Seul Dieu a le pouvoir d’ôter les voiles de vos yeux, et vous ne trouverez pas de réponses ici, à moins qu'Il ne le veuille.

23 décembre 2018

Noël






Le temps présent
Les fêtes de Noël et de l'Épiphanie constituent les événements les plus importants de la tradition chrétienne durant l'hiver. Leur célébration à des dates précises s'accompagne de nombreuses coutumes dont les origines se perdent dans la nuit des temps. Retrouver quelques unes de leurs traces et leur sens profond constitue le thème de cet article.

Les deux fêtes de Noël et de l'Épiphanie se situent également de part et d'autre du 31 décembre, moment de transition entre l'ancienne et la nouvelle année. Elles évoquent naturellement Janus, le dieu romain à double visage du passage d'une année à l'autre, d'un cycle à l'autre, d'un état à l'autre et le moment privilégié de ce changement:





Changement cosmique en relation avec les solstices quand le soleil passe de la descente vers l'obscurité à l'ascension vers la lumière et inversement.
Changement individuel au cours des trois naissances du développement de l'être associées à trois mondes (physique, psychique ou de l'âme et spirituel).

Cette référence à Janus a laissé son empreinte dans les coutumes attachées aux deux célébrations:
Noël, fête de la naissance de l'être de lumière, avec l'illumination de l'arbre et la flambée de la bûche.
Épiphanie, fête de la reconnaissance du Roi des trois mondes figurée par l'adoration des trois Rois-mages, l'offre de présents et la galette des rois.

La faculté de vivre pleinement le présent est le plus beau des cadeaux. Vivre le présent ouvre le regard sur toutes les merveilles de la vie


Au-delà de cette re-naissance cependant, ces deux fêtes célèbrent avant tout le “Maître de l'éternel présent” et l'Un, source de la manifestation de tous les mondes. Vivre le présent où la succession temporelle se mue en simultanéité, atteindre l'unité des trois états de l'être (physique, psychique, spirituel) revient à rejoindre l'être dans sa globalité. Véritable don du Ciel à tous les êtres manifestés, le présent constitue le seul authentique cadeau de Noël caché en chacun de nous.



Le choix des dates

La fête de la Nativité a oblitéré celle de Mithra, le dieu sauveur d'anciennes religions mystérieuses d'origine persane. Qualifié de Soleil invaincu (“Sol invictus”), il est né un 25 décembre, jour de la célébration de la re-naissance du Soleil (“Natalis Solis”) après le solstice d'hiver. Le solstice d'hiver correspond, en effet, à la fin de la phase descendante du soleil vers le pôle sud céleste et au début de sa phase ascendante en direction du pôle nord céleste. Ou, plus prosaïquement, le solstice d'hiver marque la fin du déclin des jours et le début de l'accroissement de leur durée. Autrement dit, le solstice d'hiver et sa célébration symbolisent la fin de la descente vers les ténèbres, synonymes d'ignorance, et le début de la remontée vers la Lumière, la Connaissance claire.

La vénération de Mithra passa de la Perse à Rome, puis en Gaule avant de s'étendre à tout le bassin méditerranéen où elle porta ombrage à la chrétienté naissante. Aussi, lorsque le christianisme devint une religion officielle de l'Empire au IVe siècle, la date du 25 décembre fut retenue en Occident pour célébrer la naissance de Jésus. En fait, la célébration de la Nativité a lieu au cours de la messe de Noël, c'est-à-dire le 24 décembre à minuit pour bien marquer, dans le cycle journalier, le passage entre fin de la descente dans les ténèbres de la nuit et le début de la remontée vers la lumière du jour.

Après la refonte du calendrier du pape Grégoire XIII, les chrétiens orthodoxes d'Orient continuèrent à utiliser le calendrier Julien pour la fixation des dates des fêtes religieuses. En conséquence, Noël est toujours célébré dans ces pays le 25 décembre du calendrier Julien qui correspond aujourd'hui au 7 janvier du calendrier Grégorien. Il n'en a pas été toujours ainsi. Au XIXe siècle, par exemple, la Noël orthodoxe coïncidait avec la fête de l'Épiphanie (“epiphania” ou apparition) de l'église romaine qui a lieu le 6 janvier du calendrier Grégorien. Une fête d'une grande importance, surtout en Orient, qui consacre l'Adoration des Rois-mages.

