Seul Dieu a le pouvoir d’ôter les voiles de vos yeux, et vous ne trouverez pas de réponses ici, à moins qu'Il ne le veuille.

14 juillet 2020

Les maladies de l’âme et leurs remèdes selon les écrits des soufis-2-

2- LE SOUFISME


2.1– ORIGINE ET DÉVELOPPEMENTS

A défaut de pouvoir traiter d'un sujet que nous ne saurions définir, nous nous proposons de donner plusieurs éclairages, sous différents angles, de cet océan spiritual qu'est le soufisme, ou plus exactement de ce qui nous en est accessible [13].

Il est de tradition de commencer tout exposé historique sur le soufisme par une présentation étymologique du terme arabe sûfî qui désigne l'adepte. Nous n'allons pas énumérer ici les diverses argumentations, mais disons que l'on peut établir de manière vraisemblable – sans pour autant être décisive – la parenté du terme sûfî avec le terme qui désigne " la laine. Cette" la laine. Cette parenté est généralement expliquée par le fait que les premiers soufis auraient porté une robe de laine pour se caractériser. La généralité de ce fait est loin d'être établie, bien au contraire, et il semble bien que la parenté étymologique réfère plutôt à un lien d'ordre sémantique, lien que le port du vêtement a pu venir parfois manifester symboliquement. En effet, si le soufi est apparenté à la laine, c'est en raison des idées de consécration et de pauvreté spirituelles, de sacrifice et de pureté, qui sont associées. C'est d'ailleurs dans un même champ sémantique que s'inscrivent les autres étymologies évoquées: du grec sophos, le sage; du verbe arabe sûfiya signifiant il a été purifié; du terme ahl-suffa désignant quelques compagnons du Prophète qui résidaient dans la mosquée et vivaient dans le dénuement; ou encore du nom des Banû sûfa, cette caste ou lignage sacerdotal antéislamique – plutôt que tribu – dont les membres portaient un toupet de laine en signe de leur consécration au service de la Ka'ba, etc.

يقول الله تعالى في كتابه العزيز : ﴿ يوم لا ينفع مال و لا بنون إلا من أتى الله بقلب سليم ﴾ سوﺮﺓ اﻟﺸﻌﺮاﺀ اﻵﻴﺘﺎﻦ 88 و 89

DIEU dit: "Le jour où ni les biens, ni les enfants ne seront d’aucune utilité, sauf celui qui vient à Allah avec un cœur sain" (Coran Sourate 26; verset: 88,89).

Abu ‘Abdullah an Nu’man le fils de Bachir (qu’Allah les agrée tous deux) rapporte qu’il a entendu l’Envoyé de DIEU (qu’Allah prie sur lui et le salue) dire : "…Eh bien ! Il y a dans le corps un morceau de chair qui, s’il est sain, rend tout le corps sain ; mais s’il est corrompu, tout le corps devient corrompu. Eh bien ! Il s’agit du cœur.", Hadith rapporté par Al Bukhârî et Muslim.

Ces quelques paroles des maîtres du soufisme expriment bien l’impossibilité où nous sommes d’enfermer cet aspect spiritual-de l’Islam dans une définition qui en marquerait les limites. Comment cerner, en effet, une réalité spirituelle qui intègre aussi bien les plus simples manifestations de la piété que la plus haute réalisation de la sainteté ? Comment cerner une spiritualité qui, alors qu’on s’attendait à en trouver la fin dans les plus subtils enseignements de ses sages, refuse de se refermer en un système et maintient en permanence une ouverture sur l’Infini et l’Inexprimable ?

Le qadi Cheikh al Islam Zakaria Al Ansari a dit : "Le soufisme est la science par laquelle on connaît les états de la purification des âmes, et la pureté des caractères (qualités), et par laquelle s’enrichissent l’extérieur et l’intérieur pour parvenir à la béatitude (félicité) éternelle".

Le Cheikh Zarrûq a dit : "le soufisme est la science qui vise la pureté des cœurs (c’est à dire à rendre les cœurs sains) et le fait de les dépouiller de tout ce qui n’est pas DIEU. Le fiqh est la réforme des actes et la préservation de l’ordre (droiture) et l’expression de la sagesse des principes de la loi (al-Ahkam). Les Usûl sont la science de l’unicité divine par la réalisation effective des preuves, et par l’ornementation (la parure) de la foi par la conviction comme la médecine préserve la santé du corps, ou de la grammaire préserve la langue etc."

L’imam des deux groupes Al-Junayd a dit : "Le soufisme est la mise en pratique (en acte) de toutes les qualités nobles"

Et encore : "Le soufisme est entièrement caractères nobles. Celui qui te dépasse en bons caractères te dépasse en soufisme."

Abou AL Hassan Shâdhilî a dit : "Le soufisme c’est exercer l’âme à accomplir les actes de la servitude, et la faire revenir (la soumettre) aux statuts de la Seigneurie."

Ibn ‘Ajiba a dit : "Le soufisme est la science qui enseigne la manière de cheminer (marche initiatique) vers la présence du Roi des rois, la purification de la souillure, et la parure (revêtement) de toutes sortes de qualités vertueuses ; en premier lieu il est science, ensuite bonnes actions et en dernier lieu c’est un don."

"C’est la science par laquelle on connaît de quelle manière les gens parfaits se sont élevés des aspects (natures) humains vers les degrés de félicité divine."

Et il a ajouté : "La science du Tassawwûf n’est connu que de celui qui est éveillé dans la vérité, et celui qui n’en est pas témoin ne peut la connaître ; et comment un aveugle peut-il témoigner de la lumière du soleil !"

Dans ses qawa’id at-Tassawûf, le Cheikh Zarrûq a dit : "Les définitions explicatives du soufisme sont nombreuses ; mais toutes reviennent à une seule : la véracité (la sincérité) de l’orientation vers Allah."

Ce qu’en dit Chaykh Abû Sa'ïd [14] :

On demande au Cheikh : Qui est le soufi ? Il répondit : Le soufi est celui qui, en tout ce qu’il fait, agit pour plaire à DIEU ; et par conséquent tout ce que fait DIEU lui plaît. (p. 294)

Le Cheikh a dit : Sept cents Maîtres du soufisme ont parlé sur le soufisme. Le premier en a dit la même chose que le dernier. Les phrases ont été diverses, mais l’idée est restée la même : le soufisme est l’abandon du superflu. Il n y a rien de plus superflu que ton moi, car en t’occupant de ton moi, tu t’éloignes de DIEU. (p. 301)

Le Cheikh a dit : Partout où existe l’illusion de ton moi, c’est l’Enfer ; partout où ton moi n’est pas, c’est le paradis.

Le Cheikh a dit : Le voile entre DIEU et Sa créature n’est ni le cial-ni la terre, c’est une illusion de toi même et c’est ton moi qui constitue ce voile. Enlève ce voile et tu parviendras à DIEU. (p. 291)

Le Cheikh a dit : Si tu désires que le Vrai existe en ton cœur, purifie ton cœur de tout ce qui est autre que DIEU. En effet, le roi n’entre pas dans une maison emplie de racaille et de populace ; il n’entre que dans une demeure évacuée où il n y aura que lui même et où tu n’auras pas accès auprès de lui. Comme on dit : Sors d’ici ! C’est ma demeure.

