volontaire un règne d’abondance spirituelle, et à ceux qui ont préféré la richesse fondée sur l’assassinat de l’Esprit, la damnation éternelle et les tourments de l’enfer.

Les continents disparus sont tirés des abysses du passé. Les méta-continents invisibles apparaissent dans la réalité. Une Nouvelle Terre et un Nouveau Ciel surgissent.


Notes :Ce texte a paru sous le titre "Ot sakral’noï geografy k geopolitikie" dans la revue « Elementy » N° 4, et en tant que chapitre VII du livre « Mistery Eurazy » (Moscou 1996).

Alexandre Douguine
Version française par Franz Destrebecq

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