Seul Dieu a le pouvoir d’ôter les voiles de vos yeux, et vous ne trouverez pas de réponses ici, à moins qu'Il ne le veuille.

09 juin 2018

TIME AND ETERNITY - A. K. Coomaraswamy + annexes

Cadran solaire à Fez (Mosquée El Qaraouiyyine).



Dans cet ouvrage posthume, notre regretté collaborateur a repris et développé des considérations qu’il avait déjà exposées en partie dans divers articles, mais qu’il y a grand intérêt à trouver ainsi réunies et coordonnées en un ensemble suivi. Il s’est surtout attaché à montrer l’accord unanime des différentes doctrines traditionnelles sur la question des rapports du temps et de l’éternité, à l’aide de nombreuses références tirées, dans autant de chapitres successifs, des doctrines hindoue bouddhique, grecque, islamique et chrétienne ; tout cela est évidemment impossible à résumer, et nous devons nous contenter d’indiquer quelques-unes des principales idées qui s’en dégagent.

Le temps, qui comprend le passé et le futur, est, dans son ensemble, absolument continu, et ce n’est que logiquement et non réellement qu’il peut être divisé en parties ; par cette continuité qui constitue la durée, il contraste avec l’éternité, qui est au contraire l’« instant » intemporel et sans durée, le véritable présent dont aucune expérience temporelle n’est possible. L’éternité se reflète ou s’exprime dans le « maintenant » qui, en tout temps, sépare et unit à la fois le passé et le futur, et même ce « maintenant », en tant qu’il est réellement sans durée, et par conséquent invariable et immuable en dépit de l’illusion de « mouvement » due à une conscience soumise aux conditions de temps et d’espace, ne se distingue pas véritablement de l’éternité elle-même, à laquelle l’ensemble du temps est toujours présent dans la totalité de son extension. 

L’indépendance essentielle et absolue de l’éternité à l’égard du temps et de toute durée, que la plupart des modernes semblent avoir tant de difficulté à concevoir, résout immédiatement toutes les difficultés soulevées au sujet de la Providence et de l’omniscience divine : celles-ci ne se réfèrent pas au passé et au futur comme tels, ce qui n’est que le point de vue contingent et relatif de l’être conditionné par le temps, mais bien à une simultanéité totale, sans division ni succession d’aucune sorte. On peut, à cet égard, comparer le rapport de l’éternité au temps à celui du centre à la circonférence : tous les points de la circonférence et tous les rayons sont toujours visibles simultanément du centre, sans que cette vue interfère en rien avec les mouvements qui se produisent sur la circonférence ou suivant les rayons, et qui ici représenteront respectivement la détermination (enchaînement des événements dans le parcours ordonné de la circonférence) et la libre volonté (mouvement centripète ou centrifuge) avec lesquelles il ne saurait par conséquent y avoir aucun conflit.(*) Une autre conséquence est celle qui concerne la création : Dieu, par là même qu’il n’est pas dans le temps, crée le monde « maintenant » tout aussi bien qu’il l’a créé ou le créera ; l’acte créateur est réellement intemporel, et c’est nous seulement qui le situons à une époque que nous rapportons au passé, ou qui nous le représentons illusoirement sous l’aspect d’une succession d’événements ce qui est essentiellement simultané dans la réalité principielle. Dans le temps, toutes choses se déplacent incessamment, paraissent, changent et disparaissent ; dans l’éternité, au contraire, toutes choses demeurent dans un état de constante immutabilité ; la différence entre les deux est proprement celle du « devenir » et de l’« être ». Le temps lui-même serait d’ailleurs inconcevable sans cet « instant » intemporel qu’est l’éternité, de même que l’espace serait inconcevable sans le point « non-dimensionnel » ; et il est évident que celui des deux termes qui donne à l’autre toute sa signification est aussi le plus réel au vrai sens de ce mot.

Compte rendu de l'édition française (Dervy 1976)
René Guénon, Études sur l’Hindouisme, Comptes rendus de livres.1948

Source : Etudes sur l'hindouisme, page 208.


* Note du blog : Sur ce sujet voir Al-Qâshânî - Traité sur la Prédestination et le libre arbitre (éditions Albouraq, préface de Gérard Leconte.)

Ananda K. Coomaraswamy. Time and Eternity. (Artibus Asiae, Ascona, Suisse)

ANNEXE :

Extrait d'une lettre de René Guénon à Noële Maurice-Denis Boulet (Blois 19 décembre 1918) :

« D’un autre côté, il me semble que, quand vous parlez de métaphysique, vous pensez toujours à la théorie, en la séparant de la réalisation, peut-être parce que vous concevez celle-ci en mode mystique exclusivement. Au contraire, quand je parle de métaphysique, je pense surtout à la réalisation, puisque la théorie n’est qu’une préparation à celle-ci. Vous contestez que cette préparation soit indispensable ; je veux bien qu’elle ne le soit pas forcément pour une réalisation partielle, mais il n’en est plus de même si l’on envisage la possibilité d’une réalisation complète ; il est vrai que vous ne voyez peut-être pas encore très bien ce que j’entends par là, car c’est évidemment difficile à exprimer. »Source : http://www.index-rene-guenon.org.

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« La première chose à faire pour qui veut parvenir véritablement à la connaissance métaphysique, c'est de se placer hors du temps, nous dirions volontiers dans le «non-temps» si une telle expression ne devait pas paraître trop singulière et inusitée. Cette conscience de l'intemporel peut d'ailleurs être atteinte d'une certaine façon, sans doute très incomplète, mais déjà réelle pourtant, bien avant que soit obtenu dans sa plénitude cet «état primordial» dont nous venons de parler. »

(René Guénon - La Métaphysique orientale.)



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