Le Cheikh a dit : Le soufisme est la volonté de DIEU (agissant) dans l’homme, sans l’intermédiaire de l’homme. (p. 298)

Notre Cheikh a dit : Le soufisme est un mot, mais lorsqu’il parvient à la perfection il n y reste que DIEU. Cela veut dire que lorsque le soufisme atteint la perfection, il n y a plus que DIEU et tout ce qui est en dehors de DIEU n’existe plus. (p. 290)

On demanda à notre Cheikh : Qu’est le soufisme ? Il répondit : Ce soufisme n’est qu’impiété On demanda : Mais pourquoi Cheikh ? Il répondit : Parce que le soufisme consiste à renoncer à tout autre que lui ; or, il n y a pas autre que Lui. (p. 245)

Si l'on excepte l'adjectif de relation désignant les membres des Banû sûfa, la plus ancienne attestation du terme sûfî date de la fin du IIe/VIIIe s. où on le trouve appliqué au fameux alchimiste Jâbir b. Hayyân, disciple de Ja'far al-Sâdiq, le 6e Imam du shiisme. C'est à dire que les interrogations sur l'étymologie du terme sont étroitement liées à la question de l'origine du fait : d'où vient le soufisme, et y eut il un soufisme avant que cette dénomination n'existe ?

2.1.1- Le soufisme avant la lettre (Ie/VIIe s.-IIe/VIIIe s.)

Une sentence fameuse parmi les soufis dès le Ve/XIe s. affirme que le tasawwuf est aujourd'hui un nom sans réalité, alors que c'était jadis une réalité sans nom.

Par delà l'exagération d'une telle formule, un fait demeure : on ne saurait rien comprendre au soufisme si l'on ne considère pas qu'il relève d'abord de l'Islam. C'est là une chose établie, le soufisme, al-tasawwuf, est une voie spirituelle islamique, et plus précisément ésotérique et initiatique. C'est une voie ésotérique parce qu'elle s'ordonne autour d'une doctrine selon laquelle toute réalité comporte un aspect extérieur apparent – ou exotérique, zâhir – et un aspect intérieur caché – ou ésotérique, bâtin ; et le soufisme se présente lui-même comme l'aspect intérieur et ésotérique de l'Islam. C'est une voie initiatique parce que le disciple, après avoir reçu l'initiation, aspire à réaliser sous la conduite d'un Cheikh, d'un Maître spirituel, des états de conscience toujours plus intérieurs, jusqu'à l'extinction de sa propre conscience en DIEU.

Cependant, dans une tradition telle que l'Islam, qui se veut totalité et qui engage l'être dans tous ses aspects, la spiritualité ne signifiera pas retraite vers le sacré, mais l'intégration du sacré dans tous les plans de l'existence. C'est ainsi que le soufisme sera riche de dimensions scientifiques et artistiques, et qu'il jouera, par ailleurs, sur la scène de l'histoire, un rôle social, économique et politique souvent fort important.

Pour ces raisons, nous aborderons le soufisme en tant que réalité isolée et partie intégrante de l'Islam. Nous n'entendons pas par là y reconnaître un aspect de l'universelle aspiration de l'homme à l'absolu, aspiration nourrie ici de la méditation des sources islamiques : le Coran d'abord, puis la vie et les dires du Prophète et de ceux qui se sont conformés à son exemple et à son enseignement.

Bien sûr, on ne saurait dire que le Prophète fut un mystique, quelle que soit l'acceptation du terme retenue, de même qu'on ne saurait le dire soufi, si nous entendons par là la pratique du soufisme ; mais qui pourrait affirmer qu'il ne fut pas un 'ârif bi-Allah, un connaissant de DIEU/par DIEU, terme qui désigne chez les soufis l'adepte par excellence, établi dans le suprême degré de la réalisation spirituelle, et donc modèle parfait du tasawwuf? Et pour ne pas se laisser obnubiler par les vicissitudes de l'histoire, on peut songer à ce propos à la spiritualité d'un Émir 'Abd el-Kader, récemment révélée à tous ceux qui n'avaient de lui que l'image d'un sabreur magnanime.

Parmi ceux que le soufisme revendique ensuite comme ancêtres, figurent en premier lieu certains des plus grands Compagnons du Prophète, considérés comme les précurseurs directs des ascètes des deux premiers siècles de l'Hégire (VIIe-VIIIe s. après J.C.). Selon une perspective typiquement islamique, l'attitude de renoncement dans le monde (al-zuhd fî-l-dunyâ) qui les caractérise consiste, non pas à retirer sa main du monde, mais à en vider son cœur. Là encore, il s'agit donc moins de mystiques vivant en rupture radicale avec le monde que de musulmans intégrés dans la société et menant une vie de consécration dans la crainte de DIEU (makhafa) et l'observance scrupuleuse de la Loi.

De ces précurseurs, le soufisme postérieur retiendra donc surtout des figures relativement incontestées dont certaines deviendront particulièrement célèbres jusqu'à nos jours, tels Hasan al-Basrî (m. 110/728) considéré comme le patriarche des soufis et Râbi'a al-'Adawiyya (m. 185/801), cette femme qui proclama son amour (mahabba) passionné pour DIEU et refusa obstinément de se marier. L'hagiographie rapporte aussi, déjà, la geste des Maîtres d'une école du Khorasan, cette région septentrionale de l'Iran d'où sortiront tant de grands noms, mais à cette époque l'implantation est encore pour beaucoup proche orientale. C'est à Kouffa, alors colonie militaire en Irak et centre shiite actif, qu'un groupe – qui eut 'Abdak (m.v. /825) pour dernier Maître, fut le premier à être désigné collectivement par le qualificatif de soufi.

Ce groupe sera pourtant laissé dans l'ombre par l'hagiographie, peut être du fait de ses liens avec le shiisme.

Nous ne pouvons qu'évoquer cette importante et délicate question des relations du soufisme, non pas avec le shiisme tel qu'il se formalisera ultérieurement, mais avec ses Imams, et en particulier Ja'far al-Sâdiq (m. 148/765). Ce dernier dont nous venons de dire que c'est un de ses disciples qui a, pour la première fois, porté le nom de soufi, a vécu une période de transition cruciale dans l'histoire de l'Islam : le renversement de la dynastie omeyyade et le passage du pouvoir aux 'Abbassides dont l'établissement sera concrétisé par la fondation de Bagdad trois ans après la mort d'al-Sâdiq. Un changement politico-religieux s'opère alors, qui n'est, peut être pas sans rapport avec l'apparition du terme soufi. Le Calife omeyade, en effet, soucieux de souveraineté temporelle, s'arrangeait assez facilement d'un Imam se contentant de dispenser un enseignement spiritual-sans se dresser contre son autorité (imâm qâ'id vs imâm qâ'im). Le Calife 'abbasside, par contre, se présente comme investi d'une autorité spirituelle incontestable et exclusive : de ce fait, les Imams de la descendance d'al-Sâdiq ne pourront plus prêcher ni enseigner sans être inquiétés, sauf en se dissimulant ainsi que le fera la branche ismaïlienne.

C'est donc au moment où le contact direct avec la conduite spirituelle par un Imam devient pratiquement impossible que des Maîtres, puis des écoles, sont pour la première fois qualifiés par le terme sûfî, les premiers à l'être étant précisément en rapport avec l'un de ces Imams : qui plus est, le 8e Imam 'Ali al-Ridâ (m. 202/818), le seul qui connaîtra un exceptionnel-répit, sera aussi le dernier des Imams à apparaître dans des chaînes de transmission initiatiques (silsila-sftn1515 [15]).

