Seul Dieu a le pouvoir d’ôter les voiles de vos yeux, et vous ne trouverez pas de réponses ici, à moins qu'Il ne le veuille.

18 juillet 2018

Hazrat Inayat Khan et son œuvre






De grand musicien, Inayat Khan (1882-1927) est devenu le fondateur du mouvement soufi en occident. Il était un fin connaisseur de l’âme humaine et des états mystiques profonds. Dans son enseignement simple mais non simpliste, il a honoré toutes les religions de l’humanité en prenant d’elle l’essentiel que chacun peut saisir et appliquer, au moins en partie… Inayat Khan a voulu inclure dans son enseignement les aspects les plus profonds de l’expérience humaine. À ses étudiants (mureeds), il offrit une aide directe et pratique à la fois dans la vie de tout les jours et dans l’accès aux plans supérieurs de l’Être. À un niveau superficiel, le langage utilisé par Inayat Khan était traditionnel, mais il n’est pas si difficile, souvent, de le transposer dans le langage d’un enseignement non-dualiste, courant très à la mode aujourd’hui… Dans ce qui suit, on trouve un aperçu de sa vie et de son enseignement.

(Revue La pensée Soufie. No 5. 1982)


Extrait de l’éditorial par Michel Guillaume

Nous célébrons en cette année mille neuf cent quatre vingt deux le centenaire de la naissance de Hazrat Inayat Khan. Aussi le présent numéro lui sera-t-il entièrement consacré. Ceux de nos lecteurs qui sont encore peu au courant des péripéties terrestres et de la destinée de ce très grand Soufi trouveront plus loin une notice biographique.

Mais ici, dans cet Éditorial, nous aimerions consacrer quelques paragraphes à la signification et à l’importance pour notre monde bien chaotique et pour notre humanité trébuchante de son œuvre, de son enseignement et de son exemple.

Il peut paraître ambitieux de parler de signification et d’importance à propos d’un homme qui, en apparence, a laissé peu d’écho dans la mémoire contemporaine, en égard au petit nombre et au manque de moyens des personnes qui ont pris sur elles de faire connaître sa vie et son œuvre.

En apparence.

Les entreprises les plus grandes, celles qui ont la portée la plus longue, ont souvent pris racine au milieu de l’ignorance publique; mais aussi, peut-être, dans une humilité propice à leur lente, profonde et vaste germination. Comme une récolte qui lentement pousse ses racines et pointe sous la terre avant d’apparaître au jour dans toute son ampleur.

Or, déjà, ça et là, et surtout parmi les plus jeunes, on voit apparaître comme un nouvel esprit. C’est une compréhension plus large et plus profonde de ce qu’est la vie, leur vie, et de ce qu’ils veulent qu’elle soit. C’est le désir de fonder leur existence sur des principes à la fois plus vrais, plus fraternels, plus solidaires et plus universels que les vieux idéaux. Et enfin c’est une exigence encore timide, encore inconsciemment formulée peut-être, mais authen­tique vers l’expérience du divin, ici et maintenant, dans la vie quotidienne.

Tout cela est profondément émouvant; tout cela apporte un encouragement immense à ceux qui ont perçu l’importance planétaire de l’enjeu derrière le travail obstiné, obscur, quasi-secret du Maître. Mais travail dont l’extra­ordinaire puissance de vie était ressentie et attestée par beaucoup de ceux qui l’entouraient sans qu’ils en comprissent peut-être ni la vraie nature, ni l’universelle projection.

Ainsi, d’âge en âge, quelque chose de nouveau s’est dévoilé dans l’esprit de la grande famille humaine; une impulsion à développer une part de son génie qui jusque la dormait encore dans les limbes.

Dans le passé cela s’est parfois traduit par l’apparition d’une nouvelle religion, représentée au départ par une secte comme tant d’autres, mais dont l’étonnante vitalité, la force interne, eut raison de tous les obstacles et dont la contagion conquit sur le globe un très vaste empire.

Cependant ce dont nous avons besoin aujourd’hui n’est pas d’une nouvelle religion. Les religions, considérées comme les conservatoires des doctrines, des codes de morale et les propagatrices d’une certaine vision de la vie, ont donné ce qu’elles avaient à donner. Cela s’est maintenant intégré au patrimoine commun. Et que ferait pour nous une nouvelle religion, sinon nous apporter un secta­risme et une division supplémentaires ? Aujourd’hui il nous faut nous élever par dessus nos divisions pour retrouver l’Esprit qui seul peut nous unir et nous sauver. Pas seulement nos divisions religieuses: toutes les divisions. De secte. De croyance. D’opinion. De race. De classe. De génération. Retrouver cet Esprit de fraternité, de charité, d’amour, qui brille à l’intérieur de toute religion comme la flamme dans la lampe. La flamme n’appartient à aucune lampe et pourtant c’est elle qui lui permet d’éclairer.

C’est cette impulsion, ce besoin qui travaille tant d’âmes aujourd’hui et qui demain en travaillera bien plus encore, c’est cette impulsion, ce besoin que Hazrat Inayat appelait le Message de Dieu, dont il avait été fait, de son propre aveu, l’Annonciateur, le Messager, le Propagateur. Non pas quelque chose qui serait apporté du dehors comme doctrine ou comme philosophie. Quelque chose de bien plus grand, plus personnel et plus intime : un nouveau levain déposé dans le cœur même de l’humanité, pétri dans sa substance et destiné à faire lever en elle la promesse d’un nouvel esprit.

Voilà pour l’œuvre.


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Voyons l’Enseignement.

Un ami demandait à quelqu’un qui suivait l’enseignement Soufi d’Hazrat Inayat Khan comment il considérait ce Maître, son Murshid. »Comme un maitre penser », lui répondit son interlocuteur. L’ami fut surpris, presque peiné de cette réponse. Il s’attendait à une profession de foi, à une adhésion de senti­ment et d’âme, à des paroles de chaleureuse dévotion. Mais un « maître à penser »! L’expression lui parut terre à terre, inadéquate, irrévérencieuse.

Pourtant quoi de plus important dans notre vie que la pensée ? Rien ne se fait qui ne soit dirigé par elle. Si vous voulez manger, il vous faut aller vers le réfrigérateur et choisir vos aliments. Grâce quoi ? À la pensée. Si vous avez un grand dessein en tête comment pourrez-vous le réaliser ? En pensant d’abord. Si vous avez commis une erreur par étourderie, ignorance, manque de maîtrise de vous-même, quel moyen avez-vous de la réparer ou du moins de l’empêcher de tourner à la catastrophe, qui ne passe par la pensée ? Et si vous cherchez Dieu, la Vérité, la spiritualité, le bonheur, comment trouverez-vous le chemin qui y mène ? En y pensant toujours.

C’est la pensée qui distingue un être humain digne de ce nom d’un être qui n’est pas encore tout à fait humain. Celui qui, à l’instar de l’animal, ne serait qu’instincts, impulsions, sentiments (aussi élevés qu’ils soient) mais qui se laisserait complètement guider par eux, serait ou un impulsif, ou un niais. Dans les deux cas il serait perdu dans l’existence terrestre. (Et encore ce conditionnel est-il de trop : combien de fois n’avons-nous pas agi nous-mêmes commes des impulsifs et des niais ?)

Appelez la pensée réflexion, jugement, attention, imagination, mémoire, concentration, elle est tout cela et bien plus encore : dans sa plénitude elle est la Sagesse. Dans sa profondeur elle est ce que les Soufis appellent le Cœur. Et c’est la seule boussole que nous ayons en définitive pour nous diriger.

