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03 novembre 2018

Saint-Jean d'été et d'hiver -1



Les solstices
Les fêtes des solstices (de “sol” soleil et “stare” s'arrêter) correspondent à la célébration de deux moments privilégiés de la course de l'astre dans le ciel. Fêtes du soleil et de la lumière, elles sont symbolisées de nos jours par les feux nocturnes de la saint Jean d'été et la bûche dans l'âtre aux alentours de la Saint-Jean d'hiver ou de Noël. Ces symboles, aussi riches qu'anciens, sont en étroite relation avec la réalisation de l'être.


Les deux Saint-Jean étaient des fêtes solsticiales traditionnellement associées au dieu romain à deux visages, Janus. Il était à la fois le gardien des deux portes (du latin janua qui signifie littéralement porte) solstitiales en relation avec les deux phases du cycle annuel du soleil et le Maître de l'initiation aux “mystères”:

La Saint-Jean du solstice d'été renvoie à l'initiation aux “petits mystères” produisant un être centré en lui-même et véritablement humain. Les feux extérieurs de la Saint-Jean d'été sont autant de sources de la lumière visible, pâle reflet de la véritable Lumière invisible.

La Saint-Jean du solstice d'hiver fait écho à l'initiation aux “grands mystères” où l'individu a rejoint non seulement son propre centre, mais le Centre du monde. Le feu intérieur de la bûche dans l'âtre symbolise la Lumière supra-individuelle de l'être pleinement accompli ou total.


La coutume d'allumer la bûche avec un tison de la Saint-Jean de l'été précédent témoigne de la subordination de l'état d'être humain à celui d'être total. La lumière visible associée au premier est tout entière comprise dans le spectre de la Lumière invisible relative au second. L'être total n'exclut pas l'être humain, il l'englobe.



Les fêtes solsticiales







Les fêtes solsticiales (autour des 21 juin et 21 décembre) ne reflètent pas le caractère des saisons. Le solstice d'hiver, saison habituellement froide, triste et sombre, inaugure en fait le début de la phase ascendante du soleil dans le ciel vers la lumière. Le solstice d'été, saison d'ordinaire chaude, joyeuse et claire, amorce au contraire la phase descendante de l'astre vers l'obscurité. Les fêtes solsticiales renvoient au symbolisme romain de Janus (de “janua” qui signifie porte), le dieu aux deux visages et, plus tardivement, aux fêtes chrétiennes de la Saint-Jean d'hiver (Jean l'Évangéliste fêté le 27 décembre) et de la Saint-Jean d'été (Jean le Baptiste fêté le 24 juin).

Jean le Baptiste était, avec Jésus, l'un des innombrables maîtres qui pullulaient en Orient en général et en Palestine en particulier. Jean le Baptiste s'est effacé devant la venue du Sauveur comme en témoigne les évangiles: “Il faut qu'il croisse (Jésus né au solstice d'hiver) et que je diminue (Jean le Baptiste né au solstice d'été)” 1, en pleine conformité avec les deux phases ascendante et descendante du soleil.

Janus, le dieu à double visage, regarde à la fois en direction de la phase ascendante et de la phase descendante du soleil. Il est le gardien des portes solsticiales ouvrant sur ces deux phases et le détenteur de deux clés qui sont ses principaux attributs. La clé d'or ouvre ou ferme la voie ascendante vers la lumière ou la connaissance spirituelle; la clé d'argent (ou le sceptre) ouvre ou ferme la voie descendante vers l'obscurité ou l'ignorance (spirituelle). Les clés font de Janus le dieu de l'initiation aux “mystères”:
La porte des hommes, associée au solstice d'été, donne accès aux “petits mystères” qui consistent en une ré-génération psychique complète produisant un individu (“individuum” ou indivisible), c'est-à-dire centré en lui-même et non plus dispersé entre ses différentes tendances. Cette porte ouvre la voie à l'état proprement humain.
La porte des dieux, en relation avec le solstice d'hiver, donne accès aux “grands mystères” qui mènent l'être de l'état humain à l'état supra-humain ou spirituel et identifie le centre de l'individu avec celui de l'être total, résidence de l'Un.

Janus présidait aux “Collegia Fabrorum”, les corporations des métiers du monde antique. Les constructeurs transmettaient leur “Art” uniquement aux disciples dignes de ce nom. Les postulants devaient non seulement posséder les aptitudes pour le travail, mais aussi des qualités propres leur permettant d'être initiés aux “mystères”. De même que les constructeurs rassemblaient des matériaux épars pour réaliser un édifice unique, les postulants devaient également rassembler leurs qualités propres pour devenir un individu.

La tradition antique de l'initiation s'est d'ailleurs transmise au monde chrétien pour se poursuivre au Moyen Âge au travers des corporations de constructeurs et du Compagnonnage (artisans, verriers, tailleurs de pierre, sculpteurs, peintres, charpentiers, menuisiers, forgerons etc.) qui eurent les Deux Saint-Jean pour patrons.