Or même si l'on conteste l'authenticité de ces silsila-s, il n'en reste pas moins qu'elles manifesteraient alors la volonté d'une référence à huit figures qui sont également huit Imams du shiisme. Par ailleurs, l'hagiographie soufi nous présente al-Ridâ comme maître de Ma'rûf al-Karkhî (m. 200/815) qui passe pour avoir été le premier à enseigner l'ésotérisme [16] de la doctrine de l'unité (Tawhîd) à Bagdad.

2.1.2- De l'apparition à l'intégration (IIIe/IXe s.-V/XIe s.)

C'est en effet dans les métropoles de l'Irak, creuset intellectuel-et carrefour d'influences diverses, qu'apparaît au IIIe/IXe s. le soufisme historique, avec l'école issue de Ma'rûf al-Karkhî et illustrée par la figure de Junayd (m. 297/910), école qui prône la sobriété (sahw) et le respect de la discipline du secret (taqiyya, kitmân) dans l'enseignement ésotérique. Cependant, les soufis se rencontrent très tôt un peu partout dans le monde islamique où Maîtres et disciples circulent et forment des groupes tenant cercles dans les mosquées ou à domicile. Le Khorasan tend, dès la fin du IIIe/IXe s. à devenir une région de forte implantation du tasawwuf qui s'y combine avec des mouvements locaux – tels le karramisme – ou les supplante. C'est là que prend naissance, en réaction contre un certain soufisme devenu trop ostentatoire, le courant des gens du blâme, les malâmâtiyya [17], qui se caractérisent par une spiritualité dépouillée vécue sans se séparer du monde et de ses règles, et même sans s'y distinguer extérieurement. A ce courant est liée la futuwwa, véritable chevalerie spirituelle, axée donc sur une spiritualité de l'action, qui deviendra le cadre des initiations de métier. Mais bien qu'attachées en leur principe à une spiritualité discrète intégrant le sacré à tous les plans de l'existence, deux voies donneront paradoxalement lieu à maintes manifestations d'anticonformisme et de fronde qui sont sans doute, au moins en partie, responsables de la vive hostilité que rencontrent alors les soufis chez les autorités politiques et religieuses. Toutefois, cette animosité est aussi, et surtout, due à deux autres causes indépendantes, l'une principielle, l'autre historique.

D'abord, la réalisation spirituelle est, de par sa nature même, une expérience intime et incommunicable, la seule manière de l'exprimer étant de recourir à un langage inaccessible à tous ceux qui lui sont étrangers ; il n'est donc pas étonnant qu'elle ne parvienne à susciter chez ces derniers que de l'incompréhension, source de méfiance et d'hostilité. Qui plus est, il peut arriver que le soufi, sous l'emprise de l'extase ou de l'ivresse mystique, profère des Shatahât (sing. Shath), des paroles comportant de véritables outrances théologiques, tel le fameux subhânî ! Gloire à Moi du Khurassanien Abû Yazîd al-Bistamî (m. 261/875).

Par ailleurs, la fin du IIIe/IXe s. voit la montée de courants shiites à la fois ésotériques, initiatiques et politiques : un état qarmate s'installe dans la péninsule arabique, qui prendra La Mecque en 317/930, tandis que les Ismaïliens préparent la révolte qui donnera naissance à la dynastie fâtimide. Les soufis, souvent mal considérés par ces mouvements qui voient en eux des concurrents idéologiques, se heurtent simultanément à ceux qui les prennent au contraire pour des agents propagandistes de ces courants subversifs. C'est dans ce contexte embrouillé de luttes politiques et de troubles sociaux qu'il faut replacer la crise qui culmina avec le procès et l'exécution du célèbre al-Hallaj (m. 309/922). L'affaire eut un retentissement considérable, non pas à cause de la fin tragique d'al-Hallaj – qui n'était pas en soi exceptionnelle depuis les premières persécutions sous le règne d'al-Mu'tamid (256-279/870-893) – mais du fait du rayonnement de ce saint qui avait fréquenté la plupart des Maîtres importants et parcouru une grande partie du monde islamique, jusqu'en Inde, prêchant le soufisme sans attention pour la discipline du secret. En fait, c'est ce caractère public et populaire de sa prédication, ainsi que l'accusation d'avoir partie liée avec les mouvements shiites mentionnés, qui entraînèrent le verdict des juges, bien plus que son célèbre Shath : Anâ-l-Haq ! Je suis le Vrai !

Les soufis se maintiendront désormais dans une attitude de prudente réserve et s'efforcent d'obtenir un statut de composante reconnue du sunnisme, intégrée tout en gardant certaines spécificités. L'IVe/Xe s. connaîtra bien des Maîtres dans la continuité de ceux de l'IIIe/IXe s. Mais l'époque est avant tout à l'aménagement : réservant les propos de haute spiritualité à ceux qui sont préparés à les entendre, les soufis rédigent, en arabe, plusieurs traités destinés, d'une part à exposer les bases de la Voie à des cercles plus larges de musulmans soucieux d'intériorité spirituelle, et d'autre part à prouver leur légitimité traditionnelle, ce qui à l'époque veut dire surtout se montrer en accord avec les thèses de la théologie ascharite qui prend son essor.

Ce travail d'éclaircissement, de classification et d'explications apaisantes se poursuit au Ve/Xe s. qui voit aussi l'apparition des premiers historiens et hagiographes du tasawwuf. Finalement, un soufisme modéré, toujours caractérisé par le rejet des extrémismes sectaires et des attitudes excentriques – comme celles de certains malâmâtiyya – par l'harmonie entre la Voie spirituelle et la Loi, par l'adoption des seules méthodes et pratiques éprouvées, et par son exigence de purification morale, se voit toléré, voire reconnu par les représentants officiels de l'Islam.

Adopté par la dynastie turque des Seldjoukides qui domine alors l'Est islamique, le soufisme se répand à sa suite dans l'ensemble du Proche-Orient. Peu à peu, il gagne le monde islamique dans son entier et pénètre toutes les couches de la société, avec un succès peut être plus grand en Orient où, dès le milieu du Ve/XIe s, se multiplient les écrits soufis en langue persane. Enfin l'insertion doctrinale définitive du soufisme dans le sunnisme se fera grâce à l'œuvre magistrale du célèbre Abû Hamid al-Ghazâlî (m. 505/1111). Originaire de Khorasan, ce grand théologien ascharite, proche de la cour seldjoukide, enseigne à Bagdad dans une des plus anciennes et des plus prestigieuses universités islamiques. Au faîte de la gloire et de la renommée, il vit une importante crise spirituelle qui l'amène à approfondir la voie du soufisme, seule voie qu'il considérera finalement comme complète après avoir étudié, puis écarté les voies des théologiens, des philosophes hellénisants (falâsifa) et des ésotéristes ismaïliens (bâtiniyya, ta'llmiyya). Il préparera également les esprits à accepter plus largement des méthodes spirituelles utilisant la musique et la danse (samâ', raqs), ou des épiphénomènes – visions (ru'ya-s) et miracles (karâmât) – qui accompagnent fréquemment la réalisation spirituelle. Quant à son frère cadet, Ahmad Ghazâlî, qui ne fut pas sans influence sur son orientation, il est, lui, la première grande figure d'un aspect particulier du soufisme qui se développe au Khorasan et plus largement en Iran dès les débuts de cette période charnière que constituent les VIe/XIIe s. et VIIe/XIIIe s.