Donc, l’acquisition de la pensée, dans toute son ampleur, est la tache principale qui nous attend. Acquérir la pensée ? Mais ne pensons-nous pas déjà spontanément ? Oui, nous le croyons. Nous croyons volontiers ou bien que la pensée nous est donnée en naissant, ou bien à la rigueur qu’elle s’acquiert en étudiant beaucoup dans les Écoles et les Universités. Mais si tel était le cas, tout Professeur d’Université serait un Sage. Ce n’est pas faire injure à la science que d’en douter.

Une grande partie de l’enseignement Inayatien, quand on le regarde dans son ensemble, vise à cultiver la pensée. Mais non pas la pensée dans le sens habituel du terme. Non pas cette culture que l’on pratique dans les Écoles et les Universités où l’on apprend à approfondir tel ou tel sujet limité, où l’on s’entraîne à une certaine méthode d’investigation. Cela n’est pas inutile, mais ne peut mener, là aussi, qu’à un but limité, duquel l’esprit devient pour ainsi dire captif. Une pensée ainsi prise au piège ne peut remplir le grand dessein de la vie humaine.

Cultiver la pensée à la manière Soufie veut dire la libérer des conditionnements qui la tiennent entravée. Ces conditionnements sont de deux sortes : les émotions qui proviennent de notre ego, et les habitudes anciennes de penser que nous avons acquises au cours de notre vie. Cette libération est essentielle, parce que c’est seulement une pensée libérée qui peut nous per­mettre de toucher cette Vérité qui est Dieu, qui est la Spiritualité, qui est le Bonheur et la Paix.

On demandera : est-ce là le tout de l’Enseignement d’Inayat Khan ? N’a-t-il pas aussi, comme tous les Sages, enseigné pour les cœurs simples le chemin de la Droiture, qui est celui de la moralité, du devoir, des bonnes actions, dans lequel on apprend à s’oublier soi-même, à oublier son propre ego dans tous les services que l’existence peut nous demander de remplir, que cela plaise ou non à cet ego ? N’a-t-il pas aussi enseigné le chemin de la Discipline, de la maîtrise de notre être extérieur et intérieur par la concen­tration, la méditation, ce qui ouvre la visions sur les aspects cachés de la vie, de plus en plus loin jusqu’à l’ultime et libératrice Vérité ? Et n’a-t-il pas enfin montré ce qu’était l’entraînement dans le chemin de la Dévotion, dans lequel le dévot est appelé à construire peu à peu, par étapes, l’Idéal de Dieu, le plus élevé des idéaux qui mène au But ?

Mais, que l’un ou l’autre de ces chemins vous convienne, il y faudra la pensée en tant qu’outil, et la pensée s’y affinera et s’y fortifiera en même temps. Bien sûr, quand on parle ici d' »Enseignement » il ne s’agit pas en tout et pour tout d’un enseignement livresque que l’on puiserait seulement dans les écrits qui nous ont été laissés. Il s’agit d’un entraînement dans une discipline. Et il s’agit aussi d’un encouragement donné grâce à l’amitié et à la compagnie de ceux qui suivent le même sentier.

Et cependant il ne serait pas encore suffisant de limiter l’Enseignement Soufi de Hazrat Inayat à ce qui précède. Car, à travers une série extensive de causeries qui examinent presque chaque domaine de la vie, il nous montre comment nous placer pour mieux la voir, pour mieux trouver notre voie — quels que soient nos aptitudes, notre tempérament — dans cet imbroglio presque constant qu’est l’existence dans le monde. La clé de cette voie est dans la découverte de l’amour, de l’harmonie et de la beauté, dont la vertu ne réside pas dans l’énoncé mais dans la pratique : dans la manière de les trouver, de s’y accrocher, de les faire vivre dans notre existence.

Et spécialement en cette époque d’obscurité, de bouleversement, de désordre, beaucoup de femmes et d’hommes de bonne volonté ont porté témoignage de ce que la lecture et la méditation de sa parole a pour ainsi dire placé entre leurs mains une lumière. Ainsi peut-on essayer de résumer en quelques paragraphes un enseignement universel, c’est-à-dire adaptable à chacun quelle que soit sa croyance, sa religion ou sa race.


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Il y a dans les traditions Soufies rapportées par Farid-uddin Attar une de ces anecdotes pleines de sel et à diverses fins que j’aimerais rappeler ici.

Un vieil Adorateur du Feu se voyait exhorté par de pieux Musulmans à se convertir à la vraie Foi pendant qu’il en était temps encore; ceci afin de lui éviter les flammes de l’enfer. Et pour mieux le convaincre, ces bonnes âmes évoquaient l’exemple du grand Saint de l’époque; Bayazid Bistami, fameux par ses austérités, ses miracles, ses extases. « Si c’est pour faire comme Bayazid », répondit le bonhomme, « je ne m’en sens guère capable. Et si c’est pour vivre comme vous autres, alors ça n’en vaut vraiment pas la peine… »

Il n’est pas dans notre propos d’établir des comparaisons entre Bayazid et quiconque. Mais nous aimerions affirmer ici que la manière de vivre de Hazrat Inayat était un exemple à suivre. Non pas dans sa destinée bien sûr — chacun a la sienne — mais dans ses qualités humaines; dans sa manière à la fois indomptable et pleine de douceur de prendre l’adversité inhérente à la vie en ce monde, son souci de s’harmoniser avec chacun, son attention pleine de sympathie envers quiconque venait à croiser sa route; son désintéressement; et son sens de l’humour, sans lequel — disait-il — la vie humaine est vide.

Il n’a pas appris à ceux qui le suivaient à faire des miracles — bien qu’on rapporte de lui quelques faits qui y ressemblent; il ne les a pas encou­ragés à acquérir ce qu’on appelle, des pouvoirs » — bien qu’il en ait parfois manifesté de variés; il ne les a pas exhortés à se séparer des autres de quelle manière que ce soit, ni à quitter leur religion pour en suivre une autre, ni leur famille et leurs amis pour une communauté quelconque — et lui-même n’a jamais fait de telles choses.

Il s’est contenté de montrer tout simplement et tout bonnement comment vivre. Et comment progresser en vivant la vie de tous les jours. Et comment atteindre le sommet du développement que l’on peut atteindre sur terre grâce l’exercice de vertus éminemment sociales fortifiées par une vie intérieure de plus en plus éveillée.

En deux mots, il a été dans toute l’acceptation du terme un exemple. Peut-être dira-t-on que ce n’est pas original et qu’après tout c’est dans la droite ligne de la Tradition Islamique. Personne n’en disconvient. Encore une fois il s’agit de toute autre chose que de promouvoir une religion nouvelle. Il s’agit d’une impulsion donnée à l’humanité vers sa vocation profonde, vers son épanouissement.

Et si, dans notre époque si dure, froide, utilitaire, si artificielle au fond, Inayat Khan est venu nous montrer comment retrouver le chemin de l’Amour, de l’Harmonie et de la Beauté, c’est très précisément parce que ce triple aspect de l’Universelle Réalité sous-jacent à toute expression de vie apporte l’antidote à notre universelle et présente intoxication.

Comment les développer en nous-mêmes pour notre propre avantage et pour celui des autres est donc le leitmotiv du Message d’Aujourd’hui, Message dont Hazrat Inayat avait si humblement et si courageusement accepté la charge.


