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Seul Dieu a le pouvoir d’ôter les voiles de vos yeux, et vous ne trouverez pas de réponses ici, à moins qu'Il ne le veuille.
15 janvier 2018
L’Ombre de l’Antéchrist
Les événements survenus à Paris au début de l’année 2015 ont déclenché, sur les sujets qui intéressent nos lecteurs, une avalanche d’inepties et de contre-vérités. Une étape semble avoir été franchie, car l’ignorance du point de vue traditionnel s’est exprimée avec une rare insolence. On nous a rebattu les oreilles avec des questions mal posées (a-t-on le droit de critiquer les religions ?) et des déclarations oiseuses (le délit de blasphème n’est pas inscrit dans le droit pénal français). Au sujet de l’islâm, quels délires ! Certains sont allés jusqu’à affirmer sérieusement « l’urgence de procéder à une traduction œcuménique du Coran pour le rendre conforme à la laïcité et aux libertés » ! Cette inconscience généralisée suscite une gêne et une inquiétude. Il est difficile de ne pas voir dans certains épisodes l’ombre portée de l’Antéchrist. Ainsi ce slogan ambigu (1), repris en chœur à l’échelle planétaire, donnait l’impression d’une sinistre répétition générale, annonciatrice du pire ; ou encore ce spectacle pour le moins indécent donné le soir du 11 janvier quand les plus hautes autorités de l’État, kippa sur la tête, se retrouvèrent à la Grande Synagogue, où figurait en bonne place... un drapeau de l’État sioniste ! (2) Et que dire de la provocation délibérée que fut la publication d’un nouveau numéro de l’hebdomadaire incriminé : elle suscita l’indignation générale (y compris celle du pape, demeuré singulièrement silencieux jusque-là) et parfois aussi une colère populaire bien compréhensible.
Il ne s’agit pas ici pour nous d’intervenir sur des questions politiques, mais de rappeler quelques principes à la lumière de l’enseignement de René Guénon.
Curieusement, son nom a été mentionné au début de la même semaine à l’occasion de la parution de Soumission, le dernier roman de Michel Houellebecq. Cette publication, nouvelle machine de guerre dirigée contre l’islâm, fut le « lever de rideau » du sinistre spectacle qui a suivi. La référence à René Guénon est significative à plusieurs égards. Tout d’abord, Paris est apparu, une nouvelle fois, comme la capitale intellectuelle du monde ; or c’est précisé- ment pour cette raison que dès le début, et tout au long de sa carrière d’écrivain, les écrits de René Guénon ont été publiés dans cette ville. Comment ne pas remarquer aussi l’ignorance généralisée de son œuvre à un moment où elle était seule à même d’offrir les indications et les repères de nature à expliquer la portée des événements qui se déroulaient. Cette conspiration du silence en dit long sur la mauvaise foi de ce qu’il faut bien appeler la clique intellectuelle française, si arrogante et sûre d’elle. Même d’un point de vue « culturel », René Guénon demeure, qu’on le veuille ou non, un des plus grands intellectuels du XXème siècle, édité notamment par Gallimard. Ce n’est pas un auteur marginal, et pourtant on doit bien constater que tout le monde s’agite et pérore comme s’il n’existait pas. S’il avait continué dans la direction apparente indiquée par ses premiers ouvrages, peutêtre n’aurait-il pas connu cette disgrâce ; mais voilà, on sait qu’il est mort musulman et cela n’est pas acceptable pour les Occidentaux. S’ils ne comprennent rien à l’islâm, c’est parce qu’ils ne cherchent pas à le comprendre, par crainte de devoir remettre en cause les dogmes fondateurs du monde moderne et de la politique qu’il mène. Il s’agit bien d’un complot, mais celui-ci ne se réduit pas à quelques intrigues de bas étage. Il s’agit plutôt d’une tromperie insidieuse qui relève de ce que René Guénon appelle la contre-initiation, autrement dit de l’action antéchristique qui manipule les individus à leur insu et qui s’en prend avec une morgue croissante aux principes traditionnels les plus élémentaires. Ce qui est en cause dans le cas présent n’est pas l’injure faite aux représentants de telle ou telle religion, ni le blasphème au sens théologique du terme, mais plutôt l’atteinte portée, plus au moins volontairement, à l’ordre traditionnel en tant que tel, car c’est lui qui était la cible véritable des attaques menées de divers côtés au début de l’année ; mais comme ceci peut sembler étrange ou imaginaire à beaucoup, nous donnerons ici quelques explications puisées aux enseignements de l’ésotérisme islamique.