La civilisation islamique vit pendant ces deux siècles une des phases les plus critiques de son histoire, la seconde correspondant à l'ère coloniale. Elle se voit pour la première fois menacée et perdra même de sa puissance temporelle. Rappelons quelques faits : en 492/1099, les premiers croisés prennent Jérusalem tandis que les Normands achèvent la reconquête de " la Sicile. L'Andals" la Sicile. L'Andalûs, l'Espagne musulmane dont la reconquista a déjà commencé, bénéficie encore d'un répit jusqu'en 609/1212 où commence pour les musulmans une retraite qui ne laissera subsister de leur présence sur le sol ibérique que l'enclave du royaume de Grenade. A l'est, s'avancent les Mongols qui conquièrent les provinces iraniennes avant de prendre Bagdad en 656/1258 : la limite de leur empire viendra imprimer dans le monde islamique une coupure dont les effets, pour atténués qu'ils soient, demeurent encore sensibles.

Dans cet Orient iranien, une école du Khorasân – qu'on ne peut qu'avec beaucoup de réserves dénommer soufisme persan – prend son essor avec Ahmad Ghazâlî (m. 531/1126). On peut caractériser sommairement cette école en disant que les questions spirituelles y sont traitées, en persan, sous une forme poétique ou narrative relativement affranchie de toute expression théologique, philosophique ou, plus généralement, logique. Elle atteindra l'un de ses sommets avec Jalal-Ed-Dîn Rûmî (m. 672/1273), aussi connu sous le nom de Mawlâna, notre Maître. Originaire du Khorasân, puis établi en Anatolie, Rûmî est célèbre à deux titres : d'abord comme source de la tarîqa mawlawiyya fameuse pour ses derviches tourneurs qui suivent la voie choisie par leur Maître, la voie de la musique et de la danse ; ensuite comme auteur d'un immense et superbe poème mathnawî, centré sur les thèmes coraniques, poème si admiré qu'il suffit de la désigner comme le Mathnawî.

Une autre est l'école Ishrâqî qui voit le jour en cette même époque et qui illustre bien les difficultés où nous sommes parfois, de trancher nettement entre le soufisme proprement dit et d'autres voies spirituelles. Son fondateur, Shihâb u-Dîn Yahyâ Suhrawardi, qui mourra exécuté sur ordre de Saladin en 587/1191, est à proprement parler un théosophe, autrement dit un philosophe pour qui la Sagesse ne saurait être que divine et un spiritual-pour qui la voie ne saurait être qu'une gnose, une connaissance libératrice. Il fut donc l'initiateur d'une théosophie illuminatrice où il voulait conjoindre, dans le cadre de la tradition soufi – sans pourtant qu'on le sache affilier à quelque silsila – l'angéologie des Sages de l'ancienne Perse, la philosophie mystique d'Avicenne (m. 428/1073) et, par delà ce dernier, la philosophie des anciens Sages grecs, au premier rang desquels viennent les Platoniciens. Et jusqu'à nos jours encore, en Iran et en Inde surtout, d'éminents spirituels déclareront leur appartenance à cette tradition Ishrâqî.

En Irak, siège du califat 'abbaside qui vit ses dernières années, le soufisme vit aussi une profonde mutation. Celle-ci se caractérise par la naissance des premières tarîqa-s ou organisations initiatiques dotées d'une règle et d'une méthode propre : deux d'entre elles, la Qâdiriyya et la Rifâ'iyya, apparaissent dès le VIe/XIIe s. Cette mutation se manifeste également par la multiplication de bâtiments spéciaux appelés ribât-s qui seront progressivement réservés aux soufis pour leurs réunions et séances rituelles (par la suite, on désignera ces établissements par l'arabe zawiya). Il semble en fait que le Calife al-Nâsir (587-622/1180-1225) a joué un rôle d'importance dans cette mutation. Personnalité exceptionnelle, il aspirait à une restructuration de l'Islam intégrant shiites et sunnites dans le cadre de la futuwwa réformée en une organisation qui ne manque de rappeler l'institution chevaleresque et les compagnonnages de métier de notre Moyen-âge. Encore faut-il, derrière la personne du souverain 'abbaside, discerner l'influence de celui qui fut son conseiller spiritual-: Abû Hafs Shihâb al-Dîn 'Umar Suhrawardî (m. 631/1234) qui fut à l'origine de la tariqa portant ce nom et qu'il faut bien distinguer de son homonyme précédemment cité.

Il apparaît alors que la mutation vécue par le soufisme n'est pas le fruit de coïncidences fortuites, mais qu'elle relève bien de l'action consciente et volontaire d'une élite, en réponse aux nouveaux besoins de la communauté musulmane. Élargissant encore le cercle de ses participants, le soufisme devient ouvertement, dès cette époque trouble et menaçante, un extraordinaire pôle d'intégration communautaire, à tel point qu'on pourra dire parfois qu'il n'est personne en tel pays qui ne relève de quelque manière de l'obédience d'une tariqa.

C'est dans ce contexte qu'apparaît l'œuvre d'Ibn 'Arabî, peut être l'événement spiritual-le plus important de l'histoire du soufisme. Né en Andalousie en 560/1165, Ibn 'Arabî entre très jeune dans la Voie et commence bientôt une vie de pérégrinations qu'il mènera jusqu'à l'âge de soixante ans. Il se cantonne dans un premier temps à l'Andalousie et au Maghreb qui, malgré les difficultés posées par l'étroit littéralisme doctrinal des Almoravides puis des Almohades, vivent alors de belles journées spirituelles. Après un passage en Égypte, il parcourt ensuite sans relâche le Proche-Orient du Hijâz à l'Anatolie, de l'Irak à la Palestine, pour finir enfin par s'installer en 620/1223 à Damas. C'est là que s'étendra en 638/1240 ce vivificateur de la religion (c'est le sens de son surnom : Muhyîuddîn) que la prospérité désignera aussi comme plus grand Maître (al-Cheikh al-Akbar) et Sultan des Connaissants (Sultân al-'ârifin). Il laisse une œuvre monumentale : œuvre d'explication théoriques certes, offrant avec les Fûtûhât al-Makkiyya une véritable encyclopédie du tasawwuf ; mais œuvre du secret, synthèse difficile, voire impénétrable comme en témoigne le livre des Fusûs al-hikam, petit ouvrage de moins de deux cents pages qui reste à ce jour le plus commenté – et le plus attaqué – de la littérature soufie.

Son disciple d'élection, Sadr-u-Dîn Qûnawî (m. 672/1263), sera en contact avec un grand nombre de hautes figures spirituelles : il rencontrera Ibn Sab'în (m. 629/1270), autre grand théosophe andalou ; le poète égyptien Ibn al-Fârid (m. 632/1235), connu comme Sultan des Amants divins (Sultân al-'âshiqîn) ; les fondateurs de tarîqa Suhrawardi, l'irakien, et Shâdhilî le maghrébin (m. 656/1258) ; il sera en rapport avec l'iranien Sa'd al-Dîn Hamûye (m. 650/1252) avec qui nous voyons réapparaître brillamment un soufisme shiite dont nous avions perdu la trace depuis le IIe/IXe s; enfin il entretiendra une correspondance avec le philosophe Nâsir-u-Dîn Tûsî (m. 672/1274) avec qui l'Imamisme official-prendra finalement lui aussi position en faveur d'un soufisme modéré. Cette rapide énumération peut permettre de donner une idée de la richesse des relations spirituelles de cette époque. L'Andalousie comme l'Iran, le Proche-Orient comme le Maghreb connurent alors bien des grands noms que nous ne pouvons citer ici et qui ont fait de cette période de mutation un des âges d'or du soufisme.