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Aphorismes de Hazrat Inayat Khan

Si les hommes connaissaient vraiment leur propre religion, combien ils seraient tolérants, libérés de toute animosité envers une autre religion. (La Coupe de Saki, Janvier 8)

Toutes les discordes provenant des différences de religion prouvent que l’homme n’a pas compris que la Religion est une, que la Vérité est une, et que Dieu est Un. (La Coupe de Saki, Mai 30)

La vraie religion pour le Soufi est l’océan de vérité et toutes les différentes croyances en sont les vagues. (Gayan, Chala 3)

L’amour du prochain est la base de la religion : aussi longtemps que l’esprit de sympathie vit dans votre cœur, vous êtes pénétré de la lumière de la religion. (La Coupe de Saki, Avril 2)

La religion ne consiste pas à accomplir une cérémonie ou un rituel; la vraie religion est le sentiment ou le sens du devoir. (Vadan, Chala 87)

Pour chacun la religion consiste à atteindre à ce que son âme désire. Quand on est sur ce chemin, on est religieux. Quand on est hors de ce chemin, on est irréligieux et impie. (La Coupe de Saki, Février 20)

La vision intérieure de la vie est la vraie religion qui seule peut aider l’homme à comprendre la vie. (La Coupe de Saki, Mai 20)


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Le message par Hazrat Inayat Khan

Suresnes, 27 Juillet 1926

Bien-aimés de Dieu,

Je voudrais parler ce soir des particularités des six grandes religions.

La religion Bouddhiste a enseigné à l’humanité le sens de la compassion envers la vie en chaque forme et sous toutes les formes. Le thème central de l’enseignement de Bouddha était : « Ahimsa paramo dharma ». C’était le mot d’ordre de Bouddha et cela signifie : « ne pas nuire est l’essence de la religion ». Dans cette humanité, qui durant des siècles a vécu sur la nourriture animale, il est merveilleux de voir que le premier principe de ceux qui suivaient le Message de Bouddha était de renoncer à la nourriture animale, de vivre de régime végétarien. Mais on pourrait dire : est-ce là tout? L’enseignement de Bouddha est-il de devenir végétarien ? Non. Le végétarisme est un principe pour devenir inoffensif. Le premier pas pour devenir inoffensif est de le devenir envers ceux qui demeurent près de nous, les êtres humains. Et très souvent vous pouvez être végétarien et vous pouvez aussi être nuisibles. L’enseignement de Bouddha est de prendre en considération la fraternité, même envers la création inférieure. Cela ne veut pas dire que Bouddha ne reconnaissait pas le point de vue des autres grands Maîtres qui ne faisaient pas attention à ce sujet. Non, sa mission était de créer la compassion dans le cœur de l’homme.

Bouddha croyait que le seul remède à tous les maux qui se produisent chez l’homme était de ne pas nuire, et après avoir étudié toute la philosophie et l’éthique vous trouverez à la fin comme essence de la philosophie entière, que souvent toute souffrance survient par le manque d’attention portée à la souffrance, d’autrui. C’est automatique. Sans doute, dire de ne pas prendre de nourriture animale et de vivre de régime végétarien est-il plus sommaire. Un enseignement élaboré du même principe serait d’être conscients à tout moment de votre vie que par une pensée ou une parole, par un regard, un froncement des sourcils, par le ton de la voix, l’atmosphère ou par le sentiment, vous pouvez blesser quelqu’un. Et quand nous regardons la vie avec ce principe, elle devient si profonde, si vaste, si pleine de sens et de beauté, qu’en chaque direction de la vie nous trouvons beaucoup à faire sans avoir besoin de penser aux choses occultes et aux mystères psychiques. La vie commence à déployer son mystère dès que la compassion est créée dans le cœur, dès que la profondeur du sentiment est éveillée à tout ce qui est vivant et fait naître des égards pour tous ceux qu’on rencontre, pour tout ce qui vit : méritant et déméritant, évolué et non évolué, pour les sots et les sages. Alors change la perspective de la vie et le résultat en est que l’âme parvient à cette paix qu’il est si difficile d’atteindre en cette existence d’afflictions. C’est pourquoi la statue de Bouddha est l’exemple à considérer : l’exemple de l’homme qui dans toute sa vie s’est efforcé de devenir compatissant — autant que peut l’être l’humain — et de parvenir à cette paix dont l’atteinte est si difficile en ce monde.

Dans les pays Bouddhistes il y a une coutume intéressante et remarquable. Lorsqu’un prêtre, un Maître, meurt on célèbre cela avec des fêtes magnifiques. L’idée en est que les gens puissent ainsi voir que celui qui a voué sa vie à Dieu et à la Vérité et a vécu dans la compassion, a été délivré de ses peines et s’est élevé à un stade qui est meilleur encore. C’est comme s’il a reçu la récompense de l’épreuve de toute sa vie à ce moment là, par la mort.

Bouddha enseignait aussi la méditation et sa statue est 1’exemple de la posture de méditation dont il donnait l’enseignement: la médi­tation de la paix. Dernièrement à New York j’entendais que certains étudiants de la pensée Orientale avaient proposé qu’une statue publique de Bouddha fut érigée, et j’entendis aussi qu’il y avait eu là-contre une grande opposition, de sorte que cette statue ne pouvait être érigée. Alors je pensai : songez que des centaines de généraux qui ont combattu pendant la guerre ont leurs statues en tous lieux, suggérant guerres et désastres, meurtres et massacres. Si pour établir un équilibre là-contre il y avait une seule statue de paix, représentant la paix, montrant un homme qui a vécu pour l’humanité et non pour telle ou telle race, un homme qui a enseigné la paix au monde et qui atteignit la paix — si un exemple de la paix était là, cela ne serait pas pire; au contraire, cela vaudrait la peine de l’avoir.

Et quand nous venons à la religion Hindoue, il est des plus remarquable de voir quelle religion en a appelé aux Hindous : une religion qui peut être enseignée aux enfants — et les enfants s’y intéresseraient beaucoup — et une religion qui peut être enseignée aux âmes ayant vécu dix mille ans — et ils peuvent en jouir de même. C’est la clé, le diapason. Et ce diapason de la religion est si vaste, qu’il peut être en harmonie avec les hommes de tous les degrés d’évolution. Il y a les Shudras, les ouvriers, et cette religion s’harmonise très bien avec leur conception. Il y a les Vaishas qui sont de la tête aux pieds dans les affaires et cela cadre très bien avec leur intelligence. Puis il y a les Kshatrias, les guerriers, et pour ceux qui sont braves et courageux cela s’harmonise très bien avec leurs idées. Et il y a les Brahmanes, gens profondément penseurs et méditatifs ; la religion s’harmonise très bien avec leur conception. C’est corme un piano fait d’un millier d’octaves : vous pouvez aller aussi bas que vous pouvez, et vous pouvez aller aussi haut que vous pouvez. Dans le temple des Hindous la statue de Krishna est placée dans un berceau tandis que les femmes chantent. C’est là le service. Les hommes viennent à cette adoration et joignent les paumes en signe de respect; du Paria au Brahmane, tous prennent part à cette adoration. Naturellement cela donne à ceux qui veulent critiquer la religion brahmane des moyens de la présenter comme une religion de sauvages; et cela offre aussi un champ à ceux qui veulent l’apprécier d’y voir une religion aussi raffinée que possible.

