Seul Dieu a le pouvoir d’ôter les voiles de vos yeux, et vous ne trouverez pas de réponses ici, à moins qu'Il ne le veuille.

15 juin 2018

Les quatre voies qui mènent au but - Pir-o-Murshid Hazrat Inayat Khan





Il y a une voie que l'on peut appeler la voie de l'intellectuel. Quand un intellectuel s'est élevé au-dessus de son intellectualité, alors on peut dire que c'est une personne intelligente. Car on peut faire une distinction entre un homme intellectuel et un homme intelligent.




L'intellectuel est celui qui a accumulé un fonds de savoir par des impressions, par des études. Il est roi du domaine de son intellect. Ce qu'il a appris et étudié et ce dont il a fait l'expérience, tout cela est comme un livre qu'il possède dans son mental, et c'est là son monde. Sans doute cela le rend-il captif d'un horizon limité de connaissance. Or c'est le fait de s'élever au-dessus de ce savoir que l'on peut appeler intelligence. Mais il n'y a pas de doute que c'est l'homme intellectuel qui est capable d'intelligence. L'intellect est un voile jeté sur l'intelligence et, quand ce voile est retiré, alors une personne devient intelligente.
Intelligent est celui qui perçoit par lui-même, qui apprend et comprend par lui-même, qui reconnaît les choses par lui-même, qui est à la fois élève et maître en lui-même. Une fois que l'homme s'est élevé au-dessus des bornes de sa connaissance limitée, la connaissance supérieure commence à venir vers lui spontanément. Il commence à comprendre plus en un seul instant qu'un intellectuel ne saurait apprendre par la lecture de tous les livres d'une bibliothèque six années durant.



Une fois qu'un être intelligent aura une vision en profondeur sur les lois cachées de la nature, il verra s'ouvrir devant lui une voie qui est la connaissance supérieure. Son raisonnement changera de nature et deviendra la quintessence de la raison. Il ne verra plus les choses par la raison telle qu'il l'a apprise par le monde, mais il commencera à voir la raison de toutes les raisons, cette raison qui est cachée par tout raisonnement ordinaire.



A la question: "Comment devenir intelligent?", on peut répondre que l'homme est né intelligent. Ce n'est qu'après qu'il couvre son intelligence et il tout content de l'appeler l'intellect. Alors on le considère comme un savant et il pense qu'il possède quelques connaissances. Or c'est à ce moment-là que son intelligence devient limitée, et aussi longtemps que son intelligence reste limitée, il ne peut voir plus loin qu'il ne voit. Il y a un temps dans la vie de quelqu'un où il apprend, puis vient le temps où lui-même devient connaissance. C'est à ce moment, où l'âme même devient connaissance, qu'elle commence à avoir un aperçu des lois cachées de la nature. Et cette illumination peut se développer jusqu'à ce qu'il voie clairement et pleinement toute la manifestation dans la lumière de l'intelligence. Dans le Qur'an il est dit: "Dieu est la lumière des cieux et de la terre." Et s'il y a une étincelle de Dieu à trouver dans l'homme, c'est bien dans son intelligence. Il est donc naturel que si cette lumière divine qui est cachée dans l'homme est amenée à s'embraser, une fois allumée, elle éclairera le chemin qui le mène vers la perfection.



La deuxième voie qui mène vers la perfection est la voie de la justice, la voie du devoir, la voie des bonnes actions. Quelqu'un peut ne pas être intelligent, mais il peut être consciencieux envers ce qu'il fait et ce qu'il doit faire afin de toujours employer sa bonne volonté pour faire ce qui est juste. Et en agissant ainsi, il accomplit cette loi de l'harmonie qui élève automatiquement l'âme vers la perfection. On peut très souvent se poser des questions au sujet de ses amis, de ses relations, de ceux qu'on pense être la bonté même, dont les actions sont des actions justes, et pourtant qui ne font jamais montre de tendances religieuses ou d'inclination vers la méditation. Et on pense souvent: "Quel dommage. Vont-ils atteindre la perfection spirituelle?" On peut y répondre en disant qu'il est possible qu'ils atteignent à cette perfection bien avant le chercheur qui en fait tant de cas et pourtant fait si peu. Ils atteindront à cette perfection avant cette personne qui parle trop de choses spirituelles et qui pourtant en sait peu. Ils arriveront plus vite à cette perfection que celui qui s'accroche aux choses extérieures de la religion et de la spiritualité - uniquement par ses actes justes, par ses bonnes actions. Peut-être n'en sait-il rien, mais tout fonctionnera automatiquement par la force des choses, car il prend la voie de la justice, et cela le mènera sûrement à la perfection.