L'initiation au voyage


A l'origine, l'être se réalisait dans la pratique d'un métier conforme à sa nature propre. L'exercice d'une autre activité ne pouvait que porter préjudice à l'être lui-même et à l'organisation sociale dont il faisait partie. Selon la conception traditionnelle, seules les qualités essentielles de l'être étaient susceptibles de déterminer ses fonctions. Dans la conception profane, au contraire, les qualités spécifiques des individus importent peu et ceux-ci deviennent des êtres proprement “dé-naturés”. Ils ne sont plus que des “unités” interchangeables aux yeux d'une société où seule la quantité prime, où tout devient numérique.

Si le métier est une manifestation de la nature propre de l'être, il est aisé de comprendre qu'il puisse servir de base à l'initiation. Toutefois, si la connaissance initiatique est née de l'exercice du métier, ce dernier est devenu à son tour le champ d'application de cette connaissance. La parfaite correspondance entre la nature propre de l'être et le monde extérieur est le seul moyen d'aboutir à la création d'un véritable “chef-d'œuvre”. Une approche fort éloignée de la production contemporaine “en série”, de la plus grande “masse” d'objets semblables destinés au plus grand nombre de consommateurs supposés également semblables. Cette ère nouvelle du triomphe de la quantité et de l'uniformité sur la qualité et l'unité incarne le règne du “progrès” pour tous synonyme de déchéance vers le plus bas des ordres de la manifestation, celui du “combien ?”.

L'initiation (de “initium” ou commencement) marque le début d'un voyage, d'une quête dont l'initié ne connaît pas la fin. Son premier but réside dans l'harmonie de la nature propre de l'être et du Cosmos. Tout comme le Cosmos est divisé en trois mondes (Terre, Atmosphère et Ciel), l'être est associé à trois ordres (physique, âme et Esprit) respectivement reliés aux états de l'être ordinaire, humain et total. Assurer l'harmonie de l'être avec le Cosmos passait par des rites où les symboles de l'Eau et du Feu jouaient un rôle de purification et de ré-génération. Tout particulièrement le Feu au moment des fêtes solsticiales. À l'image du Cosmos, le Feu recouvre également trois états. Le feu ordinaire ou terrestre, le Feu intermédiaire ou l'éclair et le Feu spirituel ou céleste. L'éclair traduit la complémentarité des Feux céleste et terrestre et sert d'étincelle divine au Feu du Ciel.



Symbolisme du feu et de la lumière aux deux Saint-Jean

Les deux symboles du Feu terrestre et céleste se retrouvent dans les coutumes des deux Saint-Jean. La Saint-Jean d'été est une fête populaire se déroulant à l'extérieur et célébrée dans la liesse. La Saint-Jean d'hiver, au contraire, est une fête intérieure commémorée dans l'intimité du foyer.

Le bûcher de la Saint-Jean d'été ne consiste pas en un amas de branchages auquel on met le feu, mais en une construction savante où les morceaux de bois sont empilés les uns sur les autres pour former une pyramide tronquée. L'absence de pointe signifie bien que l'être s'arrête en chemin sur la voie vers le sommet. Les différents niveaux de la pyramide représentent autant d'états intermédiaires consumés l'un après l'autre avant d'atteindre l'état proprement humain.

L'usage de chanter et danser en cercle autour du feu symbolise le mouvement de la “roue cosmique”. Sauter en couple par dessus les flammes ne constitue qu'une façon imagée de rejoindre le “Milieu” et l'état d'être centré en lui-même et véritablement humain.

L'habitude de conserver un tison du feu de la Saint-Jean d'été pour allumer la bûche de la Saint-Jean d'hiver met en évidence la subordination de l'état d'être humain à celui d'être total.



La bûche de la Saint-Jean d'hiver ou de Noël, généralement coupée dans le tronc d'un arbre en été, symbolise l'axe vertical de la pyramide du bûcher de la Saint-Jean d'été. Elle joint en ligne directe la Terre et le Ciel et représente l'état d'être total. Le Feu symbolise ici l'illumination intérieure qui donne accès à la Connaissance authentique. Elle ne produit plus seulement un être centré en lui-même, mais situé au Centre du monde. La bûche qui flambe évoque bien entendu la cheminée, cet autre symbole de l'axe vertical reliant Terre et Ciel ou Axe du Monde.

La coutume consiste à laisser la bûche se consumer jusqu'à extinction pour bien marquer la fin du voyage. À la lumière visible, extérieure du foyer, associée à l'être humain centré en lui-même, fait place la Lumière invisible, intérieure caractérisant l'être qui a rejoint le Centre du monde.


Bibliographie
René Guénon:
“Symboles de la Science sacrée”. Éditions Gallimard 1962;
Notamment le chapitre XXXVIII à propos dditions traditionnelles 1991;
Tout particulièrement, le chapitre XXI sur le “voyage divin” de l'être en voie de libération.
Jean-Marie Pelt:es Deux Saint-Jean.
“L'homme et son devenir selon le Vêdânta”. É
“Fleurs, fêtes et saisons”. Éditions Fayard 1988;
En particulier, le chapitre sur les feux et herbes de la Saint-Jean.

1 - L'Église célèbre la nativité de Jésus (25 décembre), de saint Jean le Baptiste (24 juin) et de la Vierge Marie (8 septembre) et la mort de tous les autres saints.

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