Il y a là philosophie, il y a éthique, il y a art, musique, il y a là beauté, il y a drame. Rien de ce qui est bon et beau et rien de ce qui est précieux et de valeur n’est laissé hors de la religion. Lorsque vous demandez à un Hindou intelligent : « Si vous gardiez votre religion sans avoir ni littérature, ni art, ni science, ni vie sociale, seriez-vous satisfait ? » — il répondrait : « Certainement, nous ne désirons pas tout cela, parce qu’en la religion il y a tout : il y a l’art, la littérature, la philosophie, la sagesse, le drame, la pensée, la méditation : il y a tout ».

Quant à la religion Zoroastrienne, c’est une religion de pureté, de pureté obtenue par des affirmations. Et c’est une religion qui montre la façon de faire d’abord un Dieu pour nous-mêmes, ce qui est le premier pas dans le chemin de Dieu. Les Écritures de Zoroastre disent toujours : « Ces belles fleurs , d’où viennent-elles ? N’est-ce pas Vous qui avez fait les fruits délicieux ? Ces fruits si doux, d’où viennent-ils ? N’ont-ils pas été faits pas Vous ? Cette eau qui coule, d’où vient-elle ? N’est-ce pas de la même Source ? Où va-t-elle ? Elle va vers Vous. » En prenant chaque action de la vie qui passe par la plante, par l’eau, par le soleil, par le vent, par tout ce qu’on voit et dont on s’émerveille dans la nature, Zarathoustra enseigne à penser que ces merveilles sont reliées à Dieu, et de cette façon vous pouvez rendre Dieu vivant, voir Sa manifestation avec les yeux ouverts, avoir communication avec Dieu Lui-même à travers la nature; C’est une chose mer­veilleuse.

Lorsqu’à plusieurs reprises dans la journée le Zoroastrien se tient debout devant l’eau ou devant le soleil ou devant le vent ou , s’il n’est pas dans la nature alors devant le feu, et qu’il récite les paroles saintes de Zarathoustra, par cette seule action il essaie d’exalter son âme, de se rapprocher de Dieu, de faire du Dieu qui n’est qu’une conception un Dieu vivant, en reliant et identifiant l’esprit de Dieu avec tout ce qui est vivant et mouvant sur terre. C’est-une merveilleuse méditation. Un homme peut méditer les yeux fermés durant dix ans et ne pas atteindre à cette extase que celui qui a les yeux ouverts recevra par la communication avec la nature en reconnaissant Dieu en elle, en identifiant son Seigneur avec chaque chose et avec toutes choses.

Quand nous venons au Message de Moïse, nous trouvons qu’aucune nation n’aura jamais été capable d’apporter une amélioration à la loi divine que donne Moïse. Et quelque tentative de perfectionnement qu’on puisse faire, ce sera toujours une erreur. Pourquoi ? Parce que c’est une loi naturelle, ce n’est pas une loi faite par l’homme, c’est une loi faite par Dieu. Les différentes civilisations ont à différentes époques établi une loi. Mais sur quoi ? Sur la base posée par Moïse. Elles peuvent l’oublier, elles peuvent le nier, mais elle en est tout de même le thème central. La mission du Maître fut d’obliger le monde corrompu de rester dans la loi d’harmonie. C’est très bien pour un penseur libre de se dire qu’il agira de telle ou telle façon, mais cela n’ira pas pour la collectivité. Pour la collectivité il doit y avoir une loi d’harmonie. Est-ce chose facile que donner une loi ? Quand l’homme donne une loi, cette loi à la fin ne se prouvera jamais être la bonne, tant que ce n’était pas la loi naturelle. Lorsque la loi est donnée par Dieu à travers Son prophète, ce fait même a aussi un pouvoir, c’est quelque chose de vivant qui est accepté : le peuple s’y conforme. Et je dirai qu’aujourd’hui même à cette époque où les gens se sont éloignés de l’ancienne loi, si cette vieille loi de Moïse était prise en considération, le monde deviendrait bien meilleur. Si l’on peut ouvrir ses yeux et examiner la vie, il semble que le monde va chaque jour de mal en pis. Les gens appellent cela la liberté que de ne pas respecter la loi; mais cette liberté ne les conduit à rien. Au contraire, ils sont agités, mécontents, ils rechignent et se plaignent, ils ne sont jamais satis­faits.

En outre il y eût un mysticisme donné par Moïse, connu de peu de gens, qui indiquait le rythme de l’univers. Et c’est de ce rythme de l’univers que vient la loi des nombres, la science des nombres. Ainsi vous pouvez relier l’inspiration divine d’une part et de l’autre une profonde perception de la loi cachée, Ceci amena le Maître à donner au monde la loi qui était nécessaire et qui devait devenir le fondement de la race future. Beaucoup de gens disent qu’ils savent quelque chose concernant le mystère des nombres, mais ce mystère demeure caché : c’est du mysticisme. Les mys­tiques ont appelé cette science zafar et elle est une clé pour la loi cachée de la nature. Pensez donc qu’à cette époque il pouvait y avoir un prophète qui maîtrisait la science à tel point qu’il connaissait les chiffres du rythme de toute chose : du feu, de la terre, de l’eau, de l’air et de l’éther. S’il n’avait pas eu la perception du rythme du cosmos, il n’aurait jamais été capable de donner cette loi, cette science.

Lorsque nous considérons le Message de Jésus Christ — c’est du pur mysticisme, un mysticisme d’amour : ne juger personne, par­donner à tous, développer en soi-même une qualité telle que tous viennent vers vous sans y avoir été forcés ; s’élever au-dessus de ce qu’on nomme la connaissance de ce monde et en venir à cette connaissance qui, au lieu de vous rendre habile, vous rend innocent. Le Maître était non seulement innocent en sa pensée, sa parole et son atmosphère, mais ceux qui furent inspirés par lui atteignirent aussi ce degré d’innocence qui est le signe de l’esprit saint. Le sacrifice de soi en était le thème central et si vous lisez les Béatitudes ou quand vous commencez à pratiquer l’une d’entre elles ou la totalité d’entre elles, vous trouverez qu’il n’y a rien d’autre — du début à la fin — que sacrifice, négation de soi, effacement de soi, que c’est la pensée de douceur, d’humilité, de clémence. Tout cela nous prouve que la mission de Jésus Christ était de faire fondre la grossièreté, la densité, la dureté des cœurs pour les adoucir, les raffiner, les illuminer, pour les libérer.

Sa venue et son départ furent l’exemple de ce qu’une âme est amenée ici pour accomplir une certaine chose, puis qu’elle est rappelée. Sa leçon n’était pas la leçon du mystère, et pourtant elle était tout mystère. La leçon qu’il donna était : « Cherchez d’abord le Royaume de Dieu et tout vous sera donné par surcroît ». Cela montre qu’il donna le thème central : qu’en étudiant ceci et cela et en recherchant ceci et cela vous n’aboutissez nulle part. Il y a une seule chose importante, c’est la première, la principale et la dernière : c’est Dieu. Et en sa simple affirmation Jésus a dit le mot final qui était : « Soyez parfaits comme votre Père au ciel est parfait ». C’est le dernier mot. On ne peut rien dire de plus que cela en métaphysique ou en phi­losophie : que le but est perfection et que vous pouvez atteindre cette per­fection qui est même celle du Père dans les Cieux, si vous le tentez, si vous vous y efforcez.

