Le symbole de l'Homme Universel
Dans “Le Livre de l'Arbre et des Quatre Oiseaux” Ibn Arabi décrit l'Arbre en tant que symbole de l'Homme Universel, de l'être dans sa totalité et développe quatre principes à la base de sa manifestation. L'Arbre et les principes de sa manifestation concernent aussi bien la Manifestation universelle (macrocosme) que sa modalité individuelle (microcosme) comme le souligne le titre complet: “Épître où il est montré comment la créature retrouve son unité dont la rend témoin son être essentiel et comment elle est mise en présence de l'Arbre humain et des quatre Oiseaux spirituels”. L'ouvrage se présente sous la forme d'un discours où l'Arbre et les quatre Oiseaux exposent leurs symboles respectifs. Il est essentiel de prendre ces symboles dans leur ensemble car ils représentent des aspects inter liés de la manifestation du Divin.
L'Arbre Universel de l'Identité
Représentatif de l'Homme dans sa totalité, l'Arbre s'exprime ainsi:
“Je suis l'arbre universel de la totalité et de l'identité. Mes racines sont profondes et mes branches élevées. La main de l'Un m'a planté dans le jardin de l'éternité aussi suis-je protégé des vicissitudes du Temps.”
L'universalité est transcendantale, au-delà de toute catégorie. La réalisation de l'Identité (Suprême) consiste à unir les éléments épars de l'être individuel en faisant appel à la puissance du Principe divin que chacun de nous porte en soi. En fait, la réalisation ne fait que révéler une union préexistant à l'état virtuel. Il ne s'agit pour l'être individuel que de prendre conscience de la réalité éternelle protégée des vicissitudes du Temps.
“Mes fruits n'ont pas à être cueillis ou défendus.”
Le fruit est un élément fondamental du symbolisme de l'arbre. La graine qu'il renferme évoque l'origine de l'arbre, le Principe de la Manifestation universelle. Le fruit, à la base de Connaissance du Principe divin, n'est pas cueilli, mais recueilli dans le cœur de l'être et il n'est pas défendu car tous les êtres le porte en eux.
“Mes branches s'abaissent et montent perpétuellement.”
La perpétuelle descente et montée des branches traduit le mouvement alterné de la descente du Principe divin, de l'Unité vers sa manifestation et du retour du manifesté vers l'Unité.
“Ma constitution est sphérique telle la voûte céleste.”
Les racines représentent l'aspect non manifesté du Principe, le tronc l'aspect unifié de la manifestation et la frondaison son aspect diversifié. La manifestation parvenue à son terme se traduit par un feuillage qui recouvre entièrement le tronc et les branches. C'est en quittant le feuillage extérieur pour pénétrer à l'intérieur de la frondaison que la réalité se révèle à l'être.
“En mon centre se trouve l'équilibre et l'établissement divin.”
Si nous procédons à une projection de l'arbre vertical sur le plan horizontal, nous observons que toutes ses branches rayonnent également dans toutes les directions à partir du centre, image du Principe dans le plan. Il n'y a pas de direction privilégiée en dehors de la verticalité.
Le centre, équidistant des points diamétralement opposés, symbolise l'équilibre entre les antagonismes. Leur union correspond aux points de l'axe vertical représentant l'Axe du Monde.
“Mon temps est l'instant et ma demeure, l'axe de l'établissement divin sur le Trône.”
L'axe vertical symbolisé par le tronc représente l'ensemble des centres de la multitude des états de l'être, le lieu où les antagonismes disparaissent et où tous les états coexistent dans la parfaite simultanéité de l'éternel présent. Il symbolise le cheminement des influences divines jusqu'au Trône, siège de la Manifestation universelle.
La polarisation fondamentale
La Colombe occupe le premier rang parmi les quatre Oiseaux même si elle est issue de l'Aigle qui représente l'Androgyne primordial. La Colombe est en effet issue de la moitié de l'Aigle qui a donné naissance au premier couple masculin/féminin à l'image d'Adam et Ève. Ce faisant, l'Aigle a perdu l'état d'être unifié pour devenir simplement le partenaire masculin de la féminine Colombe.
