L'Arbre de Vie et l'Arbre de la Science
Par son tronc vertical d'où partent des branches horizontales, par sa double nature à la fois unifiée et duelle, l'arbre soulève une ambigüité que nous retrouvons dans le Jardin d'Eden. Deux arbres s'élèvent, en effet, dans le Jardin: l'Arbre de Vie et l'Arbre de la Science du bien et du mal. La relation entre ces deux arbres reste cependant obscure:
S'agit-il de deux arbres distincts ou d'un arbre unique ? Dans ce dernier cas, l'Arbre de Vie serait-il figuré par un tronc central et la dualité de l'Arbre de la Science par deux troncs latéraux ?
L'Arbre de la Science du bien et du mal pourrait-il se trouver, comme l'Arbre de Vie, au Centre du Jardin ? Le Centre ne symbolise t-il pas le lieu ou plutôt l'état où les oppositions s'équilibrent, se muent en complémentaires et se fondent dans l'Unité ?
Une chose est néanmoins certaine, l'Arbre de Vie réunit tous les aspects opposés à l'état unifié. Il s'ensuit que l'Arbre de la Science est en quelque sorte la manifestation terrestre de l'Arbre de Vie céleste. D'où, la dénomination de Paradis terrestre.
La source de quatre fleuves se trouve au pied de l'Arbre de Vie. Ces quatre fleuves sont orientés selon les points cardinaux et arrosent le monde terrestre. Ils sont associés aux quatre éléments ou états du monde terrestre: eau (nord), feu (sud), air (est) et terre (ouest). Les éléments sont issus d'une source unique, l'éther primordial, également situé au pied de l'Arbre. L'éther symbolise les autres éléments à l'état unifié et se trouve à la base de l'Axe du Monde reliant la Terre et le Ciel.
La source symbolise aussi la “fontaine d'enseignement” de la Tradition primordiale reliée au Centre et les quatre fleuves, sa transmission aux dépositaires de la Tradition. Nous retrouvons ici le lien mentionné à propos de la quête du Saint Graal entre la coupe et la Tradition.
Les branches de l'Arbre de Vie sont porteuses des fruits de la Vie éternelle symbolisant l'état unifié au-delà des antagonismes et associé au Centre du Monde. Il s'agit de l'état où la volonté de l'être et la Volonté divine coïncident, où l'être voit l'unité au-delà de toutes choses et toutes choses dans la parfaite simultanéité de l'Éternel présent.
Ces fruits, produit de l'élévation de la sève de la Terre vers le Ciel, sont au nombre de douze (parfois dix). Ce nombre correspond aux douze stations du Soleil au cours de sa course zodiacale annuelle. C'est pourquoi, ils sont souvent qualifiés de “fruits d'or”.
L'Arbre de Vie, porteur des fruits de la Vie éternelle, est gardé par un serpent. À l'image de l'Arbre, le serpent réunit les antagonismes à l'état unifié. Ses aspects bénéfiques et maléfiques sont bien évidemment à mettre en relation avec l'Arbre de la Science du bien et du mal.
L'accès à l'Arbre de Vie ou à l'Arbre de la Science dépend du degré de spiritualité atteint par les postulants:
Les êtres qui sont parvenus à rejoindre le Centre et l'état unifié pourront goûter aux fruits de l'Arbre de Vie donnant accès à la Vie éternelle, à l'immortalité propre au monde spirituel;
Les êtres qui se sont éloignés du Centre et vivent dans le monde de la dualité ne pourront goûter que les fruits de l'Arbre de la Science. Il leur fera prendre conscience de leur condition d'être ordinaire et de l'unité perdue.
Nous savons quel fruit Adam et Ève ont goûté, mais était-ce bien leur intention ?
Adam et Ève
Dieu plaça le premier être près de l'Arbre de Vie. L'Adam originel symbolisait en conséquence l'Androgyne primordial intégrant les deux cotés masculin et féminin. Il est devenu mâle quand Ève est née de l'un de ses cotés (et non de l'une de ses côtes). L'Androgyne primordial unifié se transforma en un couple masculin/féminin. Leur commune volonté de dissimuler leurs différences sous des feuilles de figuier ne pouvait leurrer personne. Ils avaient beau être issus d'une même chair, ils n'en étaient pas moins homme et femme. Ils s'étaient éloignés du Centre. De nos jours, quand un homme présente son épouse ou sa compagne dans la vie en parlant de sa “moitié”, il n'a sûrement pas conscience d'évoquer la moitié de l'unité perdue qu'il a éperdument tenté de retrouver au cours de la quête de l'âme sœur.
Pour retrouver l'unité perdue, Adam et Ève voulurent goûter en toute innocence au fruit de l'Arbre de Vie. Toutefois, seul le fruit défendu de l'Arbre de la Science leur était désormais accessible (1 -Goûter au fruit défendu ne peut simplement signifier transgression de la Parole divine. La notion de transgression est proprement occidentale pour des raisons aisées à comprendre; elle n'a pas cours en Orient et ne peut s'appliquer à l'ensemble du genre humain et, encore moins, au premier homme sur Terre.. )
Adam prit alors conscience de la double nature de l'Arbre de la Science et devint “connaissant du bien et du mal”. Il découvrit qu'il ne pourrait retrouver le Centre, l'état unifié, l'état primordial qu'après la chute dans le monde de la dualité et le passage par nombre d'épreuves destinées à restaurer l'état originel. En réalité, Adam et Ève n'ont pas eu le choix. Ils ont dû mourir à l'état d'innocence pour renaître à l'état de conscience.
Adam pèche par défaut de discernement, la seule faute que Dieu ne puisse pardonner. Pas de rémission pour l'être peu à même de discerner la vérité d'avec l'erreur. Il ne suffit pas de goûter au fruit de l'Arbre de Vie pour retrouver ipso facto l'état originel. Il faut au préalable réintégrer le Centre après avoir unifié toutes les facettes de l'être et surmonté nombre d'épreuves destinées à nous faire comprendre combien tout est lié. Adam et Ève retrouveront alors l'innocence, mais dans la pleine conscience.
L'Adam originel, l'Androgyne primordial, l'être unifié est associé à l'Arbre de Vie; le couple Adam/Ève, le monde de la dualité est relié à l'Arbre de la Science. Les deux arbres évoquent le Principe et sa manifestation, Dieu et les êtres manifestés. En d'autres termes, ces deux arbres symbolisent la création.
Selon une légende du moyen âge, la croix du Christ fut taillée dans le bois de l'Arbre de la Science. Autrement dit, après avoir été l'instrument de la chute, l'Arbre devint celui de la rédemption. Cela signifie que la dualité peut toujours réintégrer l'unité et l'Arbre de la Science retrouver sa place dans l'Arbre de Vie.
Livre de la Genèse:
René Guénon:
“Symboles de la Science sacrée”. Éditions Gallimard, 1962;
Notamment, le chapitre LIII sur “l'Arbre de Vie et le breuvage d'immortalité”.
“Le Symbolisme de la Croix”. Éditions Guy Trédianel, 1996;
En particulier, le chapitre IX sur “L'Arbre du Milieu”.
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