Sache que l'amour, reçoit quatre dénominations principales. A chacune d'elle est attaché un état spirituel que ne partagent pas les trois autres. Nous allons maintenant en traiter.
Al-Hawâ : La Passion subite d'amour, ou l'inclination soudaine d'amour.
Ce terme a deux acceptions principales qui s'appliquent à l'amour.
La première signification exprime ce qui tombe ou surgit dans le coeur en provenance de la réalité non manifestée de l'être (ghayb) qui le pénètre jusqu'en sa réalité extérieure (shahâda) dans ce siège.
On dit, par exemple, l'étoile disparaît (hawâ) lorsqu'elle (semble) tomber. DIEU - qu'Il soit exalté - a dit : "Par l'étoile lorsqu'elle tombe" (coran LIII, I).
Quand cet état intérieur (hâl) est ainsi réalisé, ce nom d'inclination soudaine est l'un de ceux donnés à l'amour. Le verbe qui l'exprime est alors HaWiYa vocalisé au futur YaHWâ et le nom correspondant est HaWâ, le fait d'aimer, de pâtir d'amour.
De la même racine vocalisée HaWâ, au futur YaHwî, vient le nom HuWiY qui signifie le fait de tomber.
Trois raisons viennent à l'appui du sens donné au nom HaWâ, le fait de tomber dans le coeur. Chacune d'elles peut déterminer ce type d'amour, ou ceux d'entre elles ou encore toutes les trois : il s'agit du regard (nazhar), de l'audition (sama') et du bienfait (ihsân).
La plus importante et la plus constante est le regard, car l'amour qu'il engendre ne s'altère pas après la rencontre (de l'être aimé), au contraire de l'audition de sa voix qui est susceptible de s’altérer après la fréquentation. Il est en effet peu probable que la forme du bien-aimé qu'il a perçue par l'ouïe lui corresponde fidèlement dans l'imagination. Quant à l'amour produit par le bienfait, il est sujet à déficience, la négligence le fait cesser même si le bienfait persiste après la disparition de celui qui l'a accordé.
La seconde acception du terme HaWâ exprime une passion ou inclination amoureuse subite qui devrait être conforme aux données de la Loi révélée. La parole suivante que DIEU adresse au prophète David le confirme : "Prononce entre les hommes par le moyen du droit véritable (bi-l-haqq) et ne suis pas l'inclination subite de la passion (hawâ)... (coran XXXVIII, 26) et s'interprète de cette façon : ne suis pas le mobile de ton amour mais bien l'objet de Mon amour car telle est la règle que Je te prescris.
DIEU continue ce verset de la sorte : ...car elle t'égarera de la Voie de DIEU. C'est dire que cette inclination passionnelle te laissera désorienté en te conduisant à ta perte et t'aveuglera dans la voie que Je t'ai tracée dans Ma Révélation et sur laquelle Je t'ai demandé de marcher. Tel est le précepte Divin à cet égard.
Dans ce contexte, l'inclination amoureuse subite est l'amour que l'homme cultive mais que DIEU exige d'abandonner quand cet amour correspond à une manière d'être non conforme aux prescriptions divinement établies.
Viens-tu à objecter que DIEU interdit à l'homme une disposition naturelle dont il n'est pas capable de se priver puisqu'un tel amour, une telle inclination passionnelle, a sur lui une emprise si violente qu'elle exclut la coexistence de la raison.
Nous te répondrons que DIEU n'impose pas à cet être la disparition de l'inclination amoureuse, car la passion trouve toujours libre cours en s'attachant, nous l'avons souligné précédemment, à des objets multiples et en s'exerçant sur des êtres nombreux.
Nous avons déjà montré que l'inclination amoureuse, qui est l'amour, est en réalité l'amour de l'union dans un ou de nombreux individus. C'est pourquoi DIEU - exalté soit - Il - exige que l'homme, dans son amour, s'attache à la seule Vérité qui a été énoncée pour lui - et telle est bien la Voie de DIEU - avec la même vigueur qui le liait à des voies multiples qui ne sont pas celles de DIEU. Tout cela a trait à cette parole Divine citée plus haut : Et ne suis pas l'inclination de la passion. DIEU ne lui imposera donc rien au-delà de sa capacité, la prescription d'une charge contre nature ne pouvant être voulue par Celui qui possède science et sagesse dans les règles qu'Il édicte.