En outre Jésus Christ enseignait la théorie de la dépen­dance envers Dieu, lorsqu’il donnait l’exemple des lys : « Rendez Dieu vivant et dépendez de Lui pour tous vos besoins, et Il pourvoira à vos besoins ». L’humanité a oublié cette leçon dans sa lutte terrestre. Et pourtant, toutes les fois que l’homme viendra à appliquer cette leçon, il se trouvera devant ce phénomène de la vie : combien il est vrai qu’aussitôt que nous remettons notre responsabilité à Dieu, Dieu commence à se sentir responsable pour nous. C’est cette suggestion du Maitre que Sa’di a interprétée dans sa « Roseraie », où il dit : » Le Créateur est constamment occupé à faire ce que je désire, mais mon anxiété à ce sujet est ma maladie; je n’y peux rien ! » Sa’di était plein d’humour et c’est avec humour qu’il a interprété, dans un magnifique langage, la plupart des enseignements admirables du Maître.

Très souvent les gens demandent : « Ce qu’a enseigné Jésus Christ mène quelqu’un à la spiritualité, sans doute, mais en ce qui concerne ce monde, ce monde matériel, comment pouvons-nous suivre cet enseignement et vivre dans ce monde ? » Je dirai qu’il y a un penchant naturel vers le monde; on l’a, il ne devrait pas être enseigné. Nous devrions pas apprendre comment être pratiques, nous sommes déjà pratiques. Nous n’avons pas besoin qu’on nous dise comment être habiles, nous sommes déjà habiles. On n’a pas besoin de nous instruire ou de nous conseiller pour lutter avec notre ennemi, nous avons déjà tendance à cela. Si Jésus Christ ne nous l’a pas enseigné, ce fut seule­ment pour établir un équilibre. Nous devrions entendre quelque chose d’autre, penser à autre chose que ce vers quoi nous sommes naturellement portés, afin d’établir un équilibre.

Quand nous en venons au Message du prophète Mahomet, il a pour thème central l’unité Lorsqu’il dit : quand le sultan et l’esclave viennent à la Ka’ba il n’y a pas de distinction entre eux, ils doivent se tenir épaule contre épaule. C’était il y a environ 1300 ans ; nous n’avons pas encore appris cette leçon. Nous sommes portés à dire : c’est une race différente, elle doit se tenir à l’écart ; il est d’une autre race, il ne doit pas venir dans notre restaurant; il est d’une classe différente, il doit demeurer à sa place. Il y a 1300 ans un homme vint et amena son peuple — où les gens étaient à couteaux tirés, où il y avait des vendettas, où chacun disait : ma famille est la plus grande, et où chaque famille avait ses propres dieux — à venir devant un seul Dieu et il les fit demeurer, sultan et esclave, épaule contre épaule, malgré toutes leurs distinctions de familles, de sectes, de généalogies et de traditions, et leur fit dire : « Tous les musulmans sont frères »! Et croyez-vous que cette fraternité n’en avait que le nom ? Non ! Elle fut enseignée et elle fut vécue comme fraternité ; et si vous voulez en voir l’exemple 1300 ans après, vous pouvez le voir aujourd’hui. Si deux Bédouins, les gens les plus sauvages qui vivent dans le désert, se battent aux couteaux — ce qu’ils ont facilement tendance à faire, un petit mot de travers et ils sortent leurs couteaux — et qu’une troisième personne survienne et dise : « Amis, pensez à votre Prophète, respectez votre Prophète », c’est suffisant. Aucun d’eux n’osera avancer; ils jetteront leurs couteaux en même temps, se prendront les mains et s’embrasseront en prononçant le nom du Prophète.

D’autre part l’enseignement du Prophète fut : prenez conscience de vos relations, de vos rapports vis-à-vis de votre mère, de votre père, de votre frère, de vos enfants — vos filles et vos fils distinctement — vis-à-vis de vos voisins, des faibles, du pauvre et de l’orphelin dans la ville, de celui qui est à un rang plus élevé et de celui qui demeure à un rang moins élevé que vous. Vous devez vous rendre compte maintenant que ces relations doivent toujours être étudiées et qu’on ne les étudie jamais suffi­samment. Nous ne pouvons jamais comprendre pleinement combien on doit apprendre à agir envers tous ceux que nous rencontrons dans la vie journalière.

L’enseignement du Prophète était simple et en même temps profond. On peut penser qu’il y a de l’exagération, mais en même temps il y a là une beauté. Je vous donnerai un exemple d’une famille que je fréquentais, une famille musulmane qui vivait la vie typiquement musulmane. Le deuxième des trois frères était très amateur de musique et de divertissements, mais quand son frère aîné était là, il ne voulait pas de ces distractions dans la maison ; et lorsque venait son plus jeune frère il ne voulait pas se livrer à des amusements dans la maison. La raison en était qu’il était trop respectueux pour avoir des divertissements, de la gaité, devant son frère aîné, et trop consciencieux pour donner l’exemple de ses amusements â son jeune frère. C’est de cette façon que des frères ont des égards l’un envers l’autre. Si tels sont les égards entre frères, alors quels égards il peut y avoir envers la mère, le père, les enfants, les sœurs et les autres membres de la famille Quand on y pense l’on commence à sentir qu’il s’agit d’une civilisation qu’on peut toujours estimer une fois qu’on l’a étudiée et qu’on la connaît. Et quel en est le thème central? — L’unité. Nous ne pouvons nous unir l’un avec l’autre, si nous n’avons pas le sens du respect, le sens de la com­préhension, l’idéal. Aujourd’hui, quand des frères grandissent en se battant l’un contre l’autre et ne se respectent pas mutuellement, c’est totalement différent. Frères à part, même ce rapport qui devrait exister entre parents et enfants est introuvable. Chaque jour c’est de pire en pire. Un de mes amis disait à un homme riche, combien on devait avoir égard à ses parents, que c’était une question d’honneur d’avoir égard à ses parents. Ayant entendu cela cet homme riche envoya à son père qui était sans travail une lettre de bons conseils et lui dit qu’il y avait une place vacante dans son bureau ! Le monde n’a-t-il pas besoin d’être instruit sur ce point ? Il en a toujours besoin.

En outre, l’enseignement du Prophète était de faire jaillir l’esprit, l’esprit dont chacun a besoin. Pour chaque individu un certain esprit est nécessaire : le Prophète enseignait que cet esprit doit être éveillé en lui. On voit la noblesse de l’esprit dans la manière dont le Prophète a traité sa propre fille, quel exemple il voulait donner au monde, et comment il apprenait à ses enfants le respect de leurs parents en respectant lui-même l’enfant.

Pour conclure venons-en maintenant à la tâche et au ser­vice que nous sommes destinés à rendre au monde, à ce qu’est le travail du Message Soufi, à sa caractéristique, à sa particularité. Sa particularité est Vérité. C’est d’apporter au monde, c’est de donner au monde, c’est de répandre dans le monde cette Vérité qui est l’essence de toutes les religions. Premièrement la Vérité doit être recherchée ; ensuite la Vérité doit être clairement conçue ; troisièmement la Vérité doit être vécue. C’est en faisant cela que le Soufi atteindra ce but qui l’a amené au Mouvement Soufi, et que nous atteindrons tous ce but auquel nous sommes proposés et que nous sommes destinés à accomplir.

Et maintenant la question se pose : quoi faire pour faire de notre mieux ? Nous devons chercher la Vérité, non seulement dans les livres mais dans la vie. Nous devons concevoir la Vérité, non seulement intellectuellement mais par notre expérience personnelle, par la méditation. Et nous devons vivre la Vérité, non en la prenant comme quelque chose de séparé, mais en réalisant qu’elle est notre propre être. C’est par ces trois conditions que nous serons capables de devenir Soufis.