2.1.4- Continuités et assoupissements (VIII/XIV s.-XIIe/XVIIIe s.)

Partout dans le monde musulman, les deux siècles suivants apparaissent comme la continuation des orientations prises au cours du VIIe/XIIIe s.

Sur le plan doctrinal, l'œuvre d'Ibn 'Arabî tend à s'imposer définitivement comme la pierre de touche de la métaphysique et de la cosmologie du soufisme. Toute prise de position se fait par rapport à cette œuvre et bien rares sont ceux qui échappent à cette influence. On peut même dire sans trop d'exagération que toute la littérature théosophique postérieure en Islam ne sera en quelque sorte que commentaire, illustration ou prolongement d'Ibn 'Arabî, quel que soit en définitive le recul ou l'écart pris par rapport au Maître. Il ne s'agit pas, bien sûr, de nier des divergences plus ou moins importantes et de divers ordres, mais il faut bien prendre conscience qu'elles interviennent dans un domaine si subtil qu'il est souvent difficile d'en déterminer la nature ou la raison d'être. Ainsi, et pour ne citer qu'un seul exemple, on ne pourra que s'interroger sur la nature de l'adversité d'un Samnânî (m. 736/1336) qui, bien que sévèrement critique à l'égard de l'expression théorique de la wahdat al-wujûd, s'essaiera à donner un commentaire partial-des Fusûs al-hikam.

Par ailleurs, opposés à toutes ces écoles intellectuelles et ésotériques, un certain nombre de pieux et doctes musulmans se réclament d'un tasawwuf khuluqî ou soufisme du souci éthique, considéré comme étant le véritable soufisme des Anciens, le tasawwuf falsafî ou soufisme philosophique des Modernes n'étant qu'une blâmable innovation. Entendu comme se réduisant à cette seule préoccupation, le soufisme sera fréquemment admis, voire pratiqué, par des musulmans qui restent cependant étrangers à tout ce que nous avons désigné comme la réalisation spirituelle. Tel fut le cas de certaines figures célèbres du hanbalisme militant et aussi de savants polygraphes comme Ibn Khaldûn (m. 808/1046) et le grenadin Ibn al-Khatîb (m. 777/1375).

Ceci en ce qui concerne l'histoire doctrinale et proprement interne du soufisme. Les tarîqa-s, quant à elles, se développent, se ramifient et s'installent de plus en plus dans leurs fonctions sociales, politiques, culturelles et économiques. Malgré des études de plus en plus nombreuses abordant ces aspects du soufisme, beaucoup de travail reste à faire pour évaluer tous les cas d'adaptation des confréries et de leurs centres à des réalités locales. D'une manière générale, on peut dire qu'elles n'auraient pu parvenir à ce degré de développement dans tout le monde musulman sans la protection et le soutien économique – notamment par des dotations immobilières constituées en biens (waqf) – que leur accordent, par conviction ou par intérêt, les princes et les souverains. Ce furent d'abord les Mongols en Asie et au Moyen-Orient iranien, diverses principautés turques en Anatolie et les Mamlouks au Proche-Orient arabe. Ensuite, à partir du VIII/XVI s, il faut considérer séparément quatre grands états musulmans : le Maroc chérifien, l'Empire ottoman, l'Iran safavide et l'Inde moghole.

Dans le Maroc chérifien, les confréries prospèrent et jouent un rôle politique d'importance. La position des zawiyas s'est considérablement renforcée du VIIe/XIIIe s. au Xe/XVIe s. à la faveur de la résistance qu'elles ont animée face à la pression occidentale et plus particulièrement ibérique. " La dynastie Sa'dien" La dynastie Sa'dien doit dans une large mesure son installation et son maintien au pouvoir à l'influence des chefs de confréries. C'est encore par le canal des zawiyas-s que la culture islamique s'introduit alors jusque dans les zones montagneuses. Enfin, leur enracinement est tel que, lorsque l'État Sa'dien s'effondre au XIe/XVIIe s, une zawiya sera sur le point de reconstituer l'unité du Maroc sur une base maraboutique. C'est pourtant la famille 'Alawite qui prendra finalement le pouvoir, ouvrant une ère de relations plus tendues entre les soufis et l'État chérifien, sans pour autant que s'affaiblisse le rayonnement des zawiyas.

La situation des confréries dans l'Empire ottoman est, sous un certain rapport, encore plus favorable. Pour tout un pan du soufisme, l'évolution se fait, de manière ambiguë, vers une sorte d'institutionnalisation contrôlée. De manière ambiguë car il reste à savoir qui contrôle quoi ? D'un côté, certains chefs de confréries, nommés et dotés par le gouvernement, sont comptés parmi les grands dignitaires de l'État. Mais par ailleurs, le Sultan est lui-même affilié, soit à la Mawlawiyya, soit à la Khalwatiyya qui se répand alors dans tout l'Empire. Enfin, et sans présager d'autres rapports, le corps des Janissaires, élite de l'armée impériale et soutien du trône, est tout entier rattaché à la Bektâchîyya, curieuse synthèse – ou syncrétisme? – liée au shiisme anatolien : ce n'est pas un des moindres paradoxes de l'histoire de l'Islam que celui d'un État vigoureusement sunnite s'appuyant sur un corps militaire lié à une tarîqa shiite !

Tout aussi paradoxale est l'évolution de la tariqa turque des Safawiyya : après avoir adopté le shiisme, elle donne naissance en Iran à un État qui adopte officiellement et impose cette doctrine et où les confréries seront pour le moins mises à mal. Au XIIe/XVIIIe s, les tarîqa-s sunnites ont disparu de l'Iran safavide et le soufisme confrérique en général y est au plus bas. Sur le plan intellectuel, par contre, cette période – qu'Henri Corbin qualifiait de renaissance safavide – est marquée par la production d'œuvres spirituelles fortes et originales. A la fois docteurs du shiisme et théosophes gnostiques, leurs auteurs, tout en ne se rattachant pas nécessairement au soufisme, voire même en s'en démarquant, abordent les mêmes questions métaphysiques et cosmologiques que les soufis nourrissant leurs méditations tant de la tradition héritée des Imams que des œuvres d'Ibn 'Arabî, de Suhrawardi ou d'autres encore.

Une autre production intellectuelle originale est celle qui naît, en Inde, du contact avec la spiritualité gnostique hindoue (jnâna). La rencontre aboutit parfois à un syncrétisme comme le fut la tentative de l'Empereur moghol Akbar (m. 1014/1605) de créer une religion divine (Dîn ilâhî). Mais d'autres – tel, semble t-il, le Prince soufi Dârâh Shikōh (m. 1069/1659) – eurent bien conscience d'une convergence entre deux réalités autonomes. En Inde également, les confréries introduites depuis l'Iran dès le VIIe/XIIIe s. se sont développées et multipliées, essaimant plus loin encore, dans le monde indo-malais. Au sein d'une de ces confréries, apparaît au XIe/XVIIe s. une personnalité remarquable, le Cheikh Ahmad Sarhindî (m. 1023/1625) qui passera à la postérité sous le nom de Rénovateur du second millénaire de l'Hégire (mujaddid al-alf al-thânî) : on se trouve avec lui face aux prémices d'une vague de fond dont les effets se feront sentir dès le XIIe/XVIIIe s. et qui atteindra au siècle suivant tout le monde musulman.