Le Coran n’est pas seulement le Livre saint de l’islâm ; il s’agit avant tout du Livre universel qui scelle le cycle des révélations faites à l’homme. Il est destiné aux « muttaqîn » (c’est-à-dire à ceux qui ont le souci de préserver la Vérité divine) définis, non comme étant « ceux qui croient en Allâh et en Son envoyé », mais bien comme ceux qui « croient au mystère (al-ghayb) » ainsi qu’à l’ensemble des révélations traditionnelles ; autrement dit qui reconnaissent l’autorité suprême qui gouverne invisiblement notre état d’existence et que René Guénon a décrite dans Le Roi du Monde. C’est là que se situe l’enjeu véritable. Dans cette perspective, le Prophète Muhammad n’apparaît pas uniquement comme le fondateur de la religion islamique, mais avant tout comme le représentant par excellence de cette autorité, à laquelle il s’identifie par ailleurs. Pour mieux faire comprendre à des Occidentaux ce que nous avons en vue, nous ajouterons que la même fonction est représentée dans le christianisme, non pas par le Christ lui-même, mais par la Vierge Marie « médiatrice de toutes les grâces » et « reine des apôtres et des prophètes », ce qui explique notamment le rôle qui est le sien dans l’œuvre de Dante. S’attaquer à cette autorité entraîne une sanction qui relève du droit imprescriptible de Dieu (al-haqq), et non d’une loi extérieure quelconque, fut-elle d’ordre religieux. Ce droit est inhérent à la constitution primordiale de l’homme, telle qu’elle est exprimée dans le verset : « J’ai créé les hommes et les jinns uniquement pour qu’ils M’adorent » (Cor., 51, 56). Toute atteinte portée à ce droit, notamment au moyen du déni, de la dérision et du blasphème est d’une gravité extrême, car elle s’attaque au fondement de notre état d’existence et compromet sa légitimité. Dans le Coran, un verset dit à propos de l’Heure (c’est-à-dire de la fin de notre monde) : « Ceux qui n’y croient pas hâtent sa venue. Ceux qui croient en ont peur et savent qu’elle est (la manifestation) d’al-haqq. Ceux qui doutent de l’Heure ne sont-ils pas dans un égarement extrême ? » (Cor., 42, 18).
Les blasphémateurs sont des inconscients qui jouent avec le feu au risque de provoquer l’incendie.
La gravité de la sanction est à la mesure du danger. Ce n’est pas parce que le monde moderne ignore l’ordre traditionnel et ses normes que ceux-ci n’existent pas ; de même, la méconnaissance d’un danger ne fait pas disparaître sa menace. Telle est la justification d’une sanction dont le sens échappe à la mentalité contemporaine et telle est la raison pour laquelle il convient de parler ici d’action antéchristique. Un autre aspect de cette action se manifeste dans la subversion sioniste, qui est du même ordre et qui ne peut se comprendre qu’à la lumière des mêmes principes. La question sioniste n’a pas été abordée directement dans les écrits de René Guénon, mais c’est lui qui a énoncé les principes qui la condamnent. Le sionisme est antitraditionnel par essence. Sans l’ignorance et l’indifférence de nos contemporains en ce domaine, jamais il n’aurait pu se concevoir et s’implanter. Si aujourd’hui il a pu s’emparer même des meilleurs esprits, y compris ceux qui se présentent comme religieux, c’est parce que l’adhésion à un enseignement dogmatique ne suffit pas pour préserver de l’erreur quand le droit divin (al-haqq) est en cause. Ce droit a été établi et confirmé par les différents prophètes qui se sont succédé tout au long du cycle humain. Chacun d’eux a révélé la loi qui convenait à son temps et à son peuple. Moïse avait communiqué celle qui convenait au peuple juif. Toutefois, les changements cycliques avaient amené le gouvernement providentiel du monde à envoyer un autre prophète, Jésus. Les raisons de cette adaptation du judaïsme sont bien connues : il s’agissait d’alléger un formalisme excessif et de favoriser une ouverture permettant au monothéisme d’acquérir une dimension universelle. Le Coran précise que Jésus avait pour mission de confirmer la loi moïsiaque tout en rendant licite « une part de ce qui avait été interdit aux juifs » (Cor., 3, 50).