Et si tu avances l'argument sur l'obligation de croire faite à celui qui ne devra pas croire en raison de ce qui est décidé de toute éternité dans la Science de DIEU, comme cela fut le cas pour Abû Jahl et d'autres encore, nous dirons que la réponse à cette objection comporte deux aspects.
Dans la première interprétation, je n'entends pas par imposition ou obligation la seule conformité à l'ordre naturel auquel celui qui est assujetti ne saurait contrevenir. Tel serait le cas d'une personne qui demanderait à une autre de se hisser dans le ciel sans aucun moyen, ou encore de réunir deux contraires, ou bien de demeurer dans l'instant qui lui-même ne perdure pas. Il est donc bien assujetti à l'ordre naturel sur lequel s'exerce son aptitude. Tel est le fondement certain de la foi (imân) et de son mode d'expression, chaque homme ayant lui-même la possibilité de s'y conformer, soit par acquisition personnelle, soit par disposition naturelle, comme tu voudras. Dis alors : c'est pour cette raison que l'argument relatif à cette question qui intéresse le serviteur le Jour de la Résurrection appartient bien à DIEU, Lui qui a ainsi prononcé : Dis ! L'argument péremptoire est à DIEU. ( S'Il avait voulu, Il vous aurait alors tous guidés) (coran VI, 149).
Si DIEU avait imposé à l'homme ce qui n'entre pas dans sa condition normale, la parole : L'argumentpéremptoire est à DIEU, n'aurait pu convenir. Mais comme Il l'a bel et bien dit, c'est à DIEU qu'il appartient de faire ce qu'Il veut ainsi qu'Il le confirme dans ce verset : Il ne sera pas interrogé sur ce qu'Il fait mais eux le seront (coran XXI, 23). Le sens à donner à ces paroles est le suivant : on ne pose pas cette question à DIEU : "Pourquoi nous as-Tu imposé cette charge ? Pourquoi nous as-Tu interdit ou nous as-Tu ordonné telle chose tout en sachant que nous nous opposerions à Ton Décret ? " Ce propos divin : Il ne sera pas interrogé sur ce qu'Il fait, revient à leur poser cette question : " Vous ai-Je donné des ordres qui sont de votre ressort ou non ?" Ils seront obligés de répondre conformément à l'ordre des choses ('âda) : " Nous en étions capables !" C'est avouer que DIEU leur impose des charges en rapport avec leurs aptitudes et que, en définitive, il est bien établi que l'argument péremptoire appartient à DIEU, alors qu'ils continuent d'ignorer la science que DIEU a de leur cas tout le temps que dure l'obligation qu'Il leur impose.
Dans la seconde interprétation, il s'agit, ainsi que nous l'avons déjà envisagé, de la nécessité de la foi en DIEU qui ressort du contexte coranique relatant la saisie par DIEU de la postérité d'Adam (avant son avènement terrestre) et de la manifestation de Sa Décision dans la vie future. Le croyant seul y subsiste, bien que dans la demeure ici-bas, il reconnaisse l'existence de DIEU tout en restant polythéiste. Il ne donne d'associés qu'à un être existant, et pour cette raison, on exige de lui que la reconnaissance de la seule Unité Divine qui est dans cette réalité et qui fait l'objet de l'amour de l'Être vrai, l'objet de cet amour étant encore virtuel par rapport aux êtres qu'il associe. Il aime donc reconnaître l'Unité Divine qui apparaît dans ces individus et s'il en aime un seul il l'affectionnera parmi de nombreux autres. DIEU aime quiconque se qualifie par un tel amour, en raison même de l'existence de ce qu'il aime, à savoir l'Unité Divine se manifestant à travers cette réalité. Quiconque déteste une personne se comporte de cette façon par le fait que l'objet de son amour ne se montre pas à travers elle, et cette attitude relève encore de la reconnaissance de l'Unité Divine.
Le but ultime de tous est donc bien la foi (en DIEU) et nous pouvons le vérifier, à nouveau, étant donné que la Miséricorde de DIEU précède Son Courroux.
La signification du terme hawâ, l'inclination subite d'amour, te paraît maintenant évidente.
source : Traité de l'Amour - Ibn'Arabi
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