L'Aigle est la source dynamique des mouvements alternés entre racines et feuillage, entre Principe et manifestation:
“Si je m'approche, la beauté de Son être m'éblouit; si je m'éloigne, la magnificence de Sa splendeur m'appelle.”
Ces mouvements du Principe vers la manifestation des êtres et de leur retour vers le Principe dans la contemplation de leur origine deviennent effectifs grâce à la Colombe:
“J'éloigne l'éloigné et rapproche le rapproché.”
Les rôles des deux oiseaux sont décrits de façon encore plus explicite dans une autre image du couple fondamental. La surface polie de la Table Gardée (Âme) est illuminée par la réflexion de la lumière qu'elle reçoit du Calame (Intellect). Leur rapprochement produit l'Écriture divine inscrite dans la constitution de l'Arbre Universel.
L'Aigle (Intellect) transmet la Lumière de la Connaissance à la Colombe (Âme), support de la Manifestation universelle. Si l'Aigle est premier du point de vue du Principe, la Colombe est première du point de vue de la manifestation.
Les aspects de la Rigueur de l'Aigle lié à la “dilatation” et à la “contraction” et de la Miséricorde de la Colombe en charge de leur manifestation effective divise les êtres en deux groupes: ceux de gauche du côté de la Colombe et ceux de droite du côté de l'Aigle. Cette dualité se retrouve aussi bien dans l'Arbre Universel que dans l'Arbre Séphirotique.
La dualité est cependant dépassée grâce à l'inclination de l'Aigle pour la Colombe. De leur union naît le Phénix, reflet de l'Androgyne primordial dans le monde substantiel.
La manifestation
La substance universelle est puissance pure qui se situe non seulement au-dessous de notre monde (substantia de sub stare signifie ce qui est en dessous), mais de tous les mondes et de tous les états de la Manifestation universelle. Ce caractère indistinct rend totalement impossible toute signification à son propos:
“Je suis celui qui n'existe pas comme être défini.”
Fils du Phénix et dernier des quatre Oiseaux, le Corbeau symbolise le Corps universel, l'aboutissement de la manifestation sous sa forme physique et matérielle.
“Je suis le second à la course et jamais rattrapé, de même que l'Aigle est premier et jamais dépassé: il est le premier et je suis le dernier; l'intérieur est à lui et l'extérieur à moi.”
Le Corps universel est représenté par le feuillage externe:
“Je suis la forme de la sphère céleste.”
Aux trois dimensions de la sphère correspondent trois catégories d'êtres:
“Ma largeur est la demeure où sont honorés les Saints de Dieu; ma profondeur, celle où sont avilis Ses ennemis; quant à l'axe essentiel de ma hauteur, sur lui se font face, depuis que j'existe, l'éternité sans commencement et l'éternité sans fin.”
Les premiers êtres mentionnés ont rejoint l'état d'être primordial, symbolisé par l'Androgyne, c'est-à-dire centré en lui-même. Les deuxièmes se sont au contraire éloignés de leur propre centre et vivent à la périphérie d'eux-mêmes et du Monde. Les troisièmes ont non seulement réintégré leur propre centre, mais également le Centre du Monde; ils représentent l'Homme Universel et se tiennent sur l'Axe du Monde, symbole de l'éternel Présent.
René Guénon:
“Le Symbolisme de la Croix”. Éditions Guy Trédianel, 1996;
En particulier, le chapitre II sur “L'Homme Universel”.
Muhyiddin ibn Arabi:
“L'Arbre du Monde”. Éditions Les Deux Océans, 1982;
“Le Livre de l'Arbre et des Quatre Oiseaux”. Éditions Les Deux Océans, 1984;
Traduits, commentés et annotés par Denis Gril.
le langage des oiseaux........... <3
RépondreSupprimer