Ceux-ci s’opposèrent à la volonté divine et refusèrent de reconnaître la mission du nouvel envoyé. Ce refus fut sanctionné par la destruction du Temple de Jérusalem, la dispersion du peuple juif et l’interdiction qui lui fut faite d’exercer désormais le pouvoir temporel. Les juifs furent autorisés à continuer la pratique de leur religion à la condition expresse de renoncer à toute puissance extérieure, ce qui les conduisit aux ghettos. Un verset coranique déclare : « Si Allâh ne leur avait pas prescrit l’exode, ils auraient été châtiés en ce monde » (Cor., 59, 3). Le sionisme peut être défini comme une volonté unilatérale de mettre fin à cette interdiction, et c’est en cela qu’il est subversif. Le Mur des Lamentations est pourtant toujours là pour en rappeler la permanence et l’actualité. L’islâm, qui définit le régime final de l’humanité dans son ensemble, est directement concerné par cette transgression. Le sionisme méconnaît le droit universel que la tradition islamique représente ; il est anti-islamique par nature. L’islâm « historique » a confirmé la sanction prise à l’égard du judaïsme, mais, dans les circonstances actuelles, il est peut-être utile de rappeler que ce n’est pas lui qui l’a prise. La création de l’État sioniste est une victoire pour le monde moderne et une étape majeure dans le développement de ses desseins subversifs ; mais ce serait une erreur de le considérer comme étant la source de tous les maux. D’une certaine façon, il détourne l’attention de dangers plus insidieux. Quel exploit d’avoir réussi à placer l’ensemble de l’humanité pensante devant des « écrans » de toutes sortes : ordinateurs, télévisions, cinémas et téléphones mobiles ; quel tour de force de l’avoir persuadée que ces moyens sophistiqués étaient de nature à favoriser la connaissance et la transmission du savoir ! L’existence d’un État représente finalement peu de chose face à ces leurres, ces sources d’illusions universellement répandues ; mais il présente l’avantage de constituer un critère de vérité, une pierre de touche qui permet d’évaluer de manière infaillible les doctrines et les politiques contemporaines. À commencer, bien entendu, par les sophismes élaborés par les sionistes eux-mêmes pour justifier leur imposture, ces discours complaisants qui expliquent que les juifs ne font rien d’autre que récupérer une terre « qui leur a été donnée par Dieu », et qu’ils mettent fin à un exil inique qui s’est prolongé pendant près deux millé- naires, ignorant, ou feignant d’ignorer, qu’il s’agit en réalité d’un bannissement. D’autres justifient la légitimité de l’État juif par le fait qu’il a été reconnu par les Nations Unies, comme si cette organisation était le Temple du Saint-Esprit ! Mais il faut bien reconnaître, au risque de déplaire à beaucoup, qu’un « État palestinien », s’il venait un jour à l’existence, serait tout aussi illégitime au regard de la tradition islamique. L’islâm n’a pas vocation à créer des États, et encore moins à favoriser un quelconque sentiment national. La notion d’« État islamique », partout où elle est revendiquée, est une contradiction dans les termes. Seule convient celle d’Empire, à condition que le pouvoir temporel y soit exercé au nom d’une autorité spirituelle, ce qui ne sera réalisable qu’au temps du Mahdî. En aucun cas, contrairement à ce que l’on veut nous faire croire aujourd’hui de divers côtés, un tel pouvoir ne pourrait être le fruit d’une politique partisane quelconque. Il faut y insister, car sur ce point les caricatures (non pas visibles, mais mentales, ce qui est pire) abondent. On déplore que l’islâm ne soit pas représenté par une « structure » extérieure hiérarchisée comme dans l’Église catholique, mais c’est là une posture hypocrite et incohérente, car une telle représentation ne serait possible que par la restauration d’un califat véritable qui, pour être légitime, devrait nécessairement être proclamé à La Mekke ; mais cela, l’Occident moderne n’en veut à aucun prix car il sait fort bien qu’il s’exposerait ainsi, et avec lui la subversion sioniste, au plus redoutable des périls. Ces considérations ne sont pas étrangères aux circonstances qui ont amené l’Église catholique à reconnaître l’État sioniste. En 1993, les Palestiniens tombèrent dans le piège des Accords d’Oslo. Ils commirent la faute de reconnaître « Israël » dans l’espoir que celui-ci les reconnaîtrait à son tour. C’était ignorer que les sionistes considèrent que l’existence et la légitimité de leur État découlent d’un droit divin : ils ne donnent jamais rien en échange. Toute négociation a pour effet de mettre leurs interlocuteurs à leur merci. Chaque fois que les principes sont perdus de vue et que l’on cède à des questions d’opportunité, les sionistes en tirent avantage. Les Palestiniens en firent l’amère expérience, et la papauté à leur suite. Celle-ci prit prétexte de ces Accords pour commettre l’irréparable en légitimant à son tour la subversion sioniste, mais sa faute fut incomparablement plus grave. Du côté palestinien, les négociateurs ne représentaient rien d’autre qu’un parti politique ; l’islâm n’était ni impliqué ni compromis en aucune manière. Du côté catholique, il s’agissait du Saint-Siège qui est la plus haute autorité spirituelle en Occident et, depuis la fin de l’empire chinois, la plus ancienne institution traditionnelle subsistant en ce monde. On pourrait difficilement imaginer pire prévarication. Les errements du pape actuel ont achevé de compromettre l’autorité pontificale pour ce qui concerne le gouvernement de l’Église : tel jour il dépose une gerbe sur la tombe du fondateur du sionisme, ce à quoi aucune considération d’opportunité diplomatique ne l’obligeait ; tel autre, il a le toupet de morigéner les musulmans en leur demandant de dénoncer le pseudo-État islamique d’Irak, car « ce n’est pas le véritable islâm », tout en se gardant bien de demander aux juifs de s’opposer à l’État sioniste, comme si celui-ci repré- sentait le judaïsme véritable ! Tel autre encore, il découvre qu’il existe un « terrorisme d’État » et le condamne de telle façon qu’à Tel Aviv on se sent visé ! Que signifient cette inconscience et ces improvisations (3), sinon qu’il n’y a plus à Rome aucune autorité proprement pontificale ; et ceci appelle quelques explications. L’Église catholique est romaine et c’est à la tradition romaine que fait référence la qualité de Pontifex Maximus. Depuis des décennies, tout a été fait pour affaiblir celle-ci. Sous prétexte que le pape devrait être avant tout un pasteur, on a voulu réduire sa fonction à celle d’un « évêque de Rome ». Rappelons donc que, même si des exceptions sont possibles, il revient naturellement à un latin d’exercer l’autorité pontificale. Aujourd’hui, l’exception est devenue la règle. Après deux papes étrangers à la latinité (un polonais, puis un bavarois), on a fait appel à un sud-américain, jésuite de surcroît, pour remplir une fonction à laquelle il n’était pas préparé. « François » est le premier pape auquel aucune devise ne correspond dans la prophétie dite de saint Malachie. Les rares éléments qui rattachaient le Saint-Siège à la Tradition universelle ont été abandonnés : le « pouvoir des clés » n’est plus exercé depuis longtemps et le port de la tiare a été délaissé (4). Seul subsiste le pallium, qui évoque la déesse polaire Pallas-Athéna et la tradition pythagoricienne dont relevait la Rome antique. Ces renonciations successives ont privé la fonction pontificale de sa substance. Dépourvu de toute direction spirituelle, l’Occident est livré à lui-même, exposé à tous les dangers. Au sujet du sionisme, rappelons une nouvelle fois qu’il est vain et contradictoire de s’opposer nommément à l’« État d’Israël ». Le saint nom d’Israël est l’essence de la spiritualité judaïque ; il signifie : « Que Dieu règne ! Qu’il se montre fort ! ». Combattre l’État d’Israël revient donc à valider la profanation dont le peuple juif s’est rendu coupable en utilisant ce nom, à déclarer que cet État est l’objet d’une bénédiction divine, et finalement à le renforcer. La seule attitude conforme à la vérité et au droit consiste à refuser de le reconnaître, quel que soit le prix à payer pour ce déni. La faction palestinienne qui est demeurée fidèle à l’islâm est un peuple martyrisé à cause de sa foi. Sa résistance courageuse n’est pas vaine, car c’est elle qui aura le dernier mot. Une des pires impostures est celle qui assimile l’antisionisme à l’antisémitisme. Que des dirigeants sionistes opèrent cet amalgame n’a rien de surprenant car ils y trouvent leur intérêt. Mais que dire quand, dans un pays censé être laïque et « neutre » en matière de religion, un ministre