On a souvent considéré les siècles postérieures à celui d'Ibn 'Arabî comme une période de décadence du soufisme. Il est vrai que, hormis de remarquables exceptions, les œuvres intellectuelles relevant directement du tasawwuf se font peu à peu plus rares ou moins brillantes [18].

Il est vrai également qu'après une période d'élaboration, les confréries tendent à une certaine institutionnalisation, avec tout le conformisme que cela implique. Toutefois, si le soufisme semble bien plongé dans un tranquille – et tout relatif – assoupissement, le réveil qu'il connaîtra au XIIIe/XIXe s. nous empêche d'utiliser à ce propos le terme de décadence.

2.1.5- Le réveil (XIIIe/XIXe s.)

Au XIIIe/XIXe s, le monde musulman vit la deuxième grande période critique de son histoire, période de la confrontation avec l’Occident. A cet égard une date, celle de 1798, année de l’expédition d’Égypte, peut tenir lieu de repère, même si bien avant déjà des premiers contacts et des premiers affrontements eurent lieu. En ce siècle, l’Occident se rendra maître d’une grande part de la terre d’Islam (Dâr al-Islâm), mais ce siècle verra aussi le réveil du monde musulman, ce réveil que dans les pays arabes on nommera nahda. Dans le tumulte de cette nahda des mouvements modernistes – nationaux ou religieux – une autre nahda, celle du tasawwuf, sera peu remarquée. Pendant longtemps, et dans une large mesure jusqu’à nos jours, les exposés sur l’histoire moderne de l’Islam, en Occident comme en Orient, ont laissé planer un étranger silence sur les manifestations de cet esprit de revivification et de rénovation qui anime alors le soufisme.

Quand le soufisme est abordé dans des études sur cette période, c’est principalement sous ses aspects les plus voyants, aspects apparemment plus faciles à saisir mais qui, du fait qu’ils relèvent des applications contingentes et non de l’essence, sont souvent des réalités mouvantes aux motivations multiples et complexes. On s’intéresse ainsi au soufisme institutionnalisé qui atteint alors ses sommets en Égypte où siège un conseil soufi suprême présidé par un Cheikh des Cheikh de toutes les tarîqa-s; institution plus que paradoxale, véritable caricature bureaucratique du tasawwuf, qui continue actuellement encore de fonctionner. On multiplie aussi les études sur un soufisme dit populaire, études dans lesquelles on retraite inlassablement, et souvent sans grand discernement, de la ziyâra, ou visite aux tombes des saints, et des multiples pratiques annexes dont elle est le cadre. On est concerné, enfin, par le soufisme missionnaire, militant ou combattant, fonctions que le soufisme assume en fait depuis son apparition mais auxquelles on est, là, plus directement confronté. C’est presque exclusivement en raison d’un tel engagement que certaines manifestations du renouveau confrérique doivent être remarquées : on parlera ainsi fréquemment de la Sanûsiyya et de ses développements en Cyrénaïque, du rôle de la Mahdiyya au Soudan, ou encore du Jihad d’al-Hajj ‘Umar en Afrique occidentale…

Pourtant, le réveil du soufisme est loin de se limiter à ces engagements relativement extérieurs et secondaires. Il se manifeste tout d’abord, et cela dès le XIIe/XVIIIe s, par l’apparition d’œuvres importantes, généralement d’inspiration akbarienne, dont nous citerons au moins celle, magistrale et par trop méconnue, de l’Émir Abd el-Kader (m. 1300/1883). Il se manifeste aussi, et surtout, par une revivification des confréries existantes qui donnent naissance à de nouvelles branches actives. C’est à cette époque que la Ni’matullâhiyya est restaurée dans son pays d’origine, l’Iran, par un maître venu de l’Inde du Sud. Au Maghreb, le renouveau se manifeste encore par l’éclosion de tarîqa-s comme la Tîjâniyya ou l'Idrîsiyya, tarîqa-s caractérisées par certains aspects nouveaux que nous ne pouvons développer ici. La plupart de ces branches ou de ces tarîqa-s nouvelles se répandent très rapidement dans tout un secteur du monde musulman, et parfois même d’un bout à l’autre du globe. Enfin, on ne peut non plus ignorer l’éclosion en Iran de l’école Cheikhiyya qui, bien que se démarquant des confréries, n’en participe pas moins à ce renouveau spirituel.

Il est pour le moins curieux qu’un mouvement d’une telle importance – et encore n’avons nous évoqué que les faits les plus saillants – n’ait pas encore, contrairement aux autres tendances islamiques, suscité de véritable étude. Sans doute faut-il voir là un effet de l’attention exagérée qu’on accorde e plus en plus aux phénomènes – qui ne sont souvent que des épiphénomènes – aux dépens de réalités bien plus importantes mais aussi moins voyantes. Quoi qu’il en soit, ajouté à la présentation fréquente des aspects les moins brillants du soufisme, le silence fait sur cette renaissance, à la fois si actuelle et si profondément enracinée dans la tradition, a eu pour effet de dévaloriser le tasawwuf aux yeux des musulmans instruits. Parmi ceux ci, les uns, sécularisés et occidentalisés, rejettent plus ou moins l’Islam, au moins en tant que mode de vie et code complet de lois; quant aux autres, s’ils sont de pieux musulmans, ils n’envisagent trop souvent de l’Islam que l’interprétation exotérique de la Sharî'a, rejetant tout ce qui touche à sa dimension intellectuelle et spirituelle. Et tous, ou presque, en arrivant à concevoir le tasawwuf comme se réduisant à certaines pratiques excentriques ou à une institution figée. Les tarîqa-s ne leur apparaissent que comme des organisations obscurantistes, sources de tous les maux de l’Islam ou de leur nation. Elles portent à leurs yeux la lourde responsabilité d’une décadence et d’un affaiblissement qui auraient favorisé la colonisation qu’elles sont de plus accusées d’avoir appuyé de leur collaboration.

Il n’est pas question bien sûr de nier a priori la réalité de certains cas, encore faudrait il alors examiner les motivations réelles dans le cadre complexe de chaque situation sans ramener tout à un manichéisme primaire. Mais on peut de manière globale infirmer cette image. ‘Abd el-Kader, soufi et combattant, suffirait à cela ; or il ne fut pas un cas isolé : réassumant une fonction qu’ils exercèrent déjà souvent par le passé – on a déjà parlé de l’importance prise par les zawiyas marocaines à la faveur de leur activité face au danger ibérique – les confréries soufis ou les tarîqa-s continuent d’inspirer et de mener et d’animer la résistance contre toute atteinte culturelle ou militaire à l’Islam.

Allons plus loin et disons que ceux pour qui l’Islam est un ennemi savaient bien – et savent encore – que le soufisme est le cœur qu’il faut toucher. Dans la conclusion d’une thèse en sciences politiques publiée à Alger en 1910 on peut lire : Nos efforts devront tendre à attirer à nous les chefs influents qui nous sont hostiles. Essayons d’avoir raison de leurs préventions par l’appât de hautes situations… Jusqu’au jour où les Khouans (les affiliés), éclairés par la civilisation, briseront les liens d’esclavage qui les rivent à leur chef. Ce jour là, l’Islam sera vaincu.[19].