Ce que nous devons faire en répandant la Cause, c’est de comprendre la psychologie de la nature humaine, de comprendre les besoins du temps présent et de comprendre la meilleure manière d’aller de l’avant. Nous ne devons pas gaspiller le temps et nous ne devons pas argumenter avec les autorités d’autres religions. Nous devons consacrer notre pensée tout entière à ce but qui nous est donné par Dieu. Contempler ce but, méditer sur lui et demander toute bénédiction — cela nous aidera à mener le travail à bonne fin dans le monde.

Que Dieu vous bénisse.


*** ***

Le message : Hazrat Inayat par Murshida Sharifa Goodenough (Extraits)

« Le Message est la réponse au cri de l’humanité, individuellement et collectivement ». Une époque est venue où par l’absence de vie spirituelle l’humanité est de plus en plus absorbée par le matérialisme; où par l’ab­sence d’idéal l’espèce humaine est enveloppée de façon croissante par le commercialisme dans tous les aspects de la vie. En Occident, depuis de nom­breuses années, les gens vont répétant : « Nous avons accompli de grands progrès matériels, mais où est notre progrès moral ? Il n’y en a pas. Nous avons développé les sciences, mais nous n’avons pas de savoir réel ». C’est un monde qui cherche une issue vers la Vérité et le Bonheur et qui, dans l’aveuglement de sa vie matérielle est en danger de ruine; une époque où la réalisation de la vie spirituelle est annulée par un point de vue matériel sur la vie, et la perception de la vérité assombrie par un attachement croissant pour les faits. Le point culminant de cette condition s’est manifesté dans la guerre récente et dans la désagrégation, mentale et matérielle, qui l’a suivie. Que le trésor des traditions sans prix des Soufis ait été transmise à l’Occident en cette époque, leur lumière apportée, le Message de Dieu donné, est le plus grand don que le Ciel ait pu accorder. Le Messager de ce don fut Inayat Khan, qui accomplit la mission d’apporter le don de Dieu à ceux qui étaient destinés à le recevoir.

Le 13 Septembre 1910 Pir-o-Murshid Hazrat Inayat Khan, répondant à l’appel qui lui était venu du dedans, se mit en route pour sa mission en Occident. Il avait à ce moment vingt-huit ans, étant né le 5 Juillet 1882 à Baroda, dans l’Inde. Il laissait derrière lui les années de son enfance dans la maison de son grand-père, le fameux musicien Maula Bakhsh, où, depuis ses toutes premières années, il avait vu et approché tous les musi­ciens et les poètes les plus célèbres de l’Inde ; et il laissait sa jeunesse vouée d’abord à la musique spirituelle de son pays et au dessein de restaurer sa gloire première. Son génie musical comme chanteur et compositeur lui gagna la considération à travers toute l’Inde, et une grande renommée. Cela n’endormit pas son âme. Il cherchait continuellement les profondeurs de la vie, anxieux de pénétrer ses mystères.

Son initiation dans l’Ordre Soufi par la main de Pir-o-Murshid Syed Abu Hashim Madani lui ouvrit une voie. Les trois années qu’il passa en présence de son Murshid, à Hyderabad, furent les plus heureuses de sa vie. En même temps sa renommée de musicien augmentait. Le Nizam de Hyderabad, un grand mystique, le reçut et l’honora.

Après la mort de son Murshid il passa quelques années en pèlerinage vers les hommes saints de l’Inde, et ainsi, sous le déguisement d’un musicien, vivant en réalité la vie d’un ascète, il voyagea en tous sens dans le pays des Himalaya jusqu’à Ceylan. Continuellement venait aux oreilles de son âme l’urgence de l’appel d’aller en Occident; de répandre en Occident la sagesse des Soufis, « d’harmoniser l’Orient et l’Occident avec la musique de son âme », comme son Murshid, en le bénissant lors de son départ de cette terre, l’en avait prié.

Devant lui il y avait un monde très peu connu de lui, avec lequel il n’avait eu jusque-là aucun lien. Des requêtes lui vinrent de diverses personnes, et des Rajas de son pays vinrent le voir afin qu’il y reste et se voue à élever la musique indienne jusqu’à son haut niveau d’autrefois. Sa musique avait atteint un développement extraordinaire et sa voix commençait à montrer les merveilles des chanteurs mystiques du temps passé. Les membres de sa famille auraient voulu qu’il laisse là son entreprise, disant: « Que feras-tu dans des contrées étrangères, où tu es inconnu ? Comment y vivras-tu ? » « Allah est partout », répliqua Inayat, « en Occident comme en Orient. Ma confiance est en Lui ».

Il s’embarqua à Bombay; son frère et son cousin l’accompagnaient. La plongée dans la vie du monde moderne fut comme le réveil d’un rêve. Mais souple conne l’était Inayat, il s’adapta rapidement aux choses nouvelles qui l’entouraient, et bien que son manque de familiarité avec la vie occidentale lui rendit cela difficile, il s’y accoutuma bientôt. Il traversa l’Europe sans s’arrêter et poursuivit son chemin vers San Francisco. Il trouva bon accueil au Temple Hindou de San Francisco et commença à parler du Soufisme. Il fit son premier Mureed en Occident en la personne de Mrs. Rabia A. Martin. Après un court séjour à San Francisco, Inayat Khan resta l’hiver et le printemps à New York. Son occupation principale à ce moment était d’étudier la vie et la mentalité de l’Occident, d’étudier aussi ce qui y était connu du Soufisme, afin de voir sous quelle forme il pourrait au mieux présenter le Message du Soufisme aux âmes qui cherchaient la Vérité. Il donna quelques conférences et plus tard fit une tournée de concerts à travers les États Unis avec ses frères et son cousin : Maheboob Khan, Musharaff Khan et Ali Khan. Il fit plusieurs mureeds à New York et à San Francisco et en 1912 partit pour l’Europe.

Après un bref séjour à Londres, il alla à Paris. Le tempérament artistique du peuple français lui était sympathique et on y appréciait sa musique. Il alla ensuite en Russie, à Moscou, où il rencontra beaucoup d’intérêt et où son art musical fut compris, ressenti et admiré. Il se sentit à l’aise parmi ce peuple de profond sentiment et d’esprit philosophique et aurait volontiers prolongé son séjour, s’il n’avait trouvé nécessaire d’aller à Paris avec les membres de sa famille. Il s’était marié en 1913 avec une dame américaine, Miss Ora Baker, qu’il avait rencontrée à New York.

A la déclaration de guerre on conseilla à Inayat Khan d’aller à Londres, et c’est là qu’il résida, donnant continuellement son Message à travers sa musique et par sa parole. Il forma un groupe de mureeds et résolut de lui donner une organisation sous forme de Société, afin d’assurer la continuité de son travail.

Ce fut une époque d’effort sans fin contre toutes les difficultés que provoquait la guerre et à cause de la diminution obligatoire de son champ d’action. Inayat Khan fit des tournées de conférences à travers l’Angleterre et le Pays de Galles, parlant souvent à l’invitation de la Société Théosophique. Hazrat Inayat ressentait de l’admiration pour le caractère anglais et disait toujours : « Il y a là de la solidité ». C’est à ce moment que furent écrits plusieurs de ses livres : « The Diwan of Inayat Khan » (le Divan d’Inayat Khan), « Songs of India » (Chants de l’Inde), « Hindustani Lyrics » (Poèmes lyriques de Hindoustan), « The Mysticism of Sound » (le Mysticisme du Son), lequel, pour ceux qui peuvent le lire avec la compréhension nécessaire, ouvre des champs inconnus dans le savoir qui est l’essentiel du mysticisme. Ce sont les paroles de quelqu’un à qui la révélation du mystère du son a été donnée, dans sa jeunesse, par un Mouni, un mystique silencieux, vivant dans les Himalaya dans sa retraite. Le Mouni avait été tellement touché par la musique de la vina qu’Inayat, alors âgé de quinze ans, avait jouée devant lui, tandis qu’il était assis sous un arbre dans son ermitage, que, silencieuse­ment, il lui révéla le mysticisme du son.