de l’Intérieur, chargé des cultes, commet publiquement cet abus, sinon qu’il s’agit de sa part d’une déclaration anti-islamique. Le pire est qu’elle ne suscite ni gêne ni protestation, tant la perte des repères traditionnels les plus élémentaires est devenue générale. Ici encore, la vérité est à l’antipode de ce qui est affirmé avec arrogance. Le sionisme est le pire antisémitisme qui soit, car il conduira inéluctablement le peuple juif à sa perte. Il faut être bien aveugle pour ne pas voir que sa dispersion comporte en réalité une miséricorde. En cherchant à se rassembler à nouveau sur sa terre d’origine il renonce à la protection inhérente à la sanction dont il a fait l’objet et s’expose aux regards de tous. Contraint d’ériger un mur, il s’enferme dans un nouveau ghetto et commence à réaliser qu’il a créé lui-même un piège dont il ne pourra plus s’échapper. Dans La Profanation d’Israël, nous dénoncions l’ambition profonde du sionisme en ces termes : « L’État juif est un État apparemment laïque utilisé par la contre-initiation pour l’accomplissement de ses desseins : une contrefaçon de la théocratie judaïque et une restauration sacrilège de la souveraineté spirituelle et temporelle du peuple juif. » (5) Cette interprétation a été contestée et imputée à notre imagination. Elle nous semble pourtant confirmée par ce qui se passe aujourd’hui à Jérusalem où, sous la pression des rabbins dit « ultra-orthodoxes » (alors qu’ils sont les plus éloignés de toute orthodoxie), l’accélération du processus antitraditionnel est constante, notamment pour ce qui concerne la question de la reconstruction du Temple. À cet égard, le dernier numéro de La Règle d’Abraham, retient l’attention. La revue se limite désormais à une seule livraison par an, à laquelle s’ajoutent occasionnellement des cahiers hors-série. Le numéro 36, annoncé pour décembre 2014, n’a finalement été publié qu’en février 2015. Un numéro hors-série avait paru auparavant en septembre sous le titre Swâmî Karpâtrî Présence de l’hindouisme traditionnel. On constate que le périodique a changé de format, d’imprimeur (6), mais aussi, de façon plus subtile et plus inquiétante, d’orientation. Dans le numéro, on ne trouve aucune trace, ni de Michel Vâlsan (cela va de soi), ni de René Guénon, ni même d’Ibn Arabî. Peut-être cette dernière absence est-elle provisoire, mais il est permis de regretter qu’à l’étude de M. Giraud parue dans les numéros 29, 32 et 35 (7) on ait préféré celle de M. Pisani (8) qui est dépourvue de tout intérêt doctrinal. En revanche, il est abondamment question du judaïsme, avec un accent marqué sur la reconstitution du Tabernacle et la restauration du Temple, évoquées tout d’abord dans l’article de M. Yehuda Moraly : Les mystères du Tabernacle, ou Reconstruire le Paradis (9), puis dans l’Étude critique où M. David Taillades rend compte d’une étude de Mme Tessa Morrison sur Isaac Newton. Cette nouvelle orientation est si nette que l’on est en droit de s’interroger sur les intentions réelles de M. Patrick Geay. Dans le numéro 137 de Vers la Tradition, M. Marc Férel, qui s’inté- resse de près à La Règle d’Abraham, avait déjà noté une tendance à exagérer l’« influence juive » (10), notamment de la kabbale. Quelle sera sa réaction devant ce nouveau numéro qui va dans le sens de ses inquiétudes ? Quant à nous, nous nous bornerons à rappeler que c’est M. Geay, et lui seul, qui considère la question sioniste comme faisant partie ce qu’il a appelé « le fond des choses » (11). Plus étrange encore est ce passage qui figure dans la Postface qu’il a rédigée pour le numéro sur Swâmî Karpâtrî : « Hormis l’exemple proprement exceptionnel de Guénon qui eut justement la mission spirituelle de dévoiler l’origine unique des formes traditionnelles, très peu de maîtres eurent la vision intérieure de cette unité... ». Sur ce point, René Guénon n’a fait que reprendre l’enseignement du Coran et de l’islâm qui proclament ouvertement la doctrine de l’« origine unique » et la rendent accessible à tous. M. Geay aurait-il changé au point de méconnaître ce privilège de la tradition islamique ? Triste fin pour un jeune homme que ses qualifications intellectuelles prédisposaient à un meilleur avenir. A. R. Y. (7) Comme il fallait s’y attendre sa traduction du Livre.
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