Auparavant déjà, A. Le Chatelier, dans son Islam au XIXe siècle (Paris, 1888), avait noté à propos de l’Afrique du Nord la vitalité des courants spirituels de l’Islam qui furent selon lui le principe religieux actif du XIXe s. Dix ans plus tard, un islamologue russe écrivait : Etant donné l’immobilité des dogmes officiels de l’Islam, tous les mouvements intellectuels dans le monde musulman, doivent revêtir le drapeau du soufisme. La renaissance de l’Islam ne peut se faire que sous son influence. Chaque nouvelle idée, chaque mouvement politique ou religieux, réactionnaire ou révolutionnaire, devra se couvrir du drapeau du soufisme.

Nous espérons, en citant ces remarques de personnes peu suspectes de sympathie pour le soufisme, amener certains à réfléchir sur la position réelle du tasawwuf au sein de la civilisation islamique, afin que soient évités ou rectifiés certains jugements, partiels et partiaux, qui pèsent sur lui et son histoire. Après avoir survolé cette histoire, nous voudrions encore présenter brièvement quelques figures soufisme.

2.2- QUELQUES FIGURES DU SOUFISME « IBN 'ARABI »
Pour comprendre les propos qui seront développés plus loin, il est nécessaire de savoir que le langage des soufis est un langage allusif qui se réfère à l’expérience initiatique, ainsi il ne peut être compris que par les initiés, ce qui manifeste en quelque sorte une volonté de rester "fermé" à la compréhension superficielle des profanes (les non initiés).

En effet, s’agissant de réalités spirituelles, il n’est pas indifférent que les profanes puissent comprendre même le sens extérieur des paroles des initiés (qui se réfèrent à une réalisation spirituelle effective), car ceux-ci ne manqueront pas de leur donner un sens qu’elles n’ont pas et de produire ainsi certaines déviations regrettables, surtout d’ailleurs pour ces profanes eux mêmes.

2.2.1- Présentation générale

Ibn 'ARABI, grand maître de l’ésotérisme [20] musulman (1165-1240)

Le grand maître, le vivificateur de la religion, le maître de l’amour ou Sultan des connaissants, Abu Bakr Muhammad Ibn AL ARABI est né le 27 ramadan 560 de l’hégire (7 août 1165) à Murcie, dans le sud est de l’Espagne de parents yéménites.

Issu d’une illustre famille ayant d’excellentes relations culturelles et sociales, marquée par de fortes inclinations religieuses. Son père, fut un homme influent de grande réputation. Trois de ses oncles se convertirent au soufisme.

A quinze ans, lorsqu' ’ il rencontre Ibn Rochd (Averroès), ami de son père, il se révèle être déjà le grand mystique qu' ’ il deviendra.

Il a épousé une jeune femme nommée Mariam qui partagea son aspiration à la Voie.

Ibn Arabî, avide de s’instruire auprès des plus grand maîtres, voyage à travers l’Andalousie, l’Afrique du Nord et l’Asie Mineure jusqu’aux portes de l’Iran, s’entretenant avec des mystiques et ascètes soufis, des sages et savants de son temps. Ascète [21]aimant méditer dans les cimetières, suivant une coutume soufie, jeûnant et priant, il s’initiait aussi à toutes les sciences de son temps, à la philosophie, à la théologie [22], ainsi aux connaissances ésotériques, recherchant le sens caché de tous les rapports des signes, nombres, lettres, rêves, astres et événements."Mes yeux plongeaient plus loin que le monde visible", eut-il pu dire.

Son œuvre inachevée ne compte pas moins 400 titres : pensée métaphysique, expérience mystique [23], expressions poétiques sont inséparables.

Ibn Arabî écrit ses œuvres sans ordre préconçu, mêlant citations, anecdotes, récits d’extase et déconcertant le lecteur attaché à une dialectique rationnelle. Il fuit les définitions dogmatiques; les précisions détaillées qu’il multiplie sur tel ou tel exercice spirituel, ne visent qu’à servir d’itinéraire à l’expérience personnelle de l’unification.

Il se refuse à l’incarcération de l’esprit dans les formules ,les concepts, les rites, les cultes qui arrêtent les élans de l’âme sur des expressions toute humaines de l’infini divin, pour s’abandonner totalement à l’attrait du seul amour de DIEU: "Mon cœur est capable de devenir toute forme: cloître du moine chrétien, temple des idoles, prairies des gazelles, pierre noire des pèlerins, Tables de lai mosaïque , Coran…Amour est mon credo(ce à quoi on croit) et ma foi."

Les soufis reconnaissent en Ibn Arabî, même s’ils ne le suivent pas en tout point, le très grand maître.

Huit cent cinquante-six de ses ouvrages ont été répertoriés, son "livre des conquêtes spirituelles de la Mecque (Futûhât)" est considéré comme la "somme" de l’ésotérisme musulman.

Les "Gemmes des Sagesses des Prophètes (Fûssûs)"résument les approches, les aspects, les noms de la Connaissance de DIEU unifiante. Les figures des prophètes évoquent chacune l’une des facettes du diamant unique, " la Sagesse Divine." la Sagesse Divine.

Son influence grandissante éveille soupçons et critiques : il était accusé d’hérésie (s’opposer aux doctrines officielles), et comme tant d’autres mystiques, il a écrit des poèmes brûlants pour chanter les extases de l’amour ; il doit dès lors, se justifier contre l’accusation d’érotisme en expliquant le symbolisme ésotérique [24] de ses vers.

Il avait écrit : "mon cœur avait de multiples passions mais la découverte de ton amour en a fait une seule…je laisse aux hommes leur terre et leur croyance depuis que tu es devenu mon pays et ma religion."

A l’âge de soixante ans il s’installe à Damas, il est entouré de disciples et de visiteurs ; il donne avec son enseignement, l’exemple d’une vie austère et recueillie. C’est là qu’il meurt ; il est inhumé dans une petite mosquée des faubourgs de Damas.

2.2.2- Apports

Sans prétendre résumer en quelques mots son œuvre littéraire colossale, nous pouvons toutefois nous arrêter sur ses apports suivants :

Science de la balance

Le mouvement des astres, des hommes et de toute chose dans l’univers lui paraît dominé par un pôle, centre énergétique qui assure la cohésion de chaque être et la cohérence du tout.

Cette vision de pôle du temps et l’espace illustre pour lui la relativité du monde matériel-et sa destination global de manifestation de l’esprit.

Il a développé, ainsi, une science, qui marquera profondément le soufisme, "la science de la balance": c’est la capacité de mesurer "l’énergie spirituelle" immanente en un être, un acte, un désir, et même dans une parole ou un texte.

Cette science comporte une métaphysique, une éthique, ainsi tout être témoigne de deux tendances :

L’une vers le matérialisme et la mort ;

L’autre vers la spiritualisation et la vie ;

Correspondant à sa double origine matérielle et spirituelle.

Le mystique se purifiera de l’une, se réalisera dans l’autre.

De même, l’interprétation d’un texte s’en tiendra à sa matérialité, la lettre, le manifesté, le signifié du premier degré " الظاهر "; ou bien elle s’approfondira dans le sens caché, en dégagera l’esprit, l’ésotérique (ce qui est réservé aux initiés)" الباطن ".

Ainsi, la science de la balance est tournée vers la rencontre de "l’esprit manifesté" et "l’esprit caché", ou, suivant un langage familier à Ibn Arabî, vers une mutation de l’être, analogue à celle du plomb en or pur: "science divine qui triomphe de la mort".

Doctrine de l’amour

La mystique soufie est construite autour d’un principe fondamental : c’est à travers l’extase amoureuse, au sens spiritual-du terme, que le soufi peut, éventuellement " faire un " avec DIEU.