La dénomination de janvier (“januarius”), mois par lequel s'ouvre l'année, provient du nom du dieu romain Janus (de “janua” qui signifie porte). En tant que dieu du passage d'une année à l'autre, d'un cycle à l'autre et, plus généralement, d'un état à un autre, il est habituellement représenté par un visage à double face dont l'une regarde vers le passé et l'autre vers l'avenir. Cependant, entre le passé qui n'est plus et le futur qui n'est point encore, il n'y a de place que pour l'imperceptible présent. Un présent au-delà de l'ordre temporel, où la succession se mue en simultanéité, où toute chose rejoint l'impérissable, l'éternité. Aussi, le vrai visage de Janus, celui de l'éternel présent, est-il invisible. “Maître du triple temps”, Janus est avant tout le “Seigneur de l'éternité”. De même, le Christ est le commencement et fin (du temps: “Je suis l'alpha et l'oméga, le Principe et la fin”), mais surtout le “Maître de l'éternel”.

Janus, le gardien des portes du cycle annuel, est représenté avec deux clés, ses principaux attributs. Ces portes ne sont autres que les portes solsticiales qui donnent accès aux deux phases du soleil. La clé d'or ouvre ou ferme la voie ascendante vers la lumière ou la connaissance spirituelle, la clé d'argent (ou le sceptre) ouvre ou ferme la voie descendante vers l'obscurité ou l'ignorance (spirituelle). Pour davantage de détails, voir les fêtes des deux Saint-Jean.

Les deux faces sont coiffées d'une unique couronne qui renvoie non seulement au “Maître du triple temps”, mais aussi au Roi des trois mondes associés à trois naissances: physique de l'être ordinaire, psychique de l'être proprement humain (clé d'argent) et spirituelle de l'être totalement accompli (clé d'or). Ces trois mondes (physique ou corporel, psychique ou de l'âme, spirituel ou de l'Esprit) sont autant d'états dont l'achèvement conduit l'être à la pleine réalisation. Les deux dernières naissances correspondent à l'initiation aux “mystères” en relation avec les solstices. Les “petits mystères” associés au solstice d'été donnent accès à l'état d'être humain et les “grands mystères” liés au solstice d'hiver aboutissent à la réalisation de l'être total.

Dans la tradition chrétienne, les deux clés d'argent et d'or sont respectivement celles du “Paradis terrestre” et du “Paradis céleste”. La tiare à trois couronnes ainsi que les deux clés d'or et d'argent figurant sur le drapeau du Vatican constituent d'ailleurs des emblèmes du Souverain Pontife qui évoquent clairement le symbolisme de Janus.

La tradition des rites de passage trouve un écho dans l'église catholique, particulièrement en ce qui concerne la fixation des dates des fêtes de Noël (25 décembre) et de l'Épiphanie (6 janvier). En effet, les 12 jours qui séparent les deux célébrations renvoient, en condensé, au cycle annuel de 12 mois et au gardien des portes se tenant exactement au milieu de cette période (31 décembre à minuit), d'où il peut voir simultanément et également l'ancienne et la nouvelle année.

En tant que Dieu du passage de l'obscurité à la Clarté et “Maître des trois mondes” (physique, psychique et spirituel), Janus subsiste en toile de fond derrière les deux fêtes de Noël et de l'Épiphanie et les usages qui leur sont attachés. La tradition janusienne trouve, en effet, comme un écho dans les coutumes de l'arbre et de la bûche de Noël d'une part et de l'offre de présents et de la galette des rois d'autre part.

Les bougies de l'arbre au feuillage persistant et la bûche déposée dans l'âtre ne sont, en principe, allumées qu'à minuit et constituent bien évidemment des symboles de lumière en relation avec le solstice d'hiver.


