La prédominance de l’élément « air » fait apparaître les jinns comme des esprits. Leur forme primordiale est d’essence spirituelle (rûhânî). Comme les anges, ils peuvent revêtir toutes les formes sensibles qu’ils désirent. La présence de cet élément rend certains d’entre eux plus proches des anges que des hommes, mais elle est aussi la cause de leur instabilité, comparable à celle des formes engendrées par l’imagination. C’est cela qui les sépare aussi bien des humains, dont la stabilité extérieure est assurée par l’élément « terre », que des anges qui sont constants dans leur adoration et leur obéissance à Dieu : « Ceux qui sont auprès de ton Seigneur célèbrent Sa transcendance de nuit comme de jour, sans se lasser » (Cor., 42, 38).
Si l’ « eau » est l’agent de fécondation chez les hommes, c’est par l’ « air » que sont fécondées les femmes-jinns lors d’unions décrites comme l’interpénétration de tourbillons de vapeurs ou de fumées. Par ailleurs, quand on considère le processus de production des éléments, l’air occupe une position « neutre », c’est-à-dire antérieure à la différenciation du feu (dont le symbolisme est masculin) et de l’eau (dont le symbolisme est féminin), ce qui permet de comprendre la raison pour laquelle, à la différence des hommes, les jinns sont hermaphrodites, tout au moins dans leur constitution primordiale. C’est là un autre aspect e leur caractère « intermédiaire » (barzakhî).
Si le pouvoir de l’eau est plus puissant que celui du feu, le pouvoir de l’air est plus puissant que celui de l’eau, ce qui amène Ibn Arabî à déclarer : « Si l’air qui fait partie de la constitution des jinns n’était pas embrasé par le feu, les jinns seraient plus forts que les fils d’Adam ». A ce point de vue, la division tripartite entre les anges, les jinns et les hommes est exprimée par lui d’une façon plus spécifique : « Les anges sont des esprits insufflés dans des lumières ; les jinns sont des esprits insufflés dans des vents et les hommes sont des esprits insufflés dans des dormes corporelles (ashbâh) ». La mention des vents est significative, car les vents manifestent les mouvements de l’air suivant les huit directions fondamentales indiquées dans le symbolisme hermétique de la « rose des vents ». Ils représentent le « monde intermédiaire » entre les états supérieurs de l’être et la manifestation corporelle ou « grossière ». René Guénon précise à ce propos que Vâyu, qui désigne l’élément « air » dans les doctrines hindoues, « est manifestement en relation immédiate avec le domaine psychique ou la manifestation subtile ». (1) Le monde intermédiaire est le domaine des jinns, êtres subtils situés entre le Ciel et la Terre, entre la condition masculine et la condition féminine.
(1) Cf. L’Octogone, chap. XLII des Symboles fondamentaux de la Science Sacrée.
Le symbole géométrique du monde intermédiaire est l’octogone. Le nombre huit, qui lui correspond, joue un rôle fondamental aussi bien dans l’Egypte ancienne que dans les traditions ésotériques qui en sont issues, notamment celle du Wagadu. La fonction intermédiaire des jinns reflète celle qui, en métaphysique akbarienne, est dévolue au « barzakh suprême » (al-barzakh al-a’lâ). C’est pourquoi la Demeure spirituelle (manzil) qui, dans les Futûhât, correspond à la sourate « Les jinns » (1) traite de ce degré intiatique que le Cheikh appelle aussi : « barzakh ak-barâzîkh » (le barzakh des barzakhs). Nous y reviendrons plus loin (2).
(1) C’est le chapitre 312.
(2) Cf. infra, la section 16.
Charles-André Gilis – Aperçus sur la doctrine akbarienne des jinns, « La Rose des vents », pp. 45-47
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