Les soufis utilisent souvent le personnage de "Leila" pour l’amour de laquelle,"Majnûn" (le fou) a perdu la raison, car elle reste inaccessible à ce dernier qui se trouve en deçà des frontières de son propre "moi".

Ainsi chaque fois que Majnûn frappe à la porte de Leila, celle-ci demande : "Qui est-ce ?" et Majnûn répond :"C’est moi." La porte reste alors fermée jusqu’au jour où Majnûn fut emporté par son amour, répondit :"C’est toi." La porte lui fut alors ouverte.

Ainsi : "L’amour est cette flamme qui, lorsqu’elle s’élève brûle tout : DIEU seul reste."

Le cœur du soufi "professe la religion de l ’ Amour ". " Quelque direction que prenne ma monture, l ’ Amour est ma religion et ma foi " Ibn Arabî.

Ibn Arabî avance que le Créateur et la créature sont indissociablement liés par l’énergie d'Amour. ( المحبة )

En outre, l'homme étant issu de DIEU, il possède Sa conscience et a donc la possibilité de se reconnaître. Car la réalité toute entière de son début et de sa fin vient de DIEU seul, et c’est vers lui qu’elle retourne.

Par extension, à l'image de l'artiste qui se fait connaître par son œuvre et de l ' œuvre qui nous éclaire sur l'artiste, se découvrir soi-même c'est découvrir DIEU en soi : cette parole du prophète en est la preuve :

"Celui qui se connaît soi-même connaît son Seigneur" ( من عرف نفسه عرف ربه )

La réalisation de cette réunion au Divin par la connaissance de l'Amour est donc pour lui le but de toute vie spirituelle.

Dans son traité sur l'Amour extrait des “ Conquêtes Mecquoises ”, le maître illustre à cet effet qu'étant le fruit de l'Amour Divin, l'homme est intégralement concerné par cet Amour qui est à la fois son origine et sa destination. L'homme est donc fait pour aimer et être aimé, et aimer DIEU c’est d’abord être aimé par Lui, comme le déclare cette parole coranique :

"Il les aime et ils L’aiment" (coran, V, 54)... فسوف يأتي ﷲ بقوم يحبهم و يحبونه "

Et, composé d'un corps, d'une âme et d'un esprit, l’Homme ne peut déconsidérer une forme d'Amour au profit d'une autre devant ainsi réaliser la symbiose des différents modes d'expression de l'Amour : physique, spiritual-et divin, pour reformer en lui l'unité primordiale.

Mais la réalisation de ce passage à l’unification avec Le Bien-aimé Divin se conçoit comme une transformation et nullement comme une incarnation, car l’état individuel-dans ses conditions mêmes (par rapport à la loi religieuse, aux lois physiques, psychiques,…) est un état de servitude, état qui ne peut être dépassé sur le plan spirituel.

Ainsi chaque individu en tant que tel ne peut être rattaché à DIEU, nous dit Ibn Arabî, que par son Seigneur exclusivement.

Le Seigneur est ici le nom divin, qui correspond à la prédisposition de l’individu à connaître DIEU sous cet aspect particulier et non sous un autre (de servitude).

"Connaître DIEU par DIEU, aimer DIEU par DIEU"

Pour nous indiquer ce qu’il entend par terme "cœur", Ibn Arabî invoque le Hadith Qudsî suivant :

" Ni Ma terre, ni Mon cial-ne sont assez grand pour me contenir .mais le "cœur" de Mon serviteur croyant pieux et pur, est assez grand pour me contenir." ما وسعني ارضي ولا سمائي وسعني قلب عبدي المؤمن التقي النقي ]

Puis, il cite cette parole significative d'Abu Yazid Al Bastami:"Même si le Trône divin et tout ce qui y est contenu devaient se trouver indéfiniment multiplié dans le cœur du gnostique ( قلب العارف ), celui-ci ne le sentirait pas."

Les cinq conseils d’Ibn Arabî :

- CONSEIL 1

Conseil d’ordre général, l’union fait la force

La Main de Dieu est avec la Communauté rassemblée.

- CONSEIL 2

La pratique du bien

Il ne faut pas dédaigner d’adorer Dieu .Par adoration il faut entendre ici demande ou supplique spontanée ( الدعاء ). La demande spontanée est appelée adoration puisque celle-ci implique humilité.

"Demandez-Moi, Je vous exaucerai" (Coran, 40/60)

- CONSEIL 3

La bonne estimation au sujet de DIEU

Que ta pensée à l’égard de Dieu soit empreinte de la connaissance certaine qu’Il efface, pardonne et est indulgent.

DIEU t'incite à garder cette pensée à Son égard dans le verset suivant :
"O Mes serviteurs qui avez été excessifs envers vous mêmes, ne désespérez pas de la Miséricorde de DIEU "Coran (39 / 53) " قل يا عبادي الدين أسرفوا على أنفسهم لا تقنطوا من رحمة الله إن الله يغفر الذنوب جميعا انه هو الغفور الرحيم "

Il t’interdit donc le désespoir et tu dois t’abstenir de ce qu' ’ Il défend.

"Certes, DIEU pardonne tous les péchés" (Coran, 43/54), sans spécifier tel ou tel péché.

- CONSEIL 4

L’obligation de l’invocation de Dieu

Vous êtes tenus au dhikr de DIEU, secrètement et ouvertement, en vous-mêmes et en assemblée. DIEU a dit : "Faîtes donc Mon Dhikr, Je fais votre dhikr "Coran, 2/152).)

- CONSEIL 5

La proximité de DIEU

Dans la nouvelle prophétique authentique suivante : "Si le serviteur s’approche de Moi d’un empan, Je M’approche de lui d’une coudée. S’il s’approche de Moi d’une coudée, Je M’approche de lui d’une brasse. S’il vient à Moi en marchant, Je viens à lui en M’empressant."

Je veux parler ici de cette proximité qui est la conséquence de la proximité que le serviteur a avec DIEU. Or le serviteur n’a de proximité avec DIEU que par la foi en ce qui provient de DIEU, même, en plus de la foi en DIEU et en celui qui transmet (la Révélation) de Sa part.

Ainsi, l’importance essentielle d’Ibn Arabî dans l’histoire du soufisme repose sur deux choses :
 D’une part il fut le lien entre deux phases historiques du soufisme et de l’islam et d’autre part il fut le lien entre les formes occidentales et orientales du soufisme.

Il formula les intuitions et les enseignements des générations de soufis qui l’avaient précédé, consignant par écrite pour la 1ère fois, de façon systématique et détaillée, le vaste fond de l’expérience soufis et de la tradition orale en puisant dans le trésor de termes techniques et de symboles puissamment enrichi par des siècles d’élaboration.

A un monde musulman sur le point de recevoir le coup écrasant qui devait l’affaiblir culturellement, économiquement et politiquement, il laisse un Exposé définitif des enseignements soufis aussi bien qu’un mémorial complet de l’héritage ésotérique de l’Islam.

En faisant cela, il a profondément influencé tout l’enseignement soufi postérieur et demeure ainsi le lien le plus important entre les soufis qui l’ont précédé et ceux qui sont venus après lui.

Ceci éclaire peut-être en partie son affirmation d’avoir été le sceau de la sainteté mohammadienne, dans la mesure où l’on peut dire qu’il a été le dernier de ceux qui ont reçu les enseignements "non formulés" de la Voie, alors que tous ceux qui vinrent après lui furent tributaires de son expression synthétique.

à suivre.....

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