La troisième voie est celle de la discipline. C'est dans cette voie de la discipline que la concentration est nécessaire, ainsi que la méditation et la contemplation. Toutes les formes variées de discipline sont nécessaires pour nous conduire à la réalisation qui est le but final. La voie de la méditation permet à l'homme de connaître les différents plans de la vie. Certes non pas toujours selon l'avis des gens qui classifient disant: "Ce plan-ci ou ce plan-là, ce degré-ci ou ce degré-là." L'expérience authentique de la vie intérieure ne se classifie pas aisément. Par exemple, si quelqu'un demande à une personne méditative: "Y a-t-il sept plans d'existence?", celle-ci dira: "Oui, cela est vrai." Une autre personne dira: "J'ai lu dans la philosophie grecque qu'il y a neuf plans existentiels. Est-ce possible?" - "Certainement". Puis un autre vient lui dire: "Je pense qu'il n'y a que trois plans". Elle répondra: "Certainement, je suis d'accord avec vous." Elle ne le dit pas pour lui plaire, simplement elle est capable de les voir comme cinq, neuf, sept, sous autant de formes que les yeux peuvent voir. Car, véritablement, elle les voit. Pour prendre un exemple, allez voir un débutant en musique et dites-lui: "Combien de notes y a-t-il?" Il vous répondra: "Il y a sept notes et en plus il y a les demi-tons." C'est vrai. Mais un musicien expérimenté qui a peut-être consacré toute sa vie à la musique pour atteindre à la compréhension de la quintessence du son, si vous lui demandez: "N'est-il pas vrai, comme disent les Chinois qu'il y a vingt notes à l'octave?", il dira: "Oui, ce peut être vrai." Mais si vous lui demandez: "Mais les Indiens disent qu'il y a vingt-quatre notes à l'octave", il vous dira: "C'est également vrai. C'est selon votre façon de regarder la chose." Il ne veut pas dire que l'octave a vingt-quatre notes. C'est comme vous l'envisagez, donc vous le voyez de cette façon.



Tout ce que l'homme apprend intellectuellement sur la physique le limite à un savoir livresque. Il n'en retire aucun bénéfice, seulement un intérêt passager par la surprise de savoir qu'il y a tant de plans différents de notre être. Il ne va pas plus loin. S'il veut les voir et savoir ce qu'ils sont, il ne peut les voir. Mais par la voie de la méditation il peut les réaliser, et par cette réalisation il pourra interpréter n'importe quelle philosophie, qu’elle soit bouddhique, hellénique, védantique. Toute philosophie que vous lui présentiez, il saura en donner son interprétation car il le sait grâce à ce qu'il a expérimenté par la méditation.



Sans doute, la voie de l'autodiscipline est une voie difficile. C'est la voie de la maîtrise, c'est la voie du pouvoir, c'est une voie dure et malaisée. Imaginez-vous, si vous deviez pratiquer la discipline qui consiste à rester immobile dans une pose ou posture, comme il est difficile de la garder pendant longtemps. Imaginez-vous, si vous deviez faire le vœu de silence, de jeûne, de rester debout pendant des heures, de marcher pendant une partie de la nuit ou toute la nuit sans dormir, cela n'est pas toujours facile. L'autodiscipline s'apprend pour lutter contre ses propres inclinations. On pourrait se demander: "Ne sont-ce pas des inclinations naturelles? Pourquoi doit-on les combattre?" On peut répondre que l'on ne peut pas savoir quelles sont nos propres inclinations. Toutes les inclinations ici-bas sont empruntées et ce que nous appelons naturel est ce à quoi nous sommes habitués. Le mot "naturel" est un mot que l'on peut étudier pendant des années et des années et l'on finira par trouver qu'il n'y a rien qui puisse être caractérisé comme tel. Il y a des inclinations naturelles pour le plaisir et pour le confort qui se heurtent aux inclinations plus grandes et plus profondes pour un pouvoir et une force plus grands, pour davantage de lumière et de vie. Ainsi les inclinations peuvent se classer sous deux aspects: à savoir les inclinations les plus profondes et les inclinations que nous ressentons dans la vie quotidienne. Elles sont continuellement en conflit. Les inclinations les plus profondes sont parfois minées par les inclinations extérieures. Or, par l'autodiscipline, on apprend à supprimer les inclinations extérieures afin de laisser le champ libre aux inclinations intérieures pour qu'elles fleurissent et s'épanouissent - ce qui à la fin culmine en ce que nous appelons la maîtrise.