L'arbre et la bûche de Noël



L'arbre de Noël



A un moment où d'ordinaire la nature est en repos avant de re-naître au printemps, l'arbre toujours vert symbolise une autre nature, la nature spirituelle constamment présente, au-delà du cycle des saisons ou des cycles de mort et de re-naissance des êtres dans différents états. À cet égard, il évoque l'arbre de Vie de nombreuses traditions, notamment nordique, dont les racines de la Terre sont reliées aux branches du Ciel par l'intermédiaire d'un tronc commun. Le tronc symbolise “l'Axe du Monde” qui unit tous les états de l'être, toutes les voies multiples empruntées pour relier la Terre et le Ciel. Les nombreuses branches constellées de bougies représentent autant d'états, de degrés à parcourir en cheminant le long des guirlandes avant d'atteindre la cime. L'étoile surmontant la crête de l'arbre n'est rien d'autre que l'état ou le degré ultime que symbolise le pôle nord céleste ou l'étoile polaire dans l'hémisphère Nord. Ce pôle immobile, autour duquel tournent apparemment les astres du monde cosmique, dépeint le Principe immuable d'où tout provient et où tout retourne: “l'alpha et l'oméga, le Principe et la fin”. D'ailleurs, lorsque nous nous déplaçons autour de l'arbre, l'illumination des bougies n'évoque t-elle pas le scintillement des étoiles de la voûte céleste tournoyant autour de l'étoile polaire ?
Une ancienne coutume scandinave voulait qu'un sapin, ou plus exactement un épicéa, soit suspendu la tête en bas à l'intérieur de la maison. Cette image renversée de la vision courante de l'arbre correspond symboliquement à un point de vue cosmique ou terrestre où l'individu perçoit ses véritables racines dans le Ciel. En effet, la manifestation de l'être résulte de la descente de l'influence céleste ou de l'Esprit au sein du corps ou du monde terrestre. Retrouver ses racines spirituelles consiste à remonter la pente depuis ses racines terrestres jusqu'au sommet de l'arbre et, par conséquent, à provoquer un renversement de point de vue. Ce redressement de l'arbre est à l'image du retournement du mouvement du soleil au passage du solstice d'hiver. L'être découvre alors la vision supra-cosmique ou céleste où l'arbre est dressé du pied à la tête et où l'étoile trouve sa vraie place au firmament. Le point de vue cosmique ou terrestre est en quelque sorte le reflet du point de vue supra-cosmique ou céleste dans le miroir des eaux séparant les deux mondes.

La coutume de l'arbre de Noël trouve vraisemblablement son origine dans les pays scandinaves et, plus récemment, en Allemagne. Elle pénétra ensuite en Alsace et en Lorraine avant de s'étendre à toute la France. Son adoption par les britanniques tient au fait que la Reine Victoria a épousé un prince allemand épris de nostalgie à l'approche des fêtes de fin d'année.



La bûche de Noël
Tronçon d'un arbre coupé en été pour être brûlé en hiver, la bûche de Noël est un symbole igné source de lumière et chaleur. Il ne s'agit nullement de la lumière extérieure qui n'éclaire que les apparences, mais d'une lumière intérieure qui guide l'être vers les états supérieurs, vers le sommet de l'arbre, ultime réalité. Une lumière qui trouve sa source dans le cœur dont la chaleur autorise un accès direct à la connaissance spirituelle ou divine. Une connaissance au-delà de la pensée discursive, uniquement source de lumière sans chaleur.

La bûche de Noël est indéniablement un symbole en relation avec les deux solstices comme en témoigne une coutume d'origine celtique. La bûche était allumée avec un tison provenant du feu de la Saint-Jean de l'été précédent. Cette coutume fait référence aux rites initiatiques de la tradition janusienne. En effet, avant d'atteindre l'état d'illumination ou supra-humain figuré par l'être au centre du (des) monde(s), il est nécessaire d'avoir tout d'abord atteint l'état humain de l'être centré en lui-même. Un état qui servira d'étincelle divine pour allumer la bûche et permettre l'accès à l'état véritablement divin ou spirituel.

La re-connaissance de la descente du Christ sur Terre est symbolisée par la venue des Rois-mages popularisée par la coutume de l'offre de présents et le partage de la galette dont le sens est depuis longtemps oublié.


René Guénon:
“Symboles de la Science sacrée”. Éditions Gallimard 1962


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