Pir-o-Murshid édita aussi une revue trimestrielle : »The Sufi ». Il disait, au sujet du travail accompli durant cette période : « C’est seulement un entraînement avant la bataille, une répétition avant de jouer la pièce ». Il y avait nombre de difficultés à surmonter. Apporter une idée spirituelle dans un monde matériel n’est pas une entreprise facile. « Travailler pour une cause spirituelle dans cette époque », disait Hazrat Inayat, « est comme nager contre la marée ». De plus, en Occident, bien qu’il y ait quelque reli­gion, ce en quoi consiste le travail d’un Maître spirituel est à peu près inconnu et ce que devrait être l’attitude d’un disciple est encore une chose à apprendre par ceux qui suivent le chemin spirituel : chaque influence reçue dans leur vie et leur éducation tend à les en écarter.

Hazrat Inayat décida d’établir le Quartier Général de son travail à Genève, le centre le plus favorable pour l’activité internationale.

Il quitta l’Angleterre seul, en Août 1920, pour Genève, sa famille demeurant dans une petite maison près de Paris, ses mureeds restant à Londres ou vivant dispersés pour le moment. Après une halte à Paris, qu’il visitait alors pour la troisième fois (son second séjour y ayant eu lieu la dernière année de la guerre) il alla en Hollande, et de là à Genève. Dans chacun de ces pays il fonda une Société et organisa pour elle un travail régulier de classes et de conférences […]

[…] Pir-o-Murshid voyageait sans cesse en Europe et en Amérique, faisait conférence sur conférence, recevait ses mureeds et les travailleurs à tout moirent du jour, travaillait sans rémission à écrire, à organiser, à préparer les manuscrits de ses livres. C’était un sujet d’étonnement pour les témoins de sa vie qu’un organisme puisse soutenir à perpétuité une telle tension, qu’un esprit et un courage humain puissent ainsi donner d’eux-mêmes sans cesse et répondre à de telles constantes demandes venant de tout côté et à chaque instant. Il se permettait très peu de sommeil, à peine le temps nécessaire pour manger, aucun repos, même quand sa santé l’aurait réclamé Son endurance égalait son enthousiasme. Il voyageait en Allemagne, Hollande, Angleterre, en Norvège, Suède et Danemark, en Italie, Belgique et Suisse, visitant maintes et maintes fois les Sociétés qu’il avait formées dans ces pays.

Il y avait spécialement en Italie une prompte compréhension du mysti­cisme et une grande réponse; en Norvège un désir très vif de répandre la Cause. En Hollande plus ou moins indemne des conséquences attristantes de la guerre, et contrée en pleine époque de prospérité et d’évolution, il y avait une large audience et une activité grâce à laquelle de nombreux groupes se trouvèrent formés et de nombreuses personnes furent faits mureeds ; tandis que la nature raffinée des Suédois était engageante et l’intelligence éveillée des Danois promettait beaucoup. L’état d’esprit d’agitation et de trouble qui régnait en Allemagne et en Belgique rendait difficiles les progrès du travail.

Mais les conférences rencontraient beaucoup d’intérêt et le travail était accompli avec fermeté et persévérance par les travailleurs de ces pays. Les Suisses ouvrirent les portes de leur patrie avec la plus grande hospitalité; ouvrir les portes de leur esprit leur est très difficile. Mais Hazrat Inayat disait : « On ne peut attendre les deux choses à la fois. Quand ils viendront, ils tiendront ferme ».

En 1923 Pir-o-Murshid Inayat Khan visita l’Amérique et après une halte à New York traversa les États Unis vers San Francisco où il fit un long séjour. Hazrat Inayat avait une prédilection pour l’Amérique, cette terre d’avenir. La nature ouverte et adaptable des gens lui plaisait, de même que leur largeur d’esprit. Il réorganisa la Société en Amérique, fit de nombreux mureeds […]

Ces années furent des années d’extension durant lesquelles la semence du Message était semée â travers l’Europe et l’Amérique.

[…]

Le travail de Pir-o-Murshid Hazrat Inayat Khan concernant le soutien qu’il apportait à ses mureeds dans leur vie extérieure et intérieure était immense et n’a pas encore été dit; il les aidait, les élevait, les secourait, les guérissait, les libérait; il résolvait les problèmes de leur vie et leur offrait une direction inspirée. « Ce que Murshid a été dans ma vie, je ne peux l’exprimer », c’est ce que dit l’un après l’autre de ses mureeds reconnaissants, et ceux qui ont seulement entendu parler de lui à travers eux disent : »Mon souhait serait de l’avoir connu ». C’était sa personnalité qui attirait et son amour gagnait les cœurs. Il est bien souvent arrivé qu’une personne venait qui n’avait qu’une lointaine idée de ce qu’est le Soufisme et qui, après avoir entendu ses paroles, n’avait pas encore assimilé sa pensée. Une telle personne disait : « Je ne sais pas grand chose de ce que le Soufisme peut signifier; ce que je sais, c’est que j’ai vu un grand être ! »

À ce moment beaucoup des livres de Hazrat Inayat furent publiés : « L’Unité des Idéaux Religieux » l’une des plus importantes de ses œuvres, le « Gayan » et plus tard « Vadan’’ et « Nirtan », trois livres d’inspiration divine; le « But de la Vie ». Les quatre pièces écrites par Hazrat Inayat Khan : « Una », « Amîn, le Mandataire Fidèle », « L’Épouvantail », « Puran », furent jouées par ses mureeds lors de l’École d’Eté. Ce sont des pièces de théâtre qui ont un sens plus profond.

La constante communication du Message avait signifié pour lui un sacrifice continuel, un sacrifice à chaque pas; le sacrifice de la patrie, de l’aisance, du loisir, du confort, du repos; le sacrifice de la santé et celui plus durement ressenti qu’eux tous : le sacrifice par le Messager de sa musique bien-aimée, qu’il mettait au-dessus de tout dans sa vie et qui était la joie, la consolation et l’inspiration de son âme. Comment aurait-il pu poursuivre sa course avec elle alors qu’il n’y avait ni temps ni possibilité et qu’il était en perpétuel voyage et sans cesse exposé à tout ? C’était le plus grand sacrifice qu’il pût faire. C’était comme si l’oiseau de son âme avait perdu ses ailes. Dans le « Dayan », les « notes de la musique silencieuse », il a exprimé ce qui vint à lui comme un écho de cette musique apaisée.