La quatrième voie vers la perfection peut être appelée le chemin de la dévotion. Cette voie n'est comparable à aucune autre par sa valeur, par sa profondeur. La raison en est que la dévotion frappe directement l'Esprit de Dieu. Il n'est pas donné à tout le monde de prendre cette voie, car chez certains le cœur est fermé par la qualité de la tête, par l'intellect, et chez d'autres la qualité du coeur prédomine.



Le premier pas sur le chemin de la dévotion enseigne l'effacement de soi. Cela amène l'absence d'égoïsme chez la personne. Et si nous voulions expliquer en quoi consiste la dévotion, c'est accorder le coeur à son diapason naturel - c'est-à-dire la condition de santé optimale chez l'homme quand la dévotion aura fleuri. Seule la dévotion met un écran entre l'homme et son faux ego, que ce soit envers l'être humain ou que ce soit envers Dieu. Si jamais la vérité est visible, c'est dans la dévotion. Le monde du coeur est un monde différent de celui où vit tout le monde. Ses lois sont différentes, ses saisons, son soleil et sa lune sont différents. La nature de ce monde est différente, c'est un monde en lui-même. Par la dévotion, les Cieux sont amenés sur la terre. Et pourtant, n'entend-on pas souvent dire: "Mais n'est-ce pas une dévotion toute simple?" C'est dans la simplicité que se trouve la subtilité la plus grande, car c'est le coeur du dévot qui est liquide comparé à celui des autres qui est cristallisé. Il s'est éveillé à la sympathie, il s'est ouvert à l'appréciation de toute beauté. Krishna dit: "Je suis avec mes dévots." Et par conséquent, si l'on dit: "Où est Dieu? Est-Il au sixième Ciel où est-Il au septième, dans un certain paradis ou un certain palais, là où les gens s'imaginent qu'Il se trouve?" Le paradis ou le palais ou la demeure de Dieu est dans le coeur de son dévot.



Certes, il est difficile pour un homme de s'élever à la dévotion de Dieu. Pour cette raison, les Soufis de toutes les époques ont pratiqué la dévotion graduellement: par sympathie pour leur maître, par dévotion pour leur Seigneur, pour trouver sa culmination dans la dévotion en Dieu. C'est la dévotion qui soulève l'objet de sa dévotion ou de son idéal au plus haut des Cieux. C'est par la dévotion que les pierres ont pu être transformées en dieux.



Quelqu'un demanda à un hindou: "En adorant un dieu fait de pierre, qu'est-ce que vous gagnez? N'est-ce pas un dieu que vous avez fabriqué vous-même?" "En effet", dit l'Hindou, "mes mains ont façonné un dieu dans la roche et ma dévotion lui a insufflé la vie. Si vous croyez à un Dieu sans forme et que vous n'avez pas la dévotion, vous ne l'avez pas encore atteint, il est loin de vous. Tandis que mon dieu est devant moi, votre Dieu est loin de vous.»



Comme il est dit dans la Bible, Dieu est amour. Si Dieu se trouve quelque part, c'est bien dans le coeur humain qu'il faut Le chercher. Et quand peut-on Le trouver? Quand le coeur est éveillé à la sympathie, à l'amour, à la dévotion.


Source: Le coeur l'intelligence et l'intellect

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