L'une des devises alchimiques les plus connues est la suivante : LEGE LEGE RELEGE ORA LABORA ET INVENIES, en français, selon ma traduction : Lis, lis, relis, prie pour être éclairé, mets en œuvre ce que tu as reçu, et tu pénètreras à l'intérieur. Traduction classique : lis, lis, relis, prie, travaille et tu trouveras.
Une autre dit : Brûle tes livres !
Comment comprendre cette apparente opposition ?
Comment lire les livres qu'on a brûlés ?
C'est assez simple : d'abord, il faut lire. Et relire. Une fois, deux fois, cent fois, si nécessaire. Parce que d'abord, c'est la curiosité qui lit. Puis face à l'incompréhension, la nécessité de faire face au manque et au vertige.
Et le temps passe, et les événements s'enchaînent, et parfois une image revient, et colle à ce que l'on vit, jusqu'à ce qu'on se dise : et si je reprenais tout ça ?
Dans reprendre, il y a : RE. Comme dans RE-lire.
Ce n'est plus en puceau que je lis, mais fort de mon expérience, de mon vécu. Alors, quand je relis, je relie. Et peu à peu, l'expérience et ce que je lis s'imbriquent et m'amènent ensemble à une évidence : tout est lié, et relié.
Qui lie et relie, sinon un Esprit commun à toutes choses ?
Ne brûle pas encore tes livres, car sans doute, seras tu amené à les lire et relire encore. Mais ton coeur défaillant devant l'évidence trouvera le chemin de la prière, de la reconnaissance de l'Autre Majuscule, et de la Connaissance.
Cela nettoie le cœur.
Orare, en latin, c'est prier, travailler avec la bouche, os. Arare, c'est travailler la terre, cette racine AR qu'on retrouve tant dans l'earth anglais que dans l'eretz hébreu, la terre rocailleuse, improductive.
Quelle est la terre que l'on travaille avec la bouche, sinon le corps, le ventre, le cœur ?
Tant de choses passent par elle, souffle, nourriture, paroles sérieuses et futiles, cris de douleur, supplications, mensonges, accusations, prières et imprécations et chants d'amour ...
Un coeur vide des boues qui l'encombraient découvre alors le courage, ou désir d'action du cœur. Que serait un cœur qui ne saurait qu'engranger les satisfactions et les jouissances, sans jamais rendre ce qu'il reçoit ?
C'est le moment où on pourrait brûler les livres, parce que ce qu'ils contiennent, face à l'expérience directe n'est plus alors que paille.
Je ne le ferai pas, parce que l'auto da fé est une des plus horribles choses qui soient. Brûler un livre est comme brûler celui qui l'a écrit, brûler sa candeur et sa sincérité, sa générosité et son désir de donner ses certitudes, renoncer à le dépasser et à le remercier de nous avoir amené au point de ses limitations, et peut-être de ses erreurs, ce serait comme sacrifier ceux qui nous ont portés sur leurs épaules jusqu'au point où nous pourrions découvrir notre propre voie.
La formule alchimique est brutale, parce que l'attachement du disciple est fort. Brûle tes livres signifie : saute du nid, et vole par tes propres moyens, de tes propres ailes.
Cesse de chercher, laisse toi juste trouver. Trouver Juste.
A ce stade, alors, le cœur s'éveille, et sort sur la place publique, armé d'amour, comme chante Nougaro.
C'est là le travail du chevalier, de combattre les faux chevaliers, cuirassés du vermeil de l'orgueil, violeurs et collectionneurs de pucelles, et de s'enquérir des grandes et petites vérités du monde, de délivrer les prisonniers, et de rendre leur dignité à ceux qui sont abaissés.
Alors, te viendra le dernier fruit qu'on puisse récolter sur cette terre : la compassion, qui renverse toutes les barrières qu'a élevées l'atomisation du monde qu'on appelle aussi : chute, exil, séparation, retrait, tsim tsoum, expir de Brahma.
La compassion, que saint Paul nommait lui, charité, est le point de départ du Retour, de l'inspir de Brahma, la réintégration, l'harmonisation des contraires, l'union du Roi et de la Reine.
Vieux Jade
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