L’effort continuel avait trop demandé à la santé de Hazrat Inayat.
Une sérieuse maladie au printemps de 1925 eut des effets désastreux. Pir-o?Murshid conduisit l’École d’Été comme d’habitude en dépit de cet état. En automne il alla aux États Unis et fit un séjour exténuant à New York et dans plusieurs villes : Detroit, St Louis, Chicago et San Francisco. Il donna nombre de conférences devant des audiences très nombreuses et choisies. Un mouvement d’intérêt fut suscité dans tout le pays. Pir-o-Murshid revint en Europe pour diriger l’École d’Été de 1926, dans laquelle il donna quelques-unes de ses conférences les plus extraordinaires. La révélation qu’il exprimait, sa puissance spirituelle étaient continuellement croissantes, mais non pas sa résistance physique. Pir-o-Murshid décida d’aller en Inde, seul endroit où il pouvait espérer trouver quelque repos. Il avait souvent dans ses années d’effort éprouvé une grande nostalgie pour l’Orient, pour l’Inde, pour la retraite. Mais il n’était jamais parti. Il disait : »Une fois que je serai parti, je ne reviendrai jamais ». En 1925 quand un mureed le pria de prendre une période de retraite pour retrouver sa santé, il répondit : « Cela prendrait un an, et il y a l’appel du Message ». Mais il disait parfois : « Je dois donner le Message dans l’Inde aussi, dans mon pays » […]

Il partit, après avoir dirigé la Conférence annuelle du Mouvement Soufi à Genève, en Septembre. Il partit pour l’Inde, pour Bombay, d’où il alla à Delhi et là il vécut dans la retraite, dans une petite maison sur le bord de la Jamuna. Le bruit courut qu’il vivait là et des invitations arrivèrent pour qu’il parle devant les Universités de Delhi, de Lucknow et de Bénarès. Bien que son grand désir fût pour la retraite, il y alla et il parla, accomplissant ainsi sa mission. Cela rencontra un grand enthou­siasme. Il revisita Ajmer, ce centre spirituel des Soufis. En rentrant à Delhi, il prît froid et une maladie grave s’ensuivit. Il mourut le 5 Février 1927. Il avait accompli sa tâche, il avait donné le Message en Occident et en Orient par son effort dans la puissance de Dieu.


***

INAYAT KHAN – Chronologie par Michel Guillaume

1882 – 5 Juillet : Naissance d’Inayat, dans la maison de Maula Baksh, son grand-père, musicien fameux et fondateur d’une École de Musique florissante, à Baroda (Gujerat, Inde), fils de Khadidja Bibi, sa mère, et de Rahmat Khan, son père.

1896 – Mort de Maula Baksh.

1896-1900 – Voyages avec son père par Gwalior et Bénarès jusqu’au Népal où il rencontre un Mouni, un ascète voué au silence, qui lui révèle le mystère du son.

1902 – Début de sa carrière de virtuose. Sa renommée s’étend. Il est reçu, par son seul mérite, à la cour du Nizam de Hyderabad.

1903 – Rencontre avec Murshid Sayyed Abu Hashim Madani . Il devient son mureed, son disciple initié dans l’Ordre Soufi.

1907 – 7 Octobre : Mort de Murshid Madani. Début d’une vie errante comme musicien et derviche.

1909 – Expérience spirituelle décisive – semble-t-il – à Calcutta.

1910 – 13 Septembre : Départ de l’Inde pour les États Unis avec son frère Maheboob Khan et son cousin Ali Khan.

1911-1912 – Débuts difficiles du groupe musical dans ce pays totalement étranger. Premières auditions et conférences (à la Columbia University notamment) Premiers mureeds, dont Mrs. Ada Martin – plus tard Murshida Rabia (1911).

Rencontre avec Miss Ora Ray Baker (1912) qu’il épousera plus tard, Musharaff Khan, son plus jeune frère, se joint au groupe.

1912-1913 – Premier séjour à Londres, puis à Paris avec son groupe musical. Il y rencontre plusieurs musiciens (dont Debussy) et musicologues et leur fait connaître la musique indienne, alors totalement inconnue. Un groupe Soufi est constitué en France. 20 Mars 1913 : mariage avec Ora Ray Baker.

1913-1914 – Voyage en Russie. Rencontres avec Chaliapin, le Comte Serge Tolstoï, Scriabine.

Publication en russe et en français de son premier livre : « Le Message de Liberté Spirituelle ».

1914 – 2 Janvier : Naissance de sa première fille Nour-un-Nisa. Retour à Paris, puis à Londres.

1914-1918 – Inayat Khan et sa famille habitent Londres en guerre. Sa vie et son travail y sont très difficiles. Néanmoins son livre « A Sufi Message of Spiritual Liberty » est publié (1914) et la revue « The Sufi » est éditée régulièrement. Un petit noyau de disciples fidèles se constitue, parmi lesquels : Edmund Russel, Dr. O. Gruner, Lucy Goodenough (plus tard Murshida Sharifa), Miss J. E. Dowland (qui écrira plusieurs livres sous le nom de Nargis), Miss E. M. Saintbury Green (Murshida Sophia). Conférences dans diverses villes anglaises et à Édinbourg. Naissance de ses deux garçons Vilayat (1916) et Hidayat (1917).

1918-1920 – Le travail continue en Angleterre. Graves difficultés au sein de la Société réellement formée. Naissance d sa deuxième fille Khair-un-Nisa (1919)

1920-1921 – La famille se transporte en France. Voyages en Belgique, Hollande, Suisse, où des centres Soufis se constituent. Établissement du Quartier Général à Genève. Première École d’Été à Wissous.

1922 – La famille trouve refuge à Suresnes, grâce à Madame N. Egeling (Murshida Fazal Mai)

Première École d’Été à Suresnes.

1923 – Tournée aux États Unis, où Murshida Marin a administré le Centre pendant les années de guerre. Fondation de Centres Soufis dans diverses villes : New-York, Detroit, Chicago, San Francisco Seconde École d’Été à Suresnes. En Suisse établissement d’une Constitution pour le Mouvement Soufi et assemblée générale à Genève. Tournées de conférences en Suisse, Italie : Florence et Rome (il est reçu au Vatican), à Paris et en Belgique.

1924 – Voyages en Europe : Angleterre, Suisse, Italie, Belgique, Hollande, Allemagne, Suède, Norvège, Danemark. Troisième École d’Été à Suresnes.

1925 – Conférences à Paris, en Suisse, en Italie, en Allemagne. En tournée en Angleterre, grave maladie (Avril). Quatrième École d’Été à Suresnes. En Novembre embarquement pour les États Unis.

1926 – Tournée aux États Unis, jusqu’en Juin. Il y rencontre nombre de personnalités du moment : À New-York il visite le Rockefeller Institute sur l’invitation du Dr. Alexis Carrel; il rencontre Henry Ford à Detroit et s’intéresse à l’Institut du Dr. Abrams à San Francisco. Il visite tous les Centres Soufis. Dernière École d’Été à Suresnes. Embarquement pour l’Inde où il arrive à la mi-octobre. Il ne peut y trouver le repos nécessaire. Conférences aux Universités de New-Delhi, de Lucknow

1927 – Dernière maladie, Décès le 5 Février 1927.


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J’ai abandonné ma musique. Dans le service de Dieu on doit sacrifier ce qu’on a le plus cher, et c’est ce que j’ai fait. J’avais composé des chants, j’avais chanté et avais joué de la vIna, jusqu’à ce qu’à force d’expérience de la musique j’aie touché à travers elle la musique des sphères. Chaque âme devînt alors pour moi une note de musique et la totalité de la vie une musique. Je parlai, et les cœurs furent attirés par mes paroles au lieu de l’être par mes chants.

Maintenant je m’occupe d’accorder les âmes au lieu d’accorder les instruments et d’harmoniser les gens au lieu d’harmoniser les notes. J’ai joué de la vina jusqu’à ce que mon cœur devînt un instrument que j’ai donné au Dieu Musicien, l’Être Unique.

Depuis, je suis devenu Sa flûte à travers laquelle Il joue Sa propre musique lorsqu’il Lui plait.

– Paroles de Hazrat Inayat